La poésie est-elle un remède contre les écrans ?

Le journaliste, écrivain Olivier Frébourg, 2011 ©Maxppp - Vincent Isore
Le journaliste, écrivain Olivier Frébourg, 2011 ©Maxppp - Vincent Isore
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Le journaliste, écrivain Olivier Frébourg, 2011 ©Maxppp - Vincent Isore
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Olivier Frébourg publie "Un si beau siècle — La poésie contre les écrans" aux éditions des Équateurs.

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"Je ne connaissais pas Olivier Frébourg. J’ai lu les 152 pages de son livre, « La poésie contre les écrans ». Il m’est apparu comme un homme d’âge mûr, qui portera des habits de couleur passé 60 ans par peur du vieillissement, un écrivain-éditeur, de culture catholique, aimant le Portugal et la navigation, les voitures qui roulent vite et les bibliothèques qui ploient, les siestes dans des chaises-longues délavées… un bourgeois éclairé, un homme du 20e siècle, comme on en voit au cinéma. Je suis journaliste spécialisée dans les médias et mère de deux adolescents qui ne lisent jamais un roman. Oui, l’époque m’effraie : puits sans fond de divertissement mixé à des hurlements, vidé de toute pensée, refourgué à vitesse grand V à mes gamins rivés à leurs téléphones, goinfrés d’information, privés de complexité. J’ai peur, pour eux, pour nous. Le livre d’Olivier Frébourg m’a fait grand bien, voyez-vous. Ses mots sont tellement violents à l’égard de cette « infection » que constituent les écrans, à l’égard de cette massification de la haine et de la bêtise qu’induisent les réseaux sociaux, qu’ils m’ont donné envie de voir dans l’Internet l’outil tant attendu de circulation des idées et de démocratisation du savoir." Sonia Devillers 

Le livre d'Olivier Frébourg  m’a fait du bien ! 

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Extraits de l'entretien : 

Olivier Frébourg  :  « La vie c’est la joie, la beauté et l’amour ce qui est antinomique avec l’enfer numérique que nous vivons. Quand je vois mes enfants dans leur rapport avec leurs écrans, à une semaine du bac, je pense à la servitude volontaire dont parle La Boétie…

J’ai envie de dire à la jeune génération : Rompez tout, vivez, slamez la vie, lisez, respirez mais ne devenez pas des petits vieux devant les écrans.

Sonia Devillers : Cet effacement est aussi dramatique qu’un autodafé, écrivez-vous à propos des écrans qui ont chassé les livres imprimés, vraiment ?  

Olivier Frébourg : 

Le livre est en train de disparaitre des maisons au profit des objets de designs ! 

SD : Et pourtant il ne se vend pas moins de livres qu’avant…

Olivier Frébourg : "Mais le rapport que nous avions hier avec les bibliothèques a été remplacé par la wi fi et les écrans. Or le livre était un instrument d’émancipation et de voyage vers l’extérieur. Je pense que les bibliothèques aujourd’hui sont menacées."

SD Qu’entendez-vous par cette phrase magnifique : « Les livres sont d’abord nos parents puis deviennent nos enfants » ?

Olivier Frébourg : « Nous avons tous en mémoire un livre qui nous a éduqué, un jour nous avons envie de le transmettre comme un talisman à la génération suivante. Qu’est-ce que nous voulons donner à nos enfants : de la beauté ou du clash médiatique et de l’horreur ? Il y a une chose sacrée dans le livre et intemporelle.

Dans cette époque dépressive où les gens ont le sentiment d’être dépossédés de leur existence, commencez votre journée avec une feuille blanche, un crayon et un vers de poésie, vous verrez que ça ira mieux. La poésie est un intensificateur du moment.

SD « Ce n’est pas le passé mais le présent qui nous est enlevé à travers les écrans », s’ensuit toute une rhétorique de l’enfermement dans votre pamphlet…

Olivier Frébourg : "Contrairement à ce que l’on croit les écrans ne sont pas une fenêtre vers l’extérieur mais un repli sur soi. Alors que la vie c’est voyager. "

Les écrans sont des portes fermées, des prisons. Rien n’est pire que l’assignation à résidence que provoquent les écrans !

SD : Le bourgeois que vous êtes est l’homme du progrès. Vous citez Baudelaire qui a exécré la modernité ! Ce livre est plein de mauvaise foi, cela contribue à son charme.

Olivier Frébourg : "Je ne me sens pas un esprit bourgeois contrairement à ce que vous dîtes. Le bourgeois c’est celui qui pense dans le mainstream. Comme Flaubert qui a passé son temps à dénoncer les idées reçues, j’aime la liberté de pensée. Je suis pour ouvrir toutes les vannes de l’expression. "

SD : Olivier Frébourg, vous cherchez ce que vous ne nommez jamais mais que je nommerais « la transcendance »… La poésie élève vers le sacré, en revanche, l’ascension du numérique est concomitante avec la disparition de la croyance en dieu selon vous ?

Olivier Frébourg : "Tout grand texte est un accès au sacré, quelles que soient nos religions. Comment vivre dans un monde sans puissance qui nous élève ? "

SD : Je dirais moi que le religieux se porte très bien, concomitamment à la présence des écrans. Je le regrette plutôt moi qui suis une impie. Vous, vous aimez particulièrement fréquenter les églises, vous recherchez la pureté…

Olivier Frébourg : "Je cherche à m’alléger. Les églises et les cimetières sont des lieux de silence et de retraite, ça n’a rien à voir avec le fait de croire à une religion. Quand je lis Camus, je vois le bleu de l’océan… cette nature me réconcilie et me réconforte. "

SD Les écrans n’ont rien empêché du rapport à dieu et aux religions.

Olivier Frébourg : « Non, mais les écrans nous ont éloignés d’une certaine forme de sacré et de la transmission. C’est cette aliénation que je veux dénoncer. L’homme est fait pour la liberté absolue."

SD :  Je me questionne sur l’accès au savoir longtemps réservé à une poignée de privilégiés. Le monde aujourd’hui généralise l’accès au savoir avec le numérique. Pourquoi ne pas voir là quelque chose de formidablement émancipateur et libérateur ?

Olivier Frébourg : "Evidemment que le numérique est un moyen d’accès à toutes sortes d’informations. Mais ce qui m’intéresse c’est la finalité. Je suis un petit fils de paysan et de marins  puis d’instituteurs, on m’a appris que le livre était un instrument d’émancipation. Je suis devenu éditeur pour cela."

Je vois nos enfants incapables de s’ennuyer, or l’ennui c’est la rêverie, la rêverie c’est le début du voyage. 

L’impulsion électronique qui gouverne tout, c’est la société de consommation et de contrôle."

SD : C’est le supermarché du libéralisme, on peut tout mettre dans son caddie et c’est le dernier cycle avant l’effondrement, dîtes-vous… vous allez bien ? (rires)

Olivier Frébourg : "Un écrivain est là pour dire si quelque chose ne va pas. Le monde est chaotique mais passionnant. Internet c’est l’asservissement quand le livre c’est la diversité, l’ouverture sur le monde."

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📖 LIRE : La poésie contre les écrans, Olivier Frebourg, Ed des Equateurs

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