« Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé », un pod­cast pépite sur le fémi­nisme des femmes noires

Foisonnant et lumineux, le nouveau podcast d'Axelle Jah Njiké est une somme documentaire sur le féminisme des femmes noires francophones.

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Axelle Jah Njiké © Olivier Ezratty- QFDN

Nous l'avions laissée en novembre avec son impressionnant podcast-enquête sur les violences sexuelles dans la communauté noire française. Cette fois, Axelle Jah Njiké nous est revenue avec Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé, une nouvelle production documentaire autour des mouvements féministes noirs francophones.

Foisonnante et lumineuse, cette collection de quatre épisodes d'une heure réalisée pour La série documentaire (LSD) de France Culture vient d'abord combler un trou dans l'histoire des mouvements féministes : l'apport, oublié mais conséquent, des femmes des pays d'Afrique francophone qui se sont organisées et ont lutté pour leurs droits au moment où s'installaient les indépendances de ces anciennes colonies dans les années 60, et donc en parallèle des mouvements français. « Cousue main » comme le clame le slogan de LSD, la série nous amène par la suite sur le terrain des luttes actuelles, qu'il s'agisse de l'écho du mouvement #MeToo en Afrique ou de l'afroféminisme des jeunes femmes noires françaises. Avec, en fil rouge, l'histoire intime de l'autrice et podcasteuse Axelle Jah Njiké, celle d'une femme née au Cameroun, première de sa lignée de femmes à savoir lire et écrire, première aussi à ne pas se voir imposer la polygamie, grâce au choix de sa mère de l'avoir faite partir en France à ses 6 ans.

En donnant la parole à des figures du féminisme historique (par exemple, la Sénégalaise Fatou Sow, 79 ans ou la Béninoise Éliane Aïssi, 72 ans), Axelle Jah Njiké construit son premier épisode autour du roman capital dans l'émergence de la pensée féministe africaine, Une si longue lettre, publié en 1979 par la Sénégalaise Mariama Bâ. Silenciation des violences sexuelles, mutilations génitales, mariages d'enfants, interdiction de l'avortement, blanchissement de la peau, repassage des seins au Cameroun, ou encore, gavage des futures mariées en Mauritanie... les problématiques spécifiques à la condition des femmes en Afrique sont brossées par des dizaines d'intervenantes auxquelles la parole est donnée dans ces quatre heures - somme documentaire. Elles ont en commun de s'opposer à répéter, en refusant le rôle de « gardiennes des traditions » que leurs mères ont parfois embrassé, ces mécanismes d'asservissement patriarcal.

Au fil du récit, Axelle Jah Njiké opère un pont entre l'Afrique francophone et la France. Les pionnières africaines comme les militantes actuelles françaises doivent composer avec certains hommes noirs qui leur reprochent d'importer des valeurs occidentales dans leur communauté, mais aussi avec l'indifférence des militantes universalistes blanches qui ne veulent pas toujours voir la double oppression que les femmes noires subissent. « Dans leur regard, on était quasiment invisibles », témoigne ainsi à 77 ans Gerty Dambury, femme de lettres française et membre de la Coordination des femmes noires, mouvement créé dans les années 70. Une observation qui résonne ironiquement avec le ramdam fait, il y a quelques années, autour des réunions en non-mixité organisées par l'association française Mwasi, sur lequel revient aussi Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé.

Ce titre, c'est d'ailleurs celui du choix prôné par son autrice : pouvoir être une femme noire féministe sans nécessairement s'enferrer dans une identité culturelle venue, via la pop culture, du militantisme afro-américain. Son féminisme à elle, Axelle Jah Njiké se l'est forgé par son histoire : « Ma mère a été la première à acter sa rébellion, contrairement à sa mère et à sa grand-mère avant elle. [...] Le féminisme ne peut pas être une théorie pour moi, il a un visage, des traits, une voix. Le féminisme ressemble à ma mère. Il ne ressemble ni à Simone, ni à Virginia, ni à Anaïs, ni même à Maia. Mais à une femme noire qui m'a donné le jour, et chaque jour que dieu fait, j'essaie de vivre pleinement ce qu'elle a rendu possible pour moi. » Lectrices de Causette, vous aurez le plaisir de retrouver les mots d'Axelle Jah Njiké dans la rubrique Au lance-flamme de notre magazine dès septembre.

Lire aussi l Podcast : Axelle Jah Njiké lève le voile sur le tabou des violences intrafamiliales sur mineurs dans les communautés noires

Ecouter le premier épisode :

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