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"Je me suis senti seul": avec la pandémie, le boum des agences matrimoniales

Un couple devant la tour Eiffel, à Paris (photo d'illustration)

Un couple devant la tour Eiffel, à Paris (photo d'illustration) - AFP

Les agences matrimoniales ne connaissent pas la crise. Un engouement qui semble renforcé depuis la pandémie de Covid-19 et le début de la crise sanitaire.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les différentes restrictions sanitaires, les confinements, le couvre-feu et avec la fermeture temporaire des bars, restaurants et lieux de loisirs, les agences matrimoniales semblent avoir la cote.

Des inscriptions multipliées par trois

Ce que confirme Aurélie Sorlin, directrice de l'agence Unicis pour les Yvelines, les Hauts-de-Seine et Paris Ouest.

"Depuis le début de l'année, les inscriptions au sein de mon agence ont triplé, affirme-t-elle à BFMTV.com. Mais dès le premier confinement, le téléphone n'avait pas cessé de sonner."

Cette professionnelle de la rencontre se targue d'un taux de réussite de 69% auprès de ses adhérents, âgés entre 25 et 70 ans. "Mais en majorité, c'est plutôt autour de 35-55 ans", précise-t-elle. Si, pendant le premier confinement, Tinder a observé une hausse de 23% des conversations et que le nombre de célibataires qui cherchent "une vraie histoire d'amour" est en hausse - soit 63% selon le site de rencontres Meetic, l'un des géants du marché - Aurélie Sorlin assure accueillir de nombreux déçus de ces sites.

"J'ai toujours récupéré des personnes qui les avaient tentés avant de se tourner vers une agence. Mais depuis la pandémie, c'est un phénomène encore plus important."

"Je me suis senti seul"

C'est le cas de Nicolas*, un ingénieur économiste âgé de 42 ans qui travaille dans le secteur de l'énergie, inscrit depuis le début de l'année dans une agence matrimoniale. S'il a bien tenté de rencontrer l'âme sœur par un site de rencontres après la fin d'une précédente longue relation, ça n'a jamais rien donné.

"J'ai rencontré des personnes qui avaient les mêmes passions que moi, ça pouvait matcher sur le plan artistique, mais nos attentes sociales étaient différentes et ce n'était pas l'idée que je me faisais du couple, regrette-t-il pour BFMTV.com. C'était un peu léger."

Pour Nicolas, qui réside en Île-de-France, c'est bien le confinement qui a été l'élément déclencheur. "Pendant un an, je me suis senti un peu seul. Et pour rencontrer quelqu'un, en étant toute la journée en télétravail, chez soi, c'est compliqué. Quand mes collègues me disaient que c'était difficile de rester chez eux avec leur femme et leurs enfants, moi je me disais que j'adorerais être dans cette situation."

Depuis son inscription dans l'agence Unicis, Nicolas a rencontré plusieurs personnes. Si l'une est depuis devenue une amie, la dernière rencontre pourrait bien être la bonne. "On s'est vu trois fois, ça se passe bien. Je ne sais pas encore sur quoi ça va aboutir, peut-être que les choses vont évoluer lors de notre prochaine rencontre." Mais c'est encore trop tôt pour parler d'une possible relation amoureuse.

"On prend le temps. Et puis avec l'âge, je sais ce que je ne veux plus."

Une tendance plus ancienne

Guillaume Salinas, le directeur de l'agence matrimoniale marseillaise Alliance conseil, a lui aussi remarqué que la pandémie avait accéléré les choses.

"À partir du deuxième confinement, on a compris qu'on était dans une tendance longue", analyse-t-il pour BFMTV.com.

Un de ses célibataires lui a raconté avoir passé son confinement dans de bonnes conditions matérielles - une très belle maison avec piscine chauffée - mais tout seul. "On sait bien que ce n'est pas au supermarché qu'on peut rencontrer quelqu'un, c'est comme gagner au loto." Mais selon lui, la tendance date de plusieurs années. Depuis trois ans, le nombre de personnes inscrites dans son agence a triplé. Parmi ses profils: des hommes et des femmes de tout âge et de tout milieu social.

"La solitude, c'est comme une maladie, ça touche tout le monde. Les jeunes comme les moins jeunes, les modestes comme les plus riches. J'ai une jeune femme de 28 ans qui m'a dit qu'elle n'avait aucun problème pour mettre quelqu'un dans son lit mais que ce qu'elle voulait, c'était trouver quelqu'un pour fonder une famille."

"Il fallait sauter le pas"

Gérald*, un responsable de recherche et développement pour une marque d'équipement sportif, vient tout juste de s'inscrire en agence matrimoniale. Pour cet homme de 53 ans divorcé et père de deux grands enfants, c'était le moment. "Après le confinement et avec la maturité dans mon histoire personnelle, il fallait sauter le pas", se souvient-il pour BFMTV.com.

Ce Savoyard assure être à la recherche "de quelque chose d'authentique" et ne s'imaginait pas "feuilleter le catalogue des sites de rencontres en regardant les photos comme on achète un produit sur Amazon". Sans compter ses journées passées derrière un écran, il ne se voyait pas encore y consacrer ses soirées pour trouver l'amour.

"Sortir et faire des rencontres, c'est compliqué vu le contexte, poursuit Gérald. Je me dis qu'en passant par une agence, je rencontrerai des personnes qui sont dans le même état d'esprit et dans l'envie de construire une relation. Je ne sais pas si ça marchera, mais je me dis qu'il y a davantage de chances que je rencontre quelqu'un qui me convienne."

De nouvelles motivations

Esther Keller, à la tête de l'agence du même nom située à Lyon, mais qui joue les cupidons en Suisse, à Monaco, à Cannes, Dubaï ou même Miami pour une clientèle d'expatriés, note quant à elle de nouvelles motivations chez certains célibataires.

"Un de mes clients, le patron d'une grande entreprise connue médiatiquement, m'a dit qu'il en avait marre d'amasser de l'argent pour ensuite finir avec un tuyau dans l'œsophage", raconte-t-elle à BFMTV.com.

Selon cette spécialiste du couple, davantage d'hommes, dont des quinquagénaires, se projetteraient bien plus dans le projet de fonder une famille. "J'ai beaucoup plus d'hommes qui me disent qu'ils recherchent une compagne pour avoir des enfants, c'est dans leurs premières motivations, ajoute Esther Keller. C'était moins le cas avant." Selon elle, la pandémie, les confinements, les restrictions sociales et le fait de souffrir davantage de la solitude ont leur part dans cette tendance, mais elle serait aussi liée à un contexte global insécurisant.

"Avant, c'était un peu plus cavalier, les hommes étaient peut-être un peu plus butineurs. Là, je vois bien que c'est beaucoup plus profond, réfléchi, qu'ils envisagent la vie différemment."

Une remise en question avec la pandémie

Valérie Périnel est à la tête de l'agence lyonnaise du même nom. Elle enregistre elle aussi une hausse des inscriptions. "Depuis juin 2020, c'est +40%", précise-t-elle pour BFMTV.com. Pour ses célibataires, la pandémie et les confinements ont été la source de remise en question et d'une révision de leurs priorités.

"Ils ne veulent plus perdre leur temps et ont envie de s'investir dans une relation sérieuse avec une valeur essentielle: le respect de l'autre."

Valérie Périnel évoque un nouveau profil: les plus de 50 ans, qui étaient jusqu'alors pris dans leur travail, leur carrière et leur quotidien. Pour eux et elles, le confinement - vécu avec ou sans enfants mais en célibataire - a été l'origine d'une prise de conscience sur le sens de leur vie et d'une aspiration à autre chose.

En couple depuis deux mois et demi

Comme Florence*, une ingénieure informatique de 52 ans qui réside dans les Yvelines, inscrite depuis la rentrée 2020 dans l'agence Unicis. Après s'être séparée du père de sa fille lorsqu'elle était petite et l'avoir élevée seule, après avoir vécu une nouvelle relation amoureuse puis une rupture, la solitude lui pesait et il était grand temps de penser à elle.

"Après cinq ans de célibat, il fallait se donner les moyens de rencontrer quelqu'un, témoigne-t-elle pour BFMTV.com. À un moment, il faut se rendre à l'évidence, quand on travaille beaucoup, on a peu de temps pour trouver quelqu'un. Les sites de rencontres, pour moi, ça revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Je sais que de très belles histoires s'y font, c'est le cas de ma sœur, mais moi ça m'effrayait."

Passer par une agence était pour elle une garantie de sécurité mais aussi un gage d'efficacité lui permettant d'éviter certaines déconvenues. Et ça a marché. Elle est en couple depuis deux mois et demi.

"C'est tout récent, on apprend à se connaître, mais on fait des projets et on envisage déjà d'acheter une résidence secondaire. On est sur la même longueur d'ondes, en phase avec nos attentes profondes."

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https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV