Depuis le dynamitage d'un site aborigène vieux de 46 000 ans en Australie, Rio Tinto est dans la tourmente. Le géant minier, dont la réputation a été largement entachée, a poussé vers la sortie plusieurs responsables. Mais face à la colère des actionnaires et des peuples autochtones, le groupe vient de nommer, pour la première fois, un dirigeant aborigène dans son conseil d'administration. Ben Wyatt sera désormais directeur non exécutif du groupe.

Cette nomination suffira-t-elle à calmer la tempête ? Le géant minier Rio Tinto a annoncé le 4 juin la nomination de Ben Wyatt en tant que directeur non exécutif du groupe. L’ancien trésorier de l’État et ministre des Affaires autochtones est le premier membre aborigène du conseil d’administration.
"Avec des liens familiaux avec les Pilbara (un peuple d’Autochtone d’Australie, ndr) et une feuille de route impressionnante dans la vie publique, les connaissances de Ben en matière de politique publique, de finance, de commerce international et d’affaires autochtones ajouteront considérablement à la profondeur des connaissances du Conseil à un moment où nous cherchons à renforcer nos relations avec parties prenantes clés en Australie et dans le monde", a expliqué le Président de Rio Tinto, Simon Thompson.
Restaurer sa réputation
Avec cette nomination, le groupe espère ainsi restaurer sa réputation, largement entachée depuis mai 2020, date à laquelle Rio Tinto a fait sauter un site aborigène vieux de 46 000 ans dans l’ouest australien. L’objectif était d’étendre une mine de fer du groupe et de mettre à jour un gisement d’une valeur de 135 millions de dollars. Or ce site abritait des grottes ancestrales construites par les premiers humains d’Australie. Cette erreur historique a provoqué une onde de choc chez le géant minier. 
Les sanctions sont allées crescendo. D’abord, en août, le conseil d’administration a décidé de supprimer les bonus de trois hauts dirigeants. Puis, face à la colère de peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikura (PKKP) ainsi que de certains investisseurs, le directeur général de Rio Tinto, le Français Jean-Sébastien Jacques, était débarqué. En mars dernier, c’est au tour du Président, Simon Thompson, d’être remercié.
Pour le géant minier, la nomination de Ben Wyatt est l’occasion d’apaiser les tensions. "J’ai été profondément attristé et déçu par les évènements de Jukkan Gorge", a déclaré le directeur non exécutif du groupe. "Mais je suis convaincu que Rio Tinto s’est engagé à changer son approche des questions du patrimoine culturel et à restaurer sa réputation, en particulier en Australie". Cette tentative d’apaisement n’a pourtant pas eu l’effet escompté.
Rébellion des actionnaires
Un groupe aborigène a déclaré qu’il ne soutenait pas la nomination de Ben Wyatt. Selon eux, en tant qu’ancien ministre des Affaires autochtones, l’homme a toujours approuvé des demandes de destruction de site du patrimoine aborigène. "Malheureusement, notre engagement avec M. Wyatt n’a pas été positif et nous ne le voyons pas aider à restaurer la réputation de Rio auprès des parties prenantes autochtones", a déclaré à Reuters Glen Camile, président de la société qui détient le titre autochtone sur les terres. Il va en falloir plus à Rio Tinto pour tourner la page de ce scandale. 
Lors de la dernière Assemblée générale, en mai, le géant a dû faire face à une rébellion des actionnaires. 62 % d’entre eux ont voté contre la rémunération des dirigeants. Et de fait si Jean-Sébastien Jacques a été privé de bonus, sa rémunération totale avait quand même augmenté de 20 % en 2020 par rapport à l’année précédente, malgré la destruction des grottes dynamitées. La société a reconnu que sa politique de rémunération devait être mise à jour. Si l’entreprise fait face deux années de suite à un vote des actionnaires s’opposant à la politique de rémunération des dirigeants, le conseil d’administration peut être réélu.  

Marina Fabre, @fabre_marina


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