Le musicien Benjamin Sire.

Le musicien Benjamin Sire.

Yann Saint-Pé

"Mais comment un musicien comme vous en est venu à s'engager politiquement et particulièrement au sein du Printemps Républicain et de la gauche laïque, et à ferrailler pour cette cause, sur les réseaux et dans la presse ?"

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Alors que débute la promotion de mon nouvel album de musique électronique, Electronica Cinematic, cette question revient régulièrement. Nous sommes en France, le pays des étiquettes, où chacun doit rester à sa place et ne pas brouiller les pistes, ce que je fais trop régulièrement à mon corps défendant. Je l'oublie parfois. Mais si la question me surprend, c'est pour une autre raison : en vérité, je n'ai tout simplement jamais interrogé l'origine de mon engagement avant d'écrire ces lignes.

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Dans les faits, si la littérature, le théâtre et, plus que tout, la musique, ont toujours été les matières les plus à même de nourrir mon âme, j'ai depuis toujours en moi le virus de la politique et de l'Histoire. Mais la raison première de tout cela est à chercher ailleurs... même s'il est toujours difficile de remonter dans le temps d'une famille décimée par le nazisme, dont l'une des dernières survivantes, profondément marquée dans son corps et son esprit par cette période, cultivait le secret, tout autant qu'elle aimait brouiller les pistes. Libre, sauvage, intrépide, si ce n'est parfois téméraire, ma mère portait dans ses yeux à la fois durs et craintifs, les stigmates de la Shoah, tandis que ses lèvres savaient rester closes sur la question, préférant disserter à l'envi sur ses libres années d'après guerre où elle avait embrassé la carrière de comédienne avant, bien plus tard, de devenir décoratrice.

Le nazisme donc.

Et quand j'écris "le nazisme", je ne parle pas spécifiquement de l'extermination des juifs. J'envisage la manière, qui résonne dans l'actualité immédiate, dont une idéologie peut entraîner les masses dans une hystérie collective lui faisant perdre le nord sur la boussole de l'humanisme. La manière dont un corpus où se conjuguent ressentiment, obsession de la race et de la pureté, besoin de simplification, donc quête de boucs émissaires, déresponsabilisation de l'individu au profit du collectif, a le pouvoir de conduire tout un peuple vers la folie destructrice.

Le nazisme donc.

Mais bien au-delà de lui, tous les totalitarismes qui, de Berlin, en passant par Rome, Moscou, Madrid, Pékin, Pyongyang, Phnom Penh ou ailleurs, ont, au nom d'une quelconque quête d'absolu, transformé l'homme en une engeance faisant honte au règne animal.

"Stress post traumatique par procuration"

Depuis ma plus tendre enfance je développe une forme de stress post traumatique par procuration. Je me sens parfois comme la madame Rosa de La vie devant soi de Romain Gary, craignant à tout moment de voir débarquer la Gestapo pour me faire payer son échec à attraper ma mère quand elle le pouvait encore. J'ai passé toutes ces jeunes années à contempler sa maigreur. Elle est morte à mes côtés alors qu'elle ne pesait plus que 28 kilos. Elle n'a jamais dépassé les 39 du fait des conséquences de sa fuite quotidienne, entre l'âge de 5 ans et celui de 9 ans, protégée et cachée qu'elle était par la grâce du réseau de résistance où officiait mon grand-père, l'autre survivant de la famille, en dépit des tortures qui lui ont été infligées par Klaus Barbie et sa bande. L'ironie du sort voudra que lors de sa fuite bolivienne, ce même Klaus Barbie choisira le nom d'Altmann pour se dissimuler. Altmann ? Le nom de jeune fille de ma mère à un N près, celui qui fait la différence parmi les patronymes germaniques, entre ceux des juifs et les autres...

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Alors voilà. Les années ont passé, principalement tournée vers l'art, ce mot qui ne dit rien, mais peut être tout. Mais toujours une voix méchante me taraudait au fur et à mesure que le XXème siècle touchait à sa fin. Cette voix me disait que jamais l'être humain n'avait atteint le sommet de son potentiel de cruauté. J'ai au-dessus de l'esprit une épée de Damoclès qui me susurre que le pire est toujours à venir. Pendant ce temps, je m'étais nourri de ceux qui me semblaient envisager ce que je ressentais : Victor Hugo, Hannah Arendt, Arthur Koestler, Ernst Weiss, Albert Cohen, et plus que tout autre, Romain Gary, Stefan Zweig et Albert Camus.

Je suis devenu adulte à la fin des années quatre-vingt, alors que le mur de Berlin s'effondrait, mettant fin à la si pratique et aisément compréhensible bipolarisation du monde. Tandis que mes amis, mêlés au reste du monde, pleuraient de joie au son du violoncelle de Rostropovitch sur les vestiges du 13 août 1961, je fus étreint par une sourde angoisse qui m'annonçait demain, bien que déjà la révolution iranienne de 1979 m'avait mis la puce à l'oreille : les talibans, le Koweït, la renaissance russe vexée de l'humiliation afghane et des vapeurs d'alcool mafieuses de l'ère Eltsine, le 11 septembre et les guerres d'apprentis sorciers des américains, le Printemps arabe, la révolution numérique, avatar du triomphe du libéralisme et de l'individualisme détruisant les structures étatiques et de représentation. Je savais que l'être humain allait bientôt apparaître dans sa plus parfaite nudité, seul, livré à lui-même face à ses écrans et ses frustrations mères de tous les conflits.

Alors, les notes, comme un alcool dont l'ivresse qu'il propose permet d'échapper aux angoisses et de tutoyer le sacré et la mystique nécessaire à la survie. Mais les notes n'empêchent pas le monde d'évoluer, ni l'angoisse de vous torturer. Alors arrive le jour, où, si ce n'est pour calmer l'angoisse, au moins pour ne pas la regarder passivement, l'engagement devient un devoir. Et cet engagement doit être mis en résonance avec les quelques certitudes ou intuitions qui m'animent et qui vont à rebrousse-poil d'un temps où ce qui nous sépare est valorisé au-delà du raisonnable, où les identités réductrices sont sanctifiées, où l'individu est à la fois roi et irresponsable, où le prétendu progressisme (écologique et sociétal) se teinte de totalitarisme, où l'antiracisme se fonde sur un mélange de différentialisme et de racialisme, où la post-vérité et l'inversion des valeurs règnent en maître dans un monde où les individus n'ont plus de repères, où le peuple, abandonné par ses anciens soutiens, est renvoyé à une identité rance dont il cherche désormais à se venger en faisant les yeux doux à cette extrême droite cynique qui lui ouvre grand ses bras hypocrites.

Universalisme, humanisme et laïcité

Alors ne restent que quelques fondations héritées de maîtres à penser, pourtant eux-aussi considérés d'un oeil critique. Des fondations émancipatrices soutenant les piliers de la République incarnés par les trois mots qui trônent aux frontispices des bâtiments nationaux : liberté, égalité, fraternité : l'universalisme, l'humanisme et cette laïcité tant mise à mal de nos jours par ceux qui veulent y voir une atteinte contre les religions, alors qu'elle est la seule garantie pour chacun de voir sa liberté de conscience garantie. Il n'y a d'ailleurs aucun hasard de la voir attaquée principalement par des idéologies politiques et radicalités religieuses absolutistes, même si les étranges inversions de l'époque leur permettent de tracer leur redoutable chemin arrimées aux wagons d'un supposé progressisme. Celui qui, sous prétexte de respecter la diversité des cultures, et plus particulièrement de celles ayant été l'objet de domination, justifie les attitudes les plus rétrogrades. Celui qui, au nom de la lutte contre les discriminations, ne cesse d'en créer de nouvelles. Celui qui, pour assainir l'avenir, veut annuler le passé, comme si l'Histoire pouvait obéir à je-ne-sais quel caprice adolescent.

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Le chemin était tracé, il me restait à savoir où il me conduirait. Nulle part à la vérité, je n'ai pas bougé. On est venu me chercher, après un bref passage dans les équipes de François Bayrou, entre 2006 et 2009, où j'eus à la fois l'occasion d'apprendre tout ce que je détesterais à jamais dans la sphère partisane, et à admirer trois femmes auxquelles je ne cesserai de rendre hommage : Elisabeth de Fresquet, Maud Gatel et Marielle de Sarnez, dont le décès m'a beaucoup affecté. Tout cela fut affaire d'amitié.

Laurent Bouvet, victime des "beaux esprits" progressistes"

Quand le politologue Laurent Bouvet, dont je suivais et commentais parfois les propos sur les réseaux sociaux m'a envoyé un message me proposant de rejoindre la Gauche populaire, le nouveau mouvement informel qu'il venait de créer avec quelques autres universitaires et personnalités de gauche, je fus des plus surpris. Si j'adhérais tout à fait au constat ayant donné naissance à cette éphémère structure, notamment fondée sur le rejet de la fameuse note Terra Nova de 2011, voyant la gauche entériner l'abandon du peuple et entamer sa course aux identités, je n'envisageais vraiment pas en quoi moi, musicien peu notoire bien qu'un peu reconnu dans certains milieux, à des années lumière de ce que l'on peut qualifier d'intellectuel, électron libre peu soluble dans la discipline de mouvement, je pouvais apporter à cette aréopage sur-diplômé qui prétendait m'accueillir en son sein.

Pas grand chose en vérité.

Mais, comme chez d'autres au sein de la Gauche Pop', j'allais découvrir en Laurent une personnalité aux antipodes de toutes les critiques lui étant adressées, d'une bouleversante humanité, d'une magnifique courtoisie, d'un courage unique, d'une aussi grande subtilité de réflexion dans ses ouvrages que d'un tempérament volcanique et maladroit quand il se saisit de ce Twitter qui lui vaut tant d'incompréhensions et encore plus d'ennemis.

Tout cela reste un grand mystère pour moi.

Comment un homme qui conjugue tant de courage, de gentillesse, d'attention aux autres et globalement de qualités humaines et intellectuelles, dont l'engagement politique (ne s'exprimant pas à travers quelques tweets ironiquement vengeurs) est l'un des plus parfaitement nuancés qu'il m'ait été donné d'analyser, a pu se voir voué aux gémonies par tout ce que la gauche compte de "beaux esprits" progressistes ?

Comment cet homme qui m'a accueilli les bras ouverts parmi ses pairs, alors que je ne pouvais rien lui apporter concrètement, si ce n'est mon respect et mon amitié, peut être à ce point poursuivi par la haine de ceux qui n'ont que les mots respect, inclusivité, démocratie, antiracisme, anti-discrimination à la bouche - et autant de couteaux dans les yeux ?

Sans doute parce que cette gauche ne déteste rien tant que le réel et que les livres de Laurent n'ont pas d'autres prétentions que d'analyser celui-ci, qu'il soit plaisant ou non. Ainsi, quand il développe le concept d'insécurité culturelle, ce n'est pas pour l'orienter vers une idéologie ou un parti, bien au contraire, mais pour expliquer les facteurs qui peuvent éclairer l'évolution et l'accroissement de l'électorat du Rassemblement national et plus globalement des partis contestataires et populistes.

Hypercasher et Bataclan

Las, la Gauche populaire a vécu et surtout périt par la récupération de quelques cyniques élus du Parti socialiste.

Qu'importe encore. Il était temps pour moi de me consacrer plus fermement à la musique.

Je mis ainsi plusieurs années à réaliser mon nouvel album November, le premier d'une série réalisée à partir d'instruments virtuels, me permettant de pallier l'évolution de mon handicap m'interdisant la pratique instrumentale, et dont la date initiale de sortie fut programmée... le 13 novembre 2015.

Vous me suivez ?

Pour nous, ma femme, ma fille et moi, les attentats de 2015 représentèrent un véritable tremblement de terre, tant ils eurent de conséquences immédiates sur notre vie, en plus de nous provoquer la même sidération qui secoua le pays entier.

En ce matin du 7 janvier 2015, où la rédaction de Charlie Hebdo va être décimée, je suis chez moi, soit à quelques dizaines de mètres de... l'hypercasher de la Porte de Vincennes, en train de peaufiner l'un des derniers titres de l'album, Mess, dont le texte évoque le chaos du monde.

Comme vous, comme la plupart, je reste figé, sidéré. Pas seulement parce que certains des membres de la rédaction étaient de vagues connaissances. Mais surtout pour le symbole qui est attaqué ce jour-là. Ils ont osé! Des dessinateurs ? Des dessinateurs ? Besoin de prononcer plusieurs fois ce mot, cette profession dans mon esprit. Ils ont osé ? Bien sûr. Le pire est toujours à venir, tel que me le susurre encore l'ami Damoclès.

Le surlendemain, en fin de matinée, ma fille et mon beau père vont s'offrir quelques gâteries orientales à l'hypercasher. Ils en reviennent fiers de montrer leur butin. Quelques minutes plus tard, Amedy Coulibaly pénètre dans le magasin et le carnage commence, recommence.

Je tweete, incrédule, poste des photos de la situation, je ne tiens plus en place. Le téléphone sonne. La rédaction de Libération me contacte et me demande de témoigner, étant mieux placé que la plupart des journalistes. Je participe à la couverture de l'assaut. Une scène de guerre. Quelque chose que ma génération n'a jamais vécue, ne peut pas concevoir. Nous sommes trop fragiles. Je le sais de longue date. Des proies idéales. Je tremble tellement que je lâche mon téléphone à plusieurs reprises. Ce bruit ! Puis le silence. C'est fini. Ma fille...

Deux jours plus tard, ma femme, dont les bureaux de production sont au rez-de-chaussée de notre immeuble et accueillent également la rédaction de Tribune Juive, dont son père est l'un des tenants, m'appelle en panique. Ils viennent de recevoir des menaces de mort. La DGSI est contactée et investit les lieux pour les sécuriser. Ma femme ne veut plus rester. Elle délocalise provisoirement ses bureaux dans un sorte de hangar lointain mis à disposition par des amis, avant d'en retrouver de vrais. Nous vivons dans la paranoïa et ni elle, ni ma fille ne sont plus tranquilles. Elles exploseront bientôt de concert, psychiquement. Le temps nous apprendra que ces menaces étaient sérieuses et provenaient d'un membre de la cellule djihadiste de Lunel, qui allait être démantelée quelques jours plus tard.

Mon beau-père, quant à lui, éjecté de Tunisie du jour au lendemain après la crise de Bizerte de 1962 et la vague antisémite l'ayant suivie, va rester prostré quelque mois. Incrédule de voir le drame qui a brisé son enfance maghrébine se reproduire ici. Après les attentats du Bataclan, il développera une leucémie foudroyante qui l'emportera.

Le Bataclan justement.

Quelques semaines avant le 13 novembre, je demande à mon distributeur de repousser la sortie de l'album d'une semaine. Par respect pour la superstition de feu ma mère, je ne veux pas le voir sortir un vendredi 13. La date du 20 est retenue et la soirée de sortie est bookée dans une galerie d'art à quelques pas du Bataclan, où j'ai joué en 2006.

En ce vendredi 13 novembre, je vais déjeuner au café du Bataclan, avec mon ami F., qui me vend depuis des années mon matériel de studio et dont le magasin est situé juste à côté. Je passe ensuite quelques minutes dans la salle, où j'ai des camarades, pour évoquer un concert organisé quelques jours avant par mon associé dans l'autre salle du groupe, la Maroquinerie, situé dans le 20ème arrondissement. Je les laisse, joyeux avant de rentrer chez moi. L'un deux succombera à ses blessures, quelques heures plus tard.

La soirée s'avance. La suite est connue.

Je m'interroge plusieurs jours quant au maintien de la fête de sortie de mon album, le 20. Je décide de la maintenir et de la transformer en hommage aux victimes. Plusieurs survivants y prendront part. Avec le pianiste Nicolas Rezaï et le violoniste Mathieu Vilbert, nous décidons d'un set ultra minimaliste où mes titres seront entrecoupés de pièces pour piano de Nicolas et par la Chaconne qui conclut la "Partita N°2" de Bach, interprétée par Mathieu. Pour finir, dans un moment d'une émotion comme je n'en ai que peu ressenti sur scène, j'interprète le "Hallelujah" de Leonard Cohen, qui sera repris par tout le public. Fin. Des notes, des larmes. Mais rien qui peut venir en aide aux 123 morts (ayant retranché les terroristes du décompte) et 413 blessés de cette soirée d'apocalypse.

Bataille contre l'extrême-droite et les fossoyeurs du républicanisme

Pourquoi s'engager, me demande-t-on ?

Quand, autour de Laurent Bouvet, de nombreux anciens de la Gauche populaire, de Gilles Clavreul, d'Amine El Khatmi et de bien d'autres, me fut proposer d'intégrer le Printemps Républicain à sa création, puis son équipe dirigeante, ce n'est pas seulement que je n'ai pas hésité. Un nouveau nazisme, aussi maladroit que roublard, profitant des largesses des délires intersectionnels d'origine américaine, commençait à tisser sa toile. Enfin, non, ne commençait pas. Et je repensais aux articles peu diffusés que j'avais jadis consacré à la nébuleuse des Frères musulmans et son changement de paradigme en 1962, après la création de la Ligue Islamique Mondiale, qui avait fait passer le combat contre l'influence occidentale en Égypte en une volonté de fonder la véritable Oumma en s'inspirant des principes trotskistes et de Gramsci, pour l'imposer à tous. Je repensais à tous mes amis musulmans qui, du jour au lendemain, figuraient de mauvais croyants aux yeux des fondamentalistes rétrogrades qui, partout, toujours dans le sillage d'une gauche gorgée de ses postures morales et confondante de naïveté, mais aussi d'élus de tous bords pratiquants le clientélisme pour se maintenir, avançaient leurs pions. Je pensais à eux et aux cadeaux que la situation offrait à l'extrême droite qui les mettraient dans le même sac que les terroristes pour entretenir le fantasme d'une France blanche aux racines chrétiennes. Je pensais à Laurent et à ses diagnostics aussi justes que contestés. Je pensais à ma mère, heureux qu'elle fut morte.

Alors c'est seulement maintenant que je réponds vraiment à la question initiale.

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Travaillant depuis plus de dix ans sur les apports et aspects néfastes de l'ère numérique et des réseaux, dont je connais tous les ressorts, ceux de la haine, ceux de la victimisation, ceux qui offrent une notoriété à peu de frais, j'ai décidé de m'engager sans compromis dans cette bataille, à la fois contre les profiteurs de chaos de l'extrême droite et contre ceux qui veulent mettre à bas la laïcité et les grands principes républicains. Alors, j'ai laissé la peur derrière moi pour entrer de plain-pied dans l'arène. Et lorsque l'on me demande à quel point peut me blesser l'âpreté du combat en réseau, les insultes et menaces des anonymes, je réponds, suivi par l'ensemble de ces lignes, que tout cela ne sera jamais qu'une petite brise sans conséquence au regard de l'enjeu et de la dureté du quotidien, du passif qu'il véhicule, comme de l'avenir qu'il scrute.

Et la musique ? Alors que sort prochainement ce nouvel album, j'ai conscience de ce que mon engagement lui aura déjà coûté. Toute une part de la presse, aux antipodes des mots que j'écris ici, m'a fait payer le prix de mes convictions qu'elle ne partage pas. Mais lorsque, quel que soit votre bord politique, mes notes iront jusqu'à vos oreilles, oubliez. Parce qu'en tout temps j'ai refusé le qualificatif d'artiste engagé. Ma musique évoque le cinéma et les beautés de ce monde, jamais mes combats et ceux de mes amis. Je suis un artiste qui est aussi un citoyen très engagé. Toute la nuance est là. Un citoyen engagé au nom de la République, de ses valeurs fondatrices et, au nom de tous les miens.

*Benjamin Sire est compositeur et journaliste. Il est également membre du conseil d'administration du Printemps républicain.

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