Suivez-nous
Francos Montreal

Ephemeride

The Rolling Stones : « Exile On Main Street », le making of

Publié

© Dominique Tarle

Plongez dans le making of de l’album de toutes les démesures signé les Rolling Stones : le bien-nommé Exile on Main Street. Le double album culte, sorti en 1972, célèbre cette année ses 50 ans. Flashback et visite de la Villa Nellcôte à Villefranche-sur-Mer, où se sont déroulées les premières séances sous l’objectif du photographe Dominique Tarlé, avant que les Stones ne s’envolent pour Los Angeles pour les dernières captations.

17 juin 1972 : Exile on Main Street de The Rolling Stones est n°1 aux États-Unis

Des jeunes mariés, des invités défoncés comme des portes, des chansons par dizaines. Et de la dope, des tonnes de dope. Mais aussi beaucoup de rock’n’roll. Retour sur l’un des enregistrements les plus déjantés de l’histoire du rock : Exile on Main Street des Rolling Stones.

 

Au début de l’année 1971, côté romance, tout semble aller pour le mieux pour Mick comme pour Keith, qui lui file le parfait amour avec Anita Pallenberg. Charlie, lui est marié depuis 1964 avec Ann Shepherd et Bill, entre deux mariages, continue de collectionner les groupies. Côtés finances et professionnel, c’est une autre béchamel. Arrivant à son terme cette même année, le contrat liant les Rolling Stones avec leur label d’origine Decca pousse le groupe à créer dans la foulée sa propre structure, Rolling Stones Records, et signe un contrat de distribution avec Atlantic Records.

Exit Decca

Parallèlement, le groupe limoge Allen Klein, leur « banquier » qui, des années durant, leur a avancé des fonds considérables. En clair, Mick, Keith et les autres lui doivent tous une montagne de fric. En outre, une partie de l’argent versé aux Stones a été dissimulée au fisc britannique. Pour sortir de cette impasse, le groupe (Mick en particulier) sollicitent une connaissance, le prince Rupert Loewenstein. Financier bavarois de très haute volée, il doit les aider à régler ces problèmes financiers. Klein accepte de rompre son association avec les Stones mais exige en contrepartie la propriété des droits d’édition de tous les enregistrements existants. Les Stones, eux, ne toucheront plus que des royalties. En outre, le passif dû à la Couronne d’Angleterre est si important que les membres du groupe sont menacés de faillite personnelle.

Loewenstein leur conseille alors de quitter Londres le temps d’éteindre leurs créances fiscales mais aussi pour éviter la taxation de 80 % appliquée sur les revenus les plus élevés. Après un rapide regard sur une mappemonde, Mick, Keith, Bill et Charlie choisissent le sud de la France. Ils partent s’installer aussitôt sur la Côte d’Azur. 

Love story à Saint-Tropez

Au printemps 1971, alors que les Stones sont désormais résidents français et s’apprêtent à publier Sticky Fingers, sur leur propre label, dont le logo deviendra aussi célèbre que le groupe, Bianca apprend qu’elle est enceinte. Aussitôt, Mick la demande en mariage. 

Le 12 mai, l’union a lieu à Saint Tropez, où le jeune couple vient de s’installer dans un manoir qu’il loue à un cousin du prince Rainier de Monaco. Pour l’anecdote, Mick affrètera un jet privé afin d’amener sa famille et ses amis de Londres – ses parents Joe et Eva, les Beatles Paul McCartney et Ringo Starr ainsi que leurs épouses, les membres des Small Faces dont Ronnie Wood, ou le cinéaste français Roger Vadim. Après une petite cérémonie civile, Mick et Bianca (« radieuse dans une robe blanche au décolleté vertigineux signée Yves Saint-Laurent », rapportera un tabloïd) se dirigent dans la Bentley blanche du marié vers l’église Sainte-Anne, une chapelle catholique datant du XVIIe siècle située sur la baie de Saint-Tropez où, à la demande Bianca, le thème du film Love Story sera joué lors de l’échange des vœux. 

rolling-stones-chapel-saint-tropez-saint-tropez

© Getty Images

Bill, de son côté s’installe à Saint Paul de Vence, où il se lie d’amitié avec le peintre Marc Chagall et Charlie s’achète une demeure dans les Cévennes, une ancienne ferme qu’il possède toujours. Keith, lui, choisit une demeure de maître, La villa Nellcôte à Villefranche-sur-Mer, une gigantesque bâtisse tentaculaire construite au XIXe siècle et qui présente l’avantage d’avoir un énorme sous-sol où les Stones installeront leur matériel.

Villa Nellcôte breakdown 

Au cours de l’été 1971, les Stones commencent à travailler sur de nouvelles chansons et font venir chez Keith le studio d’enregistrement mobile que Ian Stewart et Andy Johns ont installé à l’intérieur d’un camion. Afin de faciliter les séances d’enregistrement, Mick, Charlie, Mick et Bill s’installent dans la maison de Keith, plutôt que de rentrer chez eux, évitant ainsi de faire des allers-retours quotidiens de plusieurs dizaines de kilomètres. Très rapidement, les Stones et leur entourage transforment la villa Nellcôte en véritable palais de la décadence où les orgies et les parties de défonces entrecoupent les prises de sons.

Témoin privilégié de cette aventure ? Le photographe Dominique Tarlé qui s’est retrouvé téléporté au milieu des Stones. Eh bien, d’abord, j’étais un jeune photographe inconnu, et fauché, explique celui qui continue de se décrire comme simple passionné de photographie et de musique. Lorsque j’ai appris que les Stones déménageaient dans le sud de la France, j’ai gardé le contact avec les personnes qui travaillaient pour eux, et l’idée était de passer un après-midi avec chacun d’eux dans leur nouvelle maison où ils pourraient recevoir leur famille et leurs amis ; et c’était le printemps dans le sud de la France, une lumière et un temps magnifiques. Je suis donc venu rendre visite à Keith le temps d’un après-midi. Et à la fin de l’après-midi, j’ai remercié tout le monde pour ce beau moment, et il m’a regardé, interrogatif : ‘Mais où vas-tu ? Votre chambre est prête, et vous restez six mois.’ Et deux ou trois jours plus tard, Keith me signale : ‘Vous portez toujours le même t-shirt.’ J’ai répondu : ‘Je suis venu pour un après-midi, et je n’ai pas apporté de vêtements.’ Et Keith de rétorquer : ‘Viens avec moi. » Et donc, pendant six mois, j’ai porté les vêtements de Keith, tu vois ?’” Tarlé reconnaît à quel point Keith était bienveillant avec lui : “ Et parfois, il me demandait : ‘Tu as assez de pellicule pour prendre des photos ?’, et je répondais : ‘Pas trop.’ Il me donnait une grosse poignée de billets et me disait : ‘Prends la limousine avec le chauffeur, va t’acheter de la pellicule. Un photographe sans pellicule, c’est comme une guitare sans cordes’.’’

 C’est donc là, dans cette somptueuse bâtisse néo-classique dotée de seize chambres qu’a pourtant été en grande partie enregistré l’un des plus grands double albums de l’histoire du rock, Exile On Main Street. Mais les mômes d’ici ne savent pas qui sont les Rolling Stones. Faut croire que les temps ont changé. Exile On Main Street ? C’était un album qui suintait la dope, le blues et la débauche, au son prodigieusement envoutant, beaucoup moins loose qu’on ne l’a souvent écrit, même si drivé par un Keith Richards alors totalement dans la poudre. Instinctivement, le guitariste savait comment ce disque devait sonner, quels styles de musique il devait emprisonner dans ses sillons de vinyle. Car en marge des ragots qui circulait sur la Villa Nellcote, de la musique se créait dans les sous-sols sombres et humides du manoir… une musique convoquant tous les états d’âme qui tissent et meurtrissent la vie des hommes, tous les sons venus d’Amérique. Une sorte de road-movie sonore sublimement fracassé écrit et joué à huis clos, dans un espace-temps figé, coupé du monde réel. « C’était très obscur et poussiéreux. Très confiné, confiera Keith Richards à Rolling Stone, au moment de la réédition augmentée de l’album en 2010. Mick Taylor et moi, nous nous cherchions à travers la pénombre et on se disait, ‘hey, c’est dans quelle tonalité’? C’était très hitlérien. Comme la chute de Berlin. »

L’aura sulfureuse qui entoure Exile on Main Street a certainement contribué à son statut de disque mythique et Keith Richards n’est pas le dernier à avoir joué avec – en perpétuant, entre autres, la légende selon laquelle Nellcote avait servi de QG à la Gestapo pendant la Seconde Guerre Mondiale. “J’y suis resté au total six mois, reprend Tarlé, et donc pendant les trois mois, je vivais avec  “une famille anglaise”, en vacances dans le sud de la France, et trois mois plus tard, ils décident d’enregistrer le nouvel album dans le sous-sol de la maison où je vivais. Donc, ce qui est fantastique, c’est de découvrir la façon dont ces gens travaillent, parce que la musique n’est pas écrite sur un bout de papier, ou quelque chose comme ça. C’est fantastique de voir Keith arriver au studio, il a une idée pour une chanson, et il va jouer la chanson à la section rythmique.”

« Ce n’est pas mon album préféré »

Keith, Anita, ainsi que Gram Parsons prennent de l’héroïne. Si Mick – qui n’a jamais été un consommateur de drogues dures –, tolère leur attitude, Bianca, au contraire, ne supporte plus ces scènes de débauche. Enceinte de Mick et devant accoucher à l’automne, Bianca ne veut plus rien savoir du reste du groupe, y compris d’Anita, enceinte également. « Mick ne descendait plus dîner avec nous parce que Bianca refusait de nous voir », rappellera Anita. Quelques jours plus tard, Mme Jagger sera de retour à Paris où, loin de la villa de Keith, elle passera le plus clair de son temps.

Naissance d’un album

 Sans Bianca, Mick se sent un peu seul, d’autant plus que Keith et Parsons sont devenus très proches. « Avec le recul, je pense Mick était très jaloux de mes autres amis masculins, précisera Keith avant d’ajouter : Il y a une étrange possessivité chez lui, même si c’était encore très vague pour moi. Cependant, d’autres personnes me l’ont également fait remarquer. Peut-être essayait-il de me protéger. » Au final, Parsons quittera Nellcôte et, à partir de ce moment-là, Mick et Keith se concentreront sur leurs nouvelles chansons.

De ces mois de débauches et d’intrigues sortira un double album, Exile on Main Street. Mick n’aime pas vraiment cet album – peut-être à cause des ses conditions d’enregistrement, qu’il estime peu professionnelles – car capté avec une unité mobile et non dans un véritable studio. « Ce n’est pas mon album préféré », dira-t-il sèchement. Et surtout, en dehors de titres comme « Tumblin Dice », « All Down The Line » et la chanson solo de Keith, « Happy », Mick constate que quelques pistes seulement, sur la vingtaine de chansons qui composent l’album, se prêtent à une transposition en live : « C’est peut-être l’album idéal à écouter, mais il est totalement injouable une fois sur scène… » Keith, de son côté, dira plus tard qu’Exile est « peut-être ce qu’on a fait de mieux. »

La tournée la plus rentable… Ever

Fin Octobre, Bianca donne naissance à Paris à une petite fille prénommée Jade, mais Mick n’aura pas beaucoup de temps pour profiter de sa nouvelle paternité. D’autant plus qu’au début de l’année 1972, il se trouve à Los Angeles en train de travailler sur les derniers mixes d’Exile on Main Street. L’héroïnomanie de Keith devient si problématique qu’il se fait hospitaliser afin de suivre une cure de désintox dans une clinique suisse. Dès le printemps et la naissance de sa fille, Dandelion (qui se re-prénommera Angela d’ailleurs), Richards se sent enfin assez bien pour rejoindre Mick et le reste du groupe à Montreux, où ils commencent à répéter pour une énorme série de concerts en Amérique du Nord. Concerts qui coïncideront parfaitement d’ailleurs avec la sortie d’Exile à la fin mai 1972. La tournée sera lancée début juin à Vancouver, au Canada, et se terminera avec trois dates au Madison Square Garden, à New York, à la fin du mois de juillet.

Les Stones donneront en tout 51 concerts qui rapporteront pas moins de quatre millions de dollars, ce qui en fera la tournée la plus rentable de l’Histoire du rock. Cette fameuse tournée de 72 passera à la postérité pour ses concerts exceptionnels et pour l’ambiance orgiaque des coulisses, sorte de prolongement des délires de la Villa Nellcôte. Cette tournée-défouloir de deux mois permettra tout de même aux Stones d’établir le mètre-étalon de la débauche pour rock-stars. Habillé de combinaisons moulantes assorties de foulards, ceintures et autres bracelets, et outrageusement maquillé et les cheveux saupoudrés de paillettes, Mick joue à fond son rôle de Jumpin’Jack Flash ; aussi les journalistes chargés de raconter ces concerts ne manqueront de superlatifs pour décrire les performances exceptionnelles du chanteur.

Retrouvez l’intégralité de cet article dans notre nouvel hors-série consacré aux Rolling Stones, actuellement chez votre marchand de journaux. Ou dispo par ici.

Des livres-photos incontournables sous forme de témoignage  visuel  ont été publié par le photographe Dominique Tarlé, où il raconte visuellement le making of d’ Exile On Main Street, à la Villa Nellcote où il a séjourné six mois, avant que les Stones ne s’envolent pour Los Angeles pour les dernières captations. 

Dominique Tarlé expose ses œuvres à la Galerie de l’Instant, 46, Rue De Poitou, 75003 Paris et pendant l’été, retrouvez ses photos jusqu’au 2 octobre 2022  à la Galerie de Nice, 58 rue Gioffredo.

La Villa, The Rolling Stones 1971, par Dominique Tarlé, le livre format 33-tours regroupant les clichés pris par le photographe, est disponible ici.

D’autres ouvrages de Dominique Tarlé sont aussi disponibles ici


Belkacem Bahlouli

Ephemeride

Papa Roach : interview de Jacoby Shaddix

Publié

Papa Roach
Droits réservés

Papa Roach est de retour avec Ego Trip, son 11e album studio, marqué par une grande variété d’influences. Le chanteur Jacoby Shaddix vous aide à trouver votre chemin à travers cette jungle de riffs.

25 avril 2000 : sortie d’Infest, album classique de Papa Roach.

Comment vous sentez-vous à la sortie d’Ego Trip ?

Pour moi, c’est comme si Papa Roach avait un nouvel enfant. Nous nous sommes tellement impliqués dedans, cela nous a pris énormément de temps et d’énergie, mais créer est notre passion. Nous avons toujours quelque chose à dire, et sommes heureux qu’il soit à disposition du monde entier.

Ce disque est extrêmement varié, comment vous y prenez-vous ?

Nous sommes un groupe protéiforme, nous écoutons pleins de styles différents que nous incorporons dans nos morceaux. Nous sommes des fans de musique en général et combinons toutes nos propositions. Il y a peu, nous avons fêté les 25 ans de notre album Infest et l’avons analysé à nouveau. On y adore le côté narratif et les riffs. Les paroles lient l’ensemble des morceaux entre eux. Raconter une histoire authentique et honnête à travers notre musique est essentiel.

Parlons justement des paroles.

C’est un voyage dans la bataille contre mon propre égo. Qui le contrôle ? Est-ce mon côté positif, aimant et spirituel, ou est-ce mon côté égoïste, auto-centré et superficiel ? Chaque morceau raconte une histoire qui est liée à ce sujet, qui vise à le tirer vers le haut. Avec toute la tentation dans ce monde, il est très facile de prendre de mauvaises décisions, de faire du mal aux autres. Ce n’est pas mon but. Dans un morceau comme “Leave a Light on”, c’est mon bon côté, où je suis prêt à aider l’autre quoi qu’il arrive. “Ego Trip” parle du fait d’être tenté par le mauvais côté. Parfois, je reviens sur ce que j’ai pu dire ou faire, prends mes responsabilités et vais de l’avant.

Et comment allez-vous de l’avant ?

L’échec fait avancer. Parfois, je tombe, mais je me relève et fais en sorte de ne plus refaire d’erreur. C’est comme la création musicale. Il faut trouver 25 mauvaises idées pour en trouver une bonne. Cela rend humble. Parfois c’est très frustrant, mais quand tout est aligné, la création va de soi et que tout fonctionne.

Mathieu David

Retrouvez cette interview complète dans Rolling Stone Hebdo n°81, disponible ici

Ego Trip est disponible

Notre chronique

Continuer la lecture

50ansRollingStone

The Cure : 10 morceaux incontournables

Publié

The Cure
Facebook officiel

« Boys Don’t Cry », « Just Like Heaven » et « A Forest » font partie des 10 meilleures chansons de The Cure.

22 avril 1980 : sortie de l’album Seventeen Seconds de The Cure

The Cure n’a pas sorti de nouvel album depuis 4:13 Dream en 2008, mais cela ne les a pas empêché de se lancer récemment dans une tournée mondiale. Ils jouent pendant trois heures tous les soirs, mélangeant de grands succès comme « Pictures of You » et « Friday I’m in Love » à des chansons moins connues comme « At Night », « Primary » et « Out of This World ». Chaque concert se termine par « Boys Don’t Cry ». Voici les 10 titres incontournables de Cure.

10 | « Boys Don’t Cry »

Robert Smith n’avait que 18 ans lorsque les Cure ont enregistré Three Imaginary Boys, leur premier album. « Les chansons pop comme « Boys Don’t Cry » sont très naïves. J’étais jeune et vu que je n’avais rien fait à part aller à l’école, que je n’avais pas d’expérience dans la vraie vie et que je m’inspirais des livres, certaines d’entre elles sont plutôt pas mal », a-t-il déclaré à Rolling Stone en 2004. « Boys Don’t Cry » est devenu leur deuxième single en 1979 et a fait son entrée dans le classement des meilleurs singles. Smith a joué cette chanson 850 fois et ce nombre augmente à chaque concert.

9 | « Fascination Street »

10 ans après le début de leur carrière, les Cure ont commencé à jouer dans de grands stades et leur musique passait sur toutes les radios pop. « A l’époque, malgré tous mes efforts, on était devenu tout ce que je ne voulais pas être : un groupe de rock qui joue dans des stades. Nos relations au sein du groupe et en dehors se sont désagrégées. Intituler [l’album] Disintegration était une sorte de clin d’œil à ce qu’on vivait », a déclaré Robert Smith à Rolling Stone en 2004. Le single « Fascination Street », inspiré par une nuit bien arrosée à la Nouvelle Orléans, s’est hissé à la première place du classement Modern Rock Tracks et reste l’une des chansons favorites du public lorsqu’elle est jouée sur scène.

8 | « From the Edge of the Deep Green Sea »

Alors que la plupart des groupes des années 1980 luttaient pour trouver leur place dans les années 1990, les Cure passaient facilement à l’âge du grunge. Leur LP de 1992, Whish, fut un carton grâce à leur immense succès « Friday I’m in Love » et ils continuèrent de jouer dans des stades. « From the Edge of the Deep Green Sea » n’était pas un single mais elle est devenue l’une des chansons préférées des fans au fil des ans. Les paroles ont été inspirées par Mary, la femme de Smith, avec qui il était depuis ses 14 ans. « And all I want is to keep it like this. You and me alone, a secret kiss/And don’t go home, don’t go away/Don’t let this end, please stay », chante Smith.

7 | « The Same Deep Water as You »

Le groupe Cure a atteint son pic de popularité avec la sortie de Disintegration en 1989. Il n’était plus le groupe cool que votre grand frère adorait mais celui que vous entendiez tout le temps à la radio et dans les voitures des jeunes sur les parkings de supermarchés. Les adolescents avaient des posters de Robert Smith accrochés aux murs. La plupart écoutait probablement en boucle « Pictures of You » et « Lovesong » et passait « The Same Deep Water as You », une chanson de neuf minutes sur une histoire d’amour intense qui semble désespérément vouée à l’échec. « Swimming the same deep water as you is hard, chante Smith. The shallow drowned, lose less than we ».

6 | « Faith »

Lorsque le groupe Cure eut terminé l’enregistrement de Faith, leur LP de 1981, la célébrité n’était pas le rêve qu’ils s’étaient imaginé et les drogues ont commencé à faire leur apparition au sein du groupe. « Il y avait de la jalousie, des bruits de couloir et des personnes qui disaient qu’on avait changé. Nous sommes devenus bien plus bornés. On buvait jusqu’à tout oublier et on jouait ces chansons », déclara Robert Smith à Rolling Stone en 2004. L’album se termine par la chanson titre qui respire le chagrin. « Rape me like a child. Christened in blood/Painted like an unknown saint/There’s nothing left but hope« , chante Smith.

5 | « In Between Days »

Le premier single de l’album The Head on the Door sorti en 1985 est arrivé dans les bacs en été. Le groupe, désormais composé de cinq membres, sortait des morceaux à tour de bras. « J’ai acheté une bonne guitare acoustique en métal et j’ai commencé à jouer les accords de « In Between Days ». Je n’avais jamais vraiment pris la peine d’en jouer parce que je n’avais jamais eu une bonne guitare », a déclaré Smith à Rolling Stone en 2004. Le résultat est un morceau classique de Cure qui est devenu leur premier titre à se classer au Billboard Hot 100 aux États-Unis. Le premier de toute une série.

4 | « Disintegration »

Robert Smith a fêté ses 30 ans alors qu’il travaillait sur Disintegration. Il n’était pas sûr que continuer avec Cure était une bonne idée. Il prenait aussi beaucoup de drogue et se renferma sur lui-même. Tout ça mena à des moments très sombres sur l’album, en particulier la chanson titre dans laquelle il reconnaît que son addiction aux drogues pourrait lui coûter la vie. « I leave you with photographs, pictures of trickery. Stains on the carpet and stains on the memory/Songs about happiness murmured in dreams/When we both of us knew how the end always is », chante-t-il.

3 | « Just Like Heaven »

https://youtu.be/8Dhn_iIQXDE

La longue relation entre Robert Smith et sa femme Mary a inspiré de nombreux classiques du groupe, y compris « Just Like Heaven », leur succès de 1987. Le single euphorique a été inspiré par un voyage qu’ils ont fait ensemble à Beachy Head, une ville côtière d’Angleterre. De nombreuses personnes à travers le monde se sont reconnues dans cette chanson. Elle est devenue leur premier titre à se hisser au Top 40 aux États-Unis. La maison de disques voulait entendre plus de chansons de ce genre mais Smith ne voulait pas se répéter.

2 | « A Forest »

Le groupe a enregistré l’album Seventeen Seconds en 1980 en seulement huit jours. Il contient la chanson « The Forest » longue de six minutes. « Je voulais faire un titre vraiment d’ambiance. C’était un son fantastique. [Le chef de la maison de disques] Chris Parry a dit, ‘Si ce son passe à la radio, vous tenez un grand succès entre les mains’. J’ai répondu ‘C’est comme ça qu’il sonne. C’est le son que j’ai dans la tête. Peu importe qu’il passe à la radio ou non’ », déclara Smith à Rolling Stone en 2004. Il était finalement assez bon pour la radio et il est devenu leur premier vrai succès en Angleterre. Smith continue de penser qu’il fait partie des meilleurs de sa carrière. Le groupe a joué ce morceau plus de 1 000 fois, bien plus que toutes les autres chansons de leur vaste catalogue.

1 | « Pictures of You »

Peu de temps avant de commencer à travailler sur Disintegration, la maison de Robert Smith a pris feu. Alors qu’il regardait l’étendue des dégâts, il est tombé sur une collection de photos de sa femme, Mary Poole. Elles lui ont rappelé le temps qu’ils avaient passé ensemble et lui ont inspiré les paroles de « Pictures of You ». « Remembering you standing quiet in the rain. As I ran to your heart to be near/And we kissed as the sky fell in/Holding you close/How I always held close in your fear », chante Smith. Cette chanson est devenue le quatrième single de l’album mais ne s’est hissée qu’à la 71e place du Hot 100 (« Lovesong » s’est classée deuxième), même si beaucoup la considèrent aujourd’hui comme la meilleure chanson du groupe.

Traduit par Melanie Geffroy

Continuer la lecture

Ephemeride

Alice Cooper : le bébé qui valait un milliard

Publié

alice cooper billion dollar babies

Billion Dollar Babies, légendaire sixième album d’Alice Cooper, est sorti il y a 50 ans jour pour jour. Retour sur un élément essentiel de son oeuvre.

21 avril 1973 : Billion Dollar Babies d’Alice Cooper est n°1 aux États-Unis

« L’idée derrière l’album Billion Dollar Babies était d’exploiter l’idée que les gens sont habités par des perversions maladives. Il y a tellement de gens malades de nos jours, que l’on trouve surtout chez l’homme d’affaire qui travaille au Holiday Inn d’Omaha et qui ne se détache pas de sa femme. Mais différentes perversions sexuelles sont enfouies en lui. Peut-être qu’il monte au grenier avec sa fille. C’était ce que Billion Dollar Babies au grand jour. L’album parle de perversions sexuelles. Celles qui sont américaines. Elles se doivent de l’être, nous sommes très nationalistes. »

Si l’ironie de Vincent Damon Furnier et le recul qu’il a envers le personnage d’Alice Cooper ne sont plus à démontrer, de tels propos, rapportés par Rolling Stone en 1973, ont pu choquer. En effet, bien qu’il joue sur l’aspect grotesque de l’imagerie horrifique de nos jours, cela n’était pas le cas il y a 50 ans, lorsque sortait Billion Dollar Babies, son sixième album studio.

Chris Cornell, défunt chanteur de Soundgarden, le confirme à Spin Magazine en 1989 : « Quand j’étais au collège, les professeurs laissaient les enfants mettre leurs disques préférés. J’ai amené Billion Dollar Babies et ils ne m’ont pas laissé le jouer. Ils n’avaient jamais interdit de choix avant. C’est là que j’ai su que le rock ‘n’ roll pouvait rendre certaines personnes mortes de peur. »

Artiste établi, connu pour ses frasques scéniques et sa capacité à repousser les limites du terme « shock rock », il sort donc le 25 février 1973 Billion Babies, qui deviendra rapidement son plus grand succès de l’époque. Aidé par quatre singles, « Elected » et « Hello Hooray » qui le précèdent et « No More Mr. Nice Guy » et « Billion Dollar Babies » qui le suivent, l’album est son premier numéro 1 au aux États-Unis. Il met moins d’un mois à être disque d’or.

Force est de constater qu’outre la réputation sulfureuse de l’artiste et de son groupe, Billion Dollar Babies peut être assurément considéré comme le disque le plus solide de la première période. Charpenté par de véritables classiques qui hantent encore les setlists du Coop’, comme « I Love The Dead » ou « No More Mr. Nice Guy », le disque se montre pertinent dans ses moindres recoins. Qu’il s’agisse de l’hymne rock ‘n’ roll « Raped and Freezin' » ou de la délirante « Unfinished Sweet » et son emprunt au thème de James Bond.

Loin des écueils des débuts des années 80 et des disques plus formatés (mais réjouissants) qui arriveront ensuite, Alice Cooper Group, plus soudé que jamais, sert du tube d’un côté et se permet d’expérimenter de l’autre. Le talent est présent à tous les postes .Les guitares de Glen Buxton et Michael Bruce sont affutées, soutenues par la session rythmique tenue de mains de maîtres par Dennis Dunnaway (basse) et Neal Smith (batterie). L’ensemble est chapeauté par le producteur de génie Bob Ezrin, qui, après avoir pris sous son aile les cinq Détroitiens en 1971, les fait sonner de manière toujours aussi limpide et ingénieuse, en faisant raisonner les notes de piano inquiétantes de « Mary-Ann » ou en incorporant divers bruitages discrets mais efficaces tout le long du disque. N’oublions pas le morbide et grandiloquent « I Love The Dead », qui clot le disque en grandes pompes, tout en exprimant la folie dont faisait preuve Alice Cooper à l’époque.

Élégant et sanglant, direct et recherché, chantant et inquiétant, Billion Dollar Babies est le disque de tous les contrastes et tous les superlatifs. Il s’agit sans doute du sommet de la première période d’Alice Cooper. Le groupe montre qu’il a tout compris au hard rock, si bien qu’il sort des sentiers battus et montre autant de maîtrise dans ses expérimentations diverses que dans ses tubes. Une composition au cordeau pour une interprétation suffisamment spontanée pour être honnête, tout en restant maîtrisée.

50 ans après sa sortie, Billion Dollar Babies continue d’être un classique, universel et intemporel.

« Decadent brains were at work to destroy
Brats in Battalions were ruling the streets
Sayin’ generation landslide, close the gap between ’em
And I laugh to myself at the men and the ladies
Who never conceived we were billion dollar babies »

« Generation Landslide » – 1973

Tracklist :

  1. Hello Hooray
  2. Raped and Freezin
  3. Elected
  4. Billion Dollar Babies
  5. Unfinished Sweet
  6. No More Mr. Nice Guy
  7. Generation Landslide
  8. Sick Things
  9. Mary Ann
  10. I Love the Dead

Mathieu David

Continuer la lecture

Ephemeride

Aerosmith : Get A Grip, 31 ans de poigne

Publié

Aerosmith Get A Grip

Le 20 avril 1993, le légendaire groupe de hard rock américain Aerosmith sortait Get A Grip. Ce 11e album studio comprend son lot de classiques.

Peu nombreux sont les artistes qui atteignent les 11 albums. Encore moins atteignent cette étape tout en restant inspirés. C’est pourtant le cas d’Aerosmith. 20 ans après la sortie de son premier album, le groupe signe avec Get A Grip son plus grand succès commercial, dépassant ainsi les 20 millions d’exemplaires écoulés à travers le monde. Fort de sa réputation, le groupe trait sans discontinuer 30 années durant les classiques de ce disque, « Livin’ On The Edge » et « Cryin' » en tête.

Au delà des éternels poncifs rock ‘n’ roll que les Bostoniens ont entretenu à leur manière tout le long de leur carrière, ce disque montre un groupe qui s’interroge sur ses errements passés, notamment l’addiction aux drogues. « Nous nous sommes dits que nous pouvions revenir à ces vieilles croyances, notamment sur l’idée de faire un contrat avec le diable et établir un parallèle avec la drogue » expliquait le chanteur Steven Tyler au Los Angeles Times en 1993. « C’est amusant au début, mais quand arrive le moment où tu dois payer ta dette, si tu n’es pas assez alerte pour te rendre compte que cela t’emporte, tu peux tomber vraiment bas. »

Le fun cohabite cependant avec le sérieux derrière les textes de « Get a Grip » ou « Amazing ». Outre la gracieuse transition rototo à la fin d' »Eat The Rich », un esprit fêtard décomplexé habite les différents titres du disque. Entre les odes au plaisir décomplexé que sont « Flesh » et « Crazy », sans oublier l’irrévérencieux « Fever ». Non content de signer de sa guitare la quasi-totalité des titres du disque, Joe Perry se joint aussi à la fête en poussant la chansonnette sur le léger « Walk On Down ».

Aerosmith s’est cependant  retrouvé par moments décrié à l’époque pour ses aspects commerciaux, marqués par l’inclusion de compositeurs extérieurs. Desmond Child est ainsi présent sur « Flesh » et « Crazy », Taylor Rhodes sur « Cryin' » ou même le jeune Lenny Kravitz sur « Line Up ». Force est de constater cependant que l’ensemble fonctionne 30 ans plus tard, tant le soin apporté à l’interprétation est présent et les classiques alignés.

Si Aerosmith a passé les années 70 a faire évoluer sa formule, les années 80 à la sublimer, il entre dans les années 90  en synthétisant et modernisant son propos. 30 ans se sont écoulés depuis, mais la musique subsiste. C’est d’ailleurs le cas comme le groupe, qui reste agrippé aux pis.

Tracklist :
  1. Intro
  2. Eat The Rich
  3. Get A Grip
  4. Fever
  5. Livin’ On The Edge
  6. Flesh
  7. Walk On Down
  8. Shut Up And Dance
  9. Cryin’
  10. Gotta Love It
  11. Crazy
  12. Line Up
  13. Amazing
  14. Boogie Man

Mathieu David

Continuer la lecture

Ephemeride

Led Zeppelin : les coulisses du premier album

Publié

led zeppelin
Pochette

Retour sur ce véritable morceau d’histoire du rock qu’est le tout premier album de Led Zeppelin.

19 avril 1969 : « Good times Bad Times », premier single de Led Zeppelin est classé aux États-Unis

Nous sommes en 1969, le british blues boom domine les charts et, des Rolling Stones au début de la décennie jusqu’à Cream, le Jeff Beck Group et John Mayall, la musique du diable est partout, y compris sur certains titres des Beatles, groupe pop par excellence. Dès les deux premières secondes de ce premier album, Led Zeppelin fait la démonstration de ce qu’il veut faire. Ce qu’il veut nous faire. Le groupe attaque « Good Times Bad Times » avec deux notes qui nous tombent dessus comme une enclume dans un cartoon, avant de faire place à la rythmique syncopée de John Bonham et John Paul Jones, à la guitare tranchante de Jimmy Page et aux hurlements suraigus de Robert Plant, lequel parle de sexe si fort que les voisins sont outrés. « Ce n’était vraiment pas quelque chose de beau, dira plus tard Plant. Ce n’était pas censé l’être. Juste un déchaînement d’énergie. » Cependant, Jimmy Page, autour duquel tourne le Zeppelin, sert de contrepoint à la voix énormissime de Plant. En virtuose, il explore toutes les possibilités offertes par son instrument. En outre, il est à la production – simplissime – de ce premier ouvrage qu’il écrit en grande partie.

Energie, son, groove, animalité, sexe : ces mots pourraient s’appliquer à tout l’album. Et à toute la carrière du groupe. Enregistré en trente heures de studio sur une période de trois semaines (« Je le sais, c’est moi qui ai payé la facture », souligne Page), le premier opus de Led Zeppelin est à mille lieues de l’album concept. Sa création a été comparée à celle de Please Please Me des Beatles, en 1963, terminé au terme d’une journée éreintante. Tous les éléments que le groupe explorera lors de la décennie suivante sont là : un étouffant blues psychédélique (« Dazed and Confused »), une révision en haute-définition du rock’n’roll (« Communication Breakdown »), des passages sans transition d’une ballade tendre à un rock sauvage (« Babe I’m Gonna Leave You »), une réinvention des codes de la folk, du blues et même du classique dans l’intro à l’orgue de John Paul Jones, inspirée de Bach, sur « Your Time Is Gonna Come ». Le tout unifié par l’indéniable puissance brute du groupe.

led-zeppelin

© Getty Images

Jimmy Page sera le moteur de l’album – et du groupe. C’est lui qui a formé Led Zeppelin en 1968, sur le modèle des groupes de blues-rock orientés guitare tels que Cream, le Jeff Beck Group ou encore les Yardbirds, où lui, ancien requin de studio, s’est d’abord fait remarquer. Et surtout, du fait de ses fonctions de virtuose/compositeur/producteur, il trace à la main et de façon très pragmatique ce qui sera la voie du groupe. Il faut cependant savoir que sa principale préoccupation en tant que producteur et guitariste, est le son. Son jeu n’a pas le lyrisme d’Eric Clapton, le funk de Jimi Hendrix, le flair rythmique de Peter Townshend ; mais de tous les guitaristes virtuoses des années 60, c’est Page qui, avec Hendrix, a le plus élargi le vocabulaire sonore de l’instrument. Mieux, il en rédigera la grammaire, développera son vocabulaire et il n’existe pas un guitariste rock au monde qui ne lui doivent un riff, une attaque de solo ou plus prosaïquement, le réglage de leur ampli.

Led Zeppelin travaille ce répertoire (concocté par Page) lors d’une brève tournée en Scandinavie durant l’été 1968, peu de temps après le départ de Page des Yardbirds. De bien des façons, ils sont une collection d’opposés : d’un côté, Page, super-star de la scène londonienne au même titre que Jeff Beck et Eric Clapton, et Jones, musicien de studio établi ; de l’autre, Plant, qui vient de la folk, et l’électron libre Bonham, deux inconnus qui ont déjà joué ensemble dans un groupe appelé Band of Joy. « Je savais exactement ce que je voulais faire avec eux », assure Page. Il aurait pu enrôler n’importe qui (une des possibilités incluait Keith Moon et Beck), mais il voulait un groupe où il puisse tenir « le contrôle artistique d’une main de fer. »

L’une des premières chansons que Page suggère à Plant est « Babe I’m Gonna Leave You », tumultueuse réinterprétation d’un standard du folk américain qu’il a découverte dans un album live de Joan Baez. Un choix singulier pour quatre musiciens de blues britanniques. Sur « Black Mountain Side », Page puise son inspiration dans la folk anglaise en remodelant une chanson traditionnelle gaélique, « Black Water Side », à partir de la version du guitariste Bert Jansch. Led Zeppelin est bourré de ce genre d’allusions et d’emprunts – c’est de là qu’est née l’idée que le groupe était un cleptomane sans remords –, depuis le boulet de canon « How Many More Times », très Howlin’ Wolf, jusqu’au rock incisif à la Eddie Cochran sur « Communication Breakdown. » (Des décennies plus tard, Jansch racontait au journaliste Mick Wall que Page n’arrivait toujours pas à le regarder en face.)

Pour cet album, l’esthétique je-pioche-à-droite-à-gauche s’explique en partie par le fait que le groupe est tout nouveau. Lorsqu’ils enregistrent Led Zeppelin (pratiquement sans overdubs) aux studios Olympic de Londres, les musiciens sont encore à la recherche d’un langage commun. « Personne ne se connaissait vraiment, explique Plant, qui n’avait jamais mis les pieds dans un studio de ce calibre avant. Quand je repassais dans la salle de contrôle pour écouter, il y avait un tel poids, une telle puissance. C’était dévastateur. J’avais encore beaucoup de chemin à parcourir avec ma voix, mais cet enthousiasme, cette étincelle qu’il y avait à pouvoir travailler avec la guitare de Jimmy… c’était tellement obscène. » Obscénité rendue écrasante et spectrale par Page, qui place des micros partout dans le studio pour obtenir un son « vrai », qui pourrait rappeler l’ambiance brute et large des anciens albums de chez Chess et Sun. L’ingénieur Glyn Johns, qui n’est pas crédité, apporte sa touche à cet effet en plaçant la batterie de Bonham sur une estrade, pour en magnifier le son « phénoménal ». On a beaucoup parlé de la puissance de Bonham (le rythme sur « Communication Breakdown » tend vers le punk), mais Jones est tout aussi impressionné par sa retenue : « John gardait un rythme parfait sur les morceaux lents comme « You Shook Me ». Jouer lentement mais avec rythme, c’est l’une des choses les plus difficiles au monde. »

Ce sens de la réserve, rarement souligné, est une clé essentielle à l’intensité de l’album. Led Zeppelin n’a pas été le premier groupe à mêler lourdeur et exubérance, mais là où Cream et the Who repoussaient les frontières du rock vers l’opéra ou l’improvisation teintée de jazz, Led Zeppelin travaille sa virtuosité à travers la composition. Même « How Many More Times », morceau de huit minutes, a été pensé pour un maximum d’impact. « Il y avait très peu de libertés, raconte Jones. Ils travaillaient dur. Les Stones mettaient neuf mois à faire un album. Eux, ça leur a pris neuf jours, mixage inclus. »

À sa sortie en janvier 1969, Led Zeppelin grimpe au top 10 aux États-Unis et en Angleterre, malgré les critiques mitigées. La presse américaine démolira le groupe, le rédacteur en chef de Rolling Stone, Ralph J. Gleason, ira même jusqu’à écrire une lettre à Ahmet Ertegun, le patron du label Atlantic, après avoir reçu le « white label » du premier opus des British en la débutant en ces termes : « Qui sont ces quatre connards ? » Si à l’époque donc, il n’était pas forcément facile de mesurer pleinement le côté novateur du groupe, pendant l’année 1969, Led Zep parcourra les Etats-Unis, soutenus par les radios qui passaient les titres en boucle. Et entre janvier et décembre ils deviendront des dieux vivants des deux côtés de l’Atlantique. À l’ère de la transcendance spirituelle, ils avaient transformé le rock’n’roll adolescent et fatigué en quelque chose d’énorme, de bouillonnant, de mythique et de bestial.

Notre hors-série dédié à Led Zeppelin est disponible en version digitale via notre boutique en ligne.

Led Zeppelin

Sorti le 12 janvier 1969

Enregistré de septembre à octobre 1968 à l’Olympic Studio, Londres
Durée : 44:56
Label : Atlantic
Production : Jimmy Page

Face 1
1 « Good Times Bad Times »
2:46
Jimmy Page/John Paul Jones/John Bonham

2 « Babe I’m Gonna Leave You »
Anne Bredon/Jimmy Page/Robert Plant

3 « You Shook Me »
Willie Dixon/J. B. Lenoir
6:28

4 « Dazed and Confused »
Jimmy Page/Jake Holmes
6:27

Face 2
1 « Your Time Is Gonna Come »
Jimmy Page/John Paul Jones
4:34
2 « Black Mountain Side » (instrumental)
Jimmy Page
2:12

3. « Communication Breakdown »
Jimmy Page/John Paul Jones/John Bonham
2:30

4. « I Can’t Quit You Baby »
Willie Dixon 4:42

5. « How Many More Times »
Jimmy Page/John Paul Jones/John Bonham
8:27

Production

John Bonham – batterie, tympan, choeurs
Robert Plant – chant, harmonica
Jimmy Page – électrique, acoustique et pedal steel guitar, choeurs
John Paul Jones – bass, orgue, choeurs

Musicien additionnel
Viram Jasani – tabla sur « Black Mountain Side »

Production
Peter Grant –production exécutive
Glyn Johns – ingénieur du son mixage
George Hardie –design de pochette
Chris Dreja – Photo verso pochette

Continuer la lecture

Les Plus Lus

WP2Social Auto Publish Powered By : XYZScripts.com