Manifestations à Cuba : la guerre de l'information est déclarée

Les manifestations - d'une ampleur inédite sur l'île - ont pris racine sur les réseaux sociaux dimanche dernier ©AFP - YAMIL LAGE
Les manifestations - d'une ampleur inédite sur l'île - ont pris racine sur les réseaux sociaux dimanche dernier ©AFP - YAMIL LAGE
Les manifestations - d'une ampleur inédite sur l'île - ont pris racine sur les réseaux sociaux dimanche dernier ©AFP - YAMIL LAGE
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La guerre de l'information fait rage à Cuba alors qu'un mouvement social d'une ampleur inédite secoue l'île depuis dimanche.

Dans plus d'une soixantaine de villes cubaines, les manifestations se succèdent sur fond de crise économique, accentuée par les restrictions américaines mais aussi la pandémie qui porte un coup de massue au tourisme, secteur clé de l'économie cubaine. Et c'est désormais un classique dans les luttes sociales récentes, le combat entre les manifestants et le régime a lieu autant dans la rue - avec déjà plus d'une centaine d'arrestations - que sur le net. Le réseau internet mais aussi les données mobiles sont régulièrement coupées depuis dimanche soir, se connecter au reste du monde est devenu un véritable chemin de croix sur l'île. Et lorsqu'on interroge le ministre des affaires étrangères cubain Bruno Rodriguez sur les coupures, celui-ci répond laconiquement : "C'est vrai qu'on manque d'internet mobile, mais on manque aussi de médicaments."

Internet coupé et journalistes arrêtés

Depuis dimanche, les réseaux sociaux, véritables étincelles de ce mouvement, sont par fois directement coupés, selon le site Semana. Facebook, WhatsApp, Instagram et Telegram sont en partie bloqués. Car en effet, bien au-delà de la communication externe - notamment en provenance des Etats-Unis, que le régime cubain accuse de propagande antirévolutionnaire - le gouvernement de l'île souhaite avant tout restreindre la communication entre manifestants. L'internet mobile mis en place il y a deux ans et demi joue un rôle très important depuis le premier jour de contestation rappelle El Mundo. C'est d'ailleurs une première manifestation filmée en direct sur Facebook dimanche matin dans la petite ville de San Antonio de los Baños près de La Havane, qui a embrasé le pays. " C'était comme un effet domino. Nous avons vu une manifestation spontanée à San Antonio et cela s'est propagé", explique à la BBC monde un militant, Alfredo Martínez Ramírez, qui a enregistré plusieurs vidéos en direct des manifestations à La Havane. Des vidéos qui se multiplient, quand cela est possible et "qui donnent du courage" ajoute-t-il. Les utilisateurs et médias cubains indépendants ont désormais pour arme et canal favori Twitter, peu touché, ou la technologie VPN parfois efficace pour contourner le blocus. Enfin selon El Mundo, derrière cette guerre de l'information se cache également la volonté du gouvernement de dissimuler la violence des forces de sécurité vis-à-vis des manifestants. Le régime a pour le moment officiellement déclaré un seul mort durant les manifestations, la réalité pourrait être toute autre.

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Les journalistes indépendants et les influenceurs sont également la cible du régime. Derniers épisodes hier avec deux arrestations marquantes. Celle de Camila Acosta, journaliste indépendante très critique du régime, qui couvrait les manifestations notamment pour le média espagnol ABC. D'abord arrêtée pour atteinte à la sûreté de l'État, elle est désormais poursuivie pour désordre public. Le père de la journaliste raconte à ABC ce qu'il décrit comme un véritable siège du domicile de sa fille par une quinzaine de policiers et leurs chiens, qui ont emmené tout le matériel professionnel de la journaliste. Depuis hier les appels à la libérer se multiplient, du gouvernement espagnol aux associations de presse du monde entier, qui dénoncent une arrestation simplement liée à l'exercice normal de sa profession de journaliste.    Selon El Mundo, c'est même une vingtaine de journalistes, notamment des indépendants cubains, qui seraient actuellement détenus par le régime. Et puis deuxième épisode, El Pais qui raconte et diffuse l'arrestation assez surréaliste hier, en plein direct avec une chaîne de télévision espagnole, d'une célèbre youtubeuse cubaine, Dina Stars. "Je tiens le gouvernement pour responsable de tout ce qui peut m'arriver" dit-elle avant d'aller ouvrir la porte aux autorités venues qui l'emmènent pour l'interroger.

Autocensure au salon du livre d'Hong Kong

Le spectre de l'autocensure plane sur le salon du livre d'Hong Kong qui ouvre ses portes aujourd'hui. "C'est la première fois en 32 ans que l'édition subit une telle autocensure" explique à Reuters Jimmy Pang, éditeur indépendant bien connu pour son anticonformisme. Cette année, pour le salon du livre, Jimmy Pang ne présentera pas son ouvrage sur les plus jeunes manifestants de Hong Kong, ou encore le livre d'une ancienne députée arrêtée récemment pour "complot en vue de commettre un acte de subversion", en raison de ses prises de position pro-démocratie. Jimmy Pang dit vouloir éviter les ennuis alors que les mises en garde des autorités contre les livres considérés "subversifs" ou "séparatistes", deux crimes vaguement définis dans une loi sur la sécurité introduite l'an dernier, en réponse aux nombreuses manifestations pro-démocratie qui ont eu lieu à Hong-Kong. Reuters raconte également l'absence de The Umbrella Men, un groupe d'écrivains anonymes fondé en 2014 dans le sillage de la mouvance prodémocratie. C'est la première fois depuis leur création qu'aucun de leurs ouvrages ne sera présenté au salon du livre. Selon l'un des auteurs Woody, qui reste anonyme, leur éditeur était menacé de voir ses comptes en banque tout bonnement gelés par le pouvoir.  

Si aucune censure officielle n'est prévue pour ce salon, le Conseil gouvernemental pour le développement du commerce a clairement appelé les exposants à "s'autodiscipliner". Le South China Morning Post explique même que les autorités enjoignent les participants à appeler la police s'ils constatent une violation de cette très floue loi sur la sécurité nationale. Dans ce contexte la palme d'or de la bravoure est décernée par Reuters à l'éditeur Daniel Wong, qui a prévu de continuer à exposer des livres à contenu politique comme il l'a toujours fait malgré la menace nouvelle. Il a prévu notamment de présenter plusieurs livres qui touchent aux manifestations pro-démocratie, dont "Chan Kin-man's Letters from Prison", ouvrage d'un professeur de sociologie qui a passé un an derrière les barreaux pour son rôle dans les manifestations de 2014. En souhaitant que ce ne soit pas bientôt au tour de son éditeur d'écrire un livre sur ses propres conditions d'emprisonnement.

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