Anne Rosencher est directrice déléguée de la rédaction de L'Express

Anne Rosencher est directrice déléguée de la rédaction de L'Express.

©L'Express

A la fin, qu'est-ce que la démocratie ? "Le gouvernement du peuple exerçant la souveraineté sans entrave", définissait de Gaulle. Avec 68 % d'abstention lors du premier tour de ces régionales et départementales et 66% lors du second, la désaffiliation des Français vis-à-vis de la chose politique atteint une sorte de cote d'alerte démocratique. Il existe bien sûr de multiples facteurs à cette désaffiliation. Entre autres : une partie croissante des citoyens considèrent désormais que, sur un certain nombre de sujets cruciaux, leur vote n'a plus d'effet, car il ne se traduit plus en conséquences pratiques sur le cours des choses.

Publicité
SUIVRE NOTRE DIRECT : Les résultats du second tour des régionales et départementales

Ce n'est pas "souverainiste" que de le dire : les changements profonds des dernières décennies (mondialisation, construction européenne...) ont induit un sentiment d'impuissance électorale que les partis politiques traditionnels feraient bien de prendre en compte plutôt que de le disqualifier, car ce sentiment explique une grande part de la mélancolie démocratique qui travaille le pays. Il est au reste accentué par les nouvelles modalités de notre débat public - sur les réseaux sociaux et les chaînes d'info en continu, notamment -, qui enveloppent la réalité dans une bulle de commentaires contradictoires et d'éléments de langage, brouillent le discernement et finissent par laisser penser que rien n'est vrai et que tout se vaut.

LIRE AUSSI : Luc Rouban sur l'abstention : "Les Français attendent des solutions à leurs problèmes"

Alors oui, il y a mille mea culpa à faire, mille erreurs et fausses routes à analyser. Nous l'avons fait ici ; nous ne manquerons pas de le refaire demain. Néanmoins, osons ajouter que cet exercice critique ne devrait pas se limiter aux élites et aux corps intermédiaires. Il existe désormais chez certains Français une grande paresse de savoir. Une complaisance individualiste, consistant à se réfugier dans sa bulle de certitudes et de convictions, notamment sur les réseaux sociaux, qui est en réalité un abandon de citoyenneté. Car la citoyenneté implique des efforts.

Elle implique notamment, parfois, d'aller voter malgré la colère, et malgré l'offre politique qui ne satisfait pas. Aggravant l'aquoibonisme ambiant, une rengaine s'est installée, très en vogue dans plusieurs camps du débat intellectuel et militant, qui prétend que la France serait déjà dans une sorte de dictature. Séduisant... mais faux. Malgré tous les défauts de l'époque, nous sommes encore en démocratie. Et la démocratie se défend par l'exercice de la citoyenneté.

LIRE AUSSI : Anne Rosencher : "c'est écrit d'avance", de quoi la tirade de Mélenchon est-elle le symptôme ?
Publicité