Une avancée historique pour certains, dangereuse ou "contraire à l’islam" pour d’autres, la décision oppose deux camps à Riyad.
Pour Bichara Khader, professeur émérite à l’Université catholique de Louvain et fondateur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe contemporain, cette abolition "n’est pas un vent de liberté, mais une adaptation à mon sens, prudente, de la législation pour tenir compte des évolutions de la société saoudienne elle-même".
Nombreuses sont en effet celles à militer pour le droit des femmes en Arabie saoudite, "elles ont été maintenues dans un statut d’infériorité beaucoup trop longtemps, un statut de subordination dans un système patriarcal, ultra-conservateur. Elles ne pouvaient pas conduire, elles ne pouvaient pas voyager seules. Lorsqu’elles sortaient dans la rue, elles devaient être chaperonnées par un frère, un mari, un cousin… Elles ne pouvaient même pas ouvrir un compte en banque".
Des luttes pour le droit des femmes en Arabie saoudite, parfois au prix d’un long séjour en prison. Bichara Khader le rappelle, "des femmes saoudiennes remarquables moisissent aujourd’hui dans les prisons saoudiennes pour simplement avoir revendiqué des droits pour les femmes".
C’est le cas de Loujain al-Hathloul. La militante saoudienne, connue pour avoir fait campagne contre l’interdiction de conduire faite aux femmes en Arabie saoudite, était arrêtée aux côtés d’une dizaine d’autres militantes en mai 2018, quelques semaines avant la levée de cette interdiction en vigueur durant des décennies.
En décembre dernier, elle avait été reconnue coupable de "diverses activités prohibées par la loi antiterroriste" et condamnée à cinq ans et huit mois de prison.
La militante de 31 ans a été libérée le 11 février, après 1001 jours en prison, mais en liberté conditionnelle pour trois ans. Sa peine a été confirmée en appel par la justice saoudienne en mars dernier. Loujain al-Hathloul a été condamnée à cinq ans et huit mois de prison, dont trois en liberté conditionnelle. La militante est également interdite de voyage pendant cinq ans.
Si certaines militantes aux côtés de Loujain al-Hathloul ont été libérées sous conditions, d’autres sont toujours emprisonnées sous des chefs d’accusations "opaques", selon des militants des droits humains.