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«L’homophobie m’a volé ma carrière»  

«L’homophobie m’a volé ma carrière»  
Ouissem Belgacem- Photo: Pascal Ito

Son livre «Adieu ma honte» fait grand bruit depuis sa sortie. L’ancien footballeur français Ouissem Belgacem tombe le masque et se réjouit de ne plus jamais avoir à jouer l’hétéro.

Dans son autobiographie, Ouissem Belgacem raconte avec un franc-parler poignant le long chemin qu’il a dû parcourir pour parvenir à accepter son homosexualité, et sa carrière sacrifiée. À 33 ans, il dénonce un milieu sportif encore et toujours ultra homophobe, condamnant les joueurs gays à vivre dans le placard ou à renoncer à leurs ambitions. Rencontre.
 
Vous écrivez «Moi, je suis le gay qu’on ne démasque jamais». Est-ce la raison pour laquelle vous avez mis si longtemps à faire votre coming out? Parce que comme vous ne correspondez pas à l’image stéréotypée du mec gay cela vous a permis de rester caché pendant des années?
Cela m’a à la fois permis et forcé à rester caché. J’étais un défenseur rugueux, je n’avais pas peur d’aller au contact sur le terrain. Comme je suis un garçon assez viril, ça ne vient pas à l’esprit des gens qui ne me connaissent pas que je pourrais être gay.
 
Vous avez grandi dans une banlieue du sud de la France. Dans votre quartier, vous expliquez que les gens disaient que l’homosexualité était «un truc de Français», que cela «n’existait pas chez les Arabes». Ce qui revient à dire que dès votre enfance, en quelque sorte, votre existence a été niée.
Dans la communauté religieuse musulmane dans laquelle j’ai grandi, être homo n’était ni acceptable, ni possible, car il ne s’agissait pas de l’islam libéral dans lequel je m’inscris aujourd’hui. Les discours que j’ai entendus dans mon enfance ont contribué à créer cette honte et ce déni en moi. Je me disais: «Non, je ne serai pas ça».
 
Vous expliquez que vous perceviez alors l’homosexualité comme un «cancer», contre lequel vous êtes parti «en croisade». La violence de ces mots laisse deviner à quel point vous avez dû souffrir…
Adolescent, je voyais l’homosexualité comme un mal qui se propageait en moi et je me suis dit qu’il fallait faire tout ce qui était possible pour arrêter de penser aux garçons et réussir à éprouver du désir envers les femmes. Je suis parti en bataille contre moi-même.
 
Et tout ce que vous vous êtes alors infligé est incroyable…
Incroyablement triste et douloureux.
 
Et aussi incroyablement acharné. On sent le bon élève que vous étiez prêt à tout faire le plus parfaitement possible…
C’est exactement ça. J’avais compris qu’être homo était la dernière chose à être dans les milieux dans lesquels j’évoluais, y compris dans celui du football. S’il y a bien une chose que mon livre prouve, très clairement, c’est qu’on ne peut pas changer sa sexualité. C’est impossible. Parce que j’ai vraiment tout tenté. Je ne connais pas la situation en Suisse, mais quand on sait qu’en France ou aux États-Unis, il y a encore des centres de conversion de sexualité… C’est une horreur. Quand j’y pense, si adolescent j’avais su qu’il y avait un de ces centres près de chez moi, j’y serais alors allé sans hésiter. J’aurais même demandé un abonnement premium! 

Vous racontez qu’aller au vestiaire était une épreuve quotidienne durant votre jeunesse.
Oui, ce mythe des vestiaires, j’ai voulu le tuer dans mon livre. Parce qu’il y a plein d’hétéros qui continuent de croire que les homos ne font que mater dans les vestiaires. Moi j’étais là pour essayer de devenir un joueur de football professionnel, c’était mon objectif. Et je me souviens que chaque jour, j’entrais dans ce vestiaire la boule au ventre. Je me disais intérieurement: «Allez, il va falloir faire l’hétéro, fais semblant d’avoir des copines, parle de meufs, si quelqu’un te traite de sale pédé, ne réagis pas au quart de tour parce que ça va éveiller les soupçons…» Imaginez l’énergie déployée… Ça m’a consumé de l’intérieur, ça m’a éteint.
 
Mais vous vous êtes «rallumé» tout de même, après…
Il m’a fallu beaucoup de temps. Le jour où j’ai embrassé un garçon pour la première fois de ma vie, je ne suis plus jamais revenu en arrière.
 

Peut-être que le prochain Zidane est gay, mais il ne deviendra jamais footballeur professionnel car il arrêtera en cours de route.

Le milieu du football est connu pour son homophobie. Est-ce la raison pour laquelle il n’y actuellement aucun joueur professionnel ouvertement gay en France?
Sur les terrains de foot en France, la première insulte qu’on entend dès qu’il y a un problème, c’est «sale pédé». Je connais des joueurs de Ligue 1 qui sont gays mais qui le cachent. Je ne les outerai évidemment pas, car c’est à eux de faire leur bout de chemin. Le milieu du football est si hostile envers les minorités sexuelles qu’il décourage également plein de jeunes qui pourraient devenir extrêmement doués. Peut-être que le prochain Zidane est gay, mais il ne deviendra jamais footballeur professionnel car il arrêtera en cours de route. Je n’avais que 20 ans quand j’ai pris ma retraite. L’homophobie m’a volé ma carrière. Parce qu’à 20 ans j’étais effondré psychologiquement, mon quotidien était invivable. Je ne me voyais pas mentir pendant encore 10 ou 15 ans.
 
Vous expliquez au début du livre qu’on dit qu’un sportif meurt deux fois: à la fin de sa carrière et à la fin de sa vie. «Moi», dites-vous, «je mourrai trois fois: à la fin de ma carrière, à la fin de ma vie et à la fin de ce livre». Pourquoi?
 Toute ma vie j’ai traîné cette honte d’être homosexuel et j’ai porté un masque, celui de Ouissem l’hétéro, que ce soit au travail, dans ma famille, à la mosquée, sur le terrain de foot… Toute ma vie, j’ai joué un rôle. Maintenant que ce livre est sorti, je ne pourrai plus jamais jouer à Ouissem l’hétéro. Ce personnage n’existe plus. Aujourd’hui je suis fier d’être homo et je ne changerais pour rien au monde.