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"Ce silence des associations LGBT et de tant de féministes sur l'affaire Mila est absurde"
Mila, une jeune femme harcelée avec la plus impensable des violences pour avoir critiqué l’islam lorsqu’un dragueur très lourd sur internet lui a promis le bûcher de l’Enfer parce qu’elle lui avait répondu qu’elle était lesbienne et qu’il ferait mieux de lui foutre la paix.
© Bertrand GUAY / AFP

"Ce silence des associations LGBT et de tant de féministes sur l'affaire Mila est absurde"

Tribune

Par Delphine Girard

Publié le

Delphine Girard, professeur de lettres classiques au collège dans le Val-de-Marne et cofondatrice de Vigilance Collèges Lycées, analyse la lâcheté des associations féministes et LGBT vis-à-vis de Mila.

Il y a ceux qui s’élèvent contre l’injustice à l’idée qu’on leur dédaigne une énième lettre pour reconnaître leur sexualité, comme si, pour lutter pour le droit de chacun à faire ce qu’il veut, il fallait forcément faire de sa sexualité une identité et en multiplier à l’infini les catégories excluantes. Et puis il y a Mila. Une jeune femme harcelée avec la plus impensable des violences pour avoir critiqué l’islam lorsqu’un dragueur très lourd sur Internet lui a promis le bûcher de l’enfer parce qu’elle lui avait répondu qu’elle était lesbienne et qu’il ferait mieux de lui foutre la paix.

Or, bien qu’elle soit femme, lesbienne et clairement victime du patriarcat, les premiers sont fabuleusement silencieux face au sort de la seconde. Incompréhensible paradoxe et révoltante monstruosité (au vrai sens étymologique de monstrum : le prodige effarant et effrayant). Ce silence nous couvre tous de honte et me rend quatre fois ivre de colère : comme citoyenne, comme féministe, comme laïque et comme lesbienne.

Malaise des féministes

Est-ce parce que le harceleur n’est pas un homme blanc (quoiqu’il soit pourtant très très « cis » !), encravaté et d’origine européenne – car c’est bien cela qui importe aux nouveaux antiracistes et féministes essentialistes, les origines ! – qu’on n’entend pas les associations LGBT ? Et qu'on ne voit pas, à de rares exceptions, les associations féministes se mettre toutes vent debout pour faire devant elle le barrage médiatique, politique et humain auquel on devrait s’attendre, et auquel assurément on assisterait si de la même manière elle avait été harcelée pour avoir raillé le catholicisme ou une secte évangéliste quelconque ?

« Mila effraie comme un virus inconnu, incontrôlable et mortifère, face auquel le premier geste barrière dans l’espace public est le silence. »

Alors qu’elle devrait être l’icône de la prochaine Pride, je gage que nous ne verrons pas de banderoles « Je suis Mila » à la Marche des Fiertés du 26 juin prochain, ni de tee-shirts, ni la moindre petite pancarte pour soutenir cette jeune fille qui pourtant incarne à la fois l’intimidation religieuse sur les homosexuels et l’oppression masculine sur la parole et le corps des femmes.

Pourquoi ? Parce que d’une part, personne naturellement ne peut souhaiter « être Mila ». Qui voudrait comme elle vivre recluse, pestiférée, partout menacée, au mieux plainte et le plus souvent vilipendée par les identitaires de gauche comme par les religieux de droite ? Or, la malédiction qui s’est abattue sur sa vie paraît si soudaine, si totale, si arbitraire qu’elle est peut-être contagieuse. Mila effraie comme un virus inconnu, incontrôlable et mortifère, face auquel le premier geste barrière dans l’espace public est le silence.

Le tort de Mila

Par ailleurs – et voilà qui sans doute est pire que la lâcheté – les jeunes militants LGBT sont toujours plus nombreux à penser que n’est pas oppresseur qui veut. Il ne suffit pas d’embastiller une femme, de la menacer de viol ou d’éviscération pour avoir proféré des insanités, si ce fut à l’encontre d’une religion d’opprimés.

Tout comme n’est pas si facilement victime toute femme en proie à des pressions, des menaces ou des violences de la part d’hommes. Mila a le tort d’être blanche, issue d’une famille aisée, et d’avoir, en blasphémant, selon son droit le plus strict et dans une situation des plus compréhensibles, attenté aux croyances d’une catégorie de citoyens jugés plus minoritaires, mieux dominés, l’étant par l’État colonial. De meilleures victimes qu’elle en somme.

« En perdant son statut de victime, voilà qu’elle semble avoir perdu son statut de lesbienne et de femme aux yeux aveuglés de ses porte-parole et défenseurs naturels. »

Tellement vingtième siècle de défendre une lesbienne blanche et riche ! Et pourtant revendiquer l'égalité pour tous, quelle que soit son origine, sa religion, son orientation sexuelle, signifie que nous devons considérer chacun selon ce qu'il fait et non selon ce qu'il est. Or, en perdant son statut de victime, voilà qu’elle semble avoir perdu son statut de lesbienne et de femme aux yeux aveuglés de ses porte-parole et défenseurs naturels.

Ce silence des associations LGBT et de tant de féministes est proprement absurde, au sens premier du terme. Ces gens sont devenus volontairement « sourds » à la réalité, à la menace qui pèse sur leurs propres causes et leurs propres ouailles, au sens le plus élémentaire de la justice. C’est tout simplement fou, et c’est à devenir proprement fou d’ailleurs, fou de colère, d’incompréhension, de dépit.

Signataires :

Vigilance Collèges Lycées

Vigilance Universités

Dernier Espoir

L’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne