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Eric Dupond-Moretti mis en examen pour "prise illégale d'intérêts"

Eric Dupond-Moretti
Eric Dupond-Moretti a été mis en examen. © Gonzalo Fuentes / Reuters
La Rédaction, avec AFP

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a été mis en examen pour "prise illégale d'intérêts".

Arrivé en "star" dans un gouvernement qui en manquait, l'ex-ténor du barreau Eric Dupond-Moretti a amené en politique la fougue de ses plaidoiries, mais s'est fait déborder par des accusations de conflits d'intérêts qui ont "parasité" son action et lui valent aujourd'hui une mise en examen inédite pour "prise illégale d'intérêts".

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"J'aurais pu tranquillement attendre l'heure de la retraite", avait-il reconnu lors de sa prise de fonctions place Vendôme l'été dernier, après sa nomination surprise. "Mais j'ai décidé de m'engager".

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Un an plus tard, celui qui a fêté ses 60 ans en avril est devenu le premier ministre de la Justice mis en examen par la Cour de Justice de la République (CJR), et son avenir est incertain.

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A lire : Qu'est-ce que l'affaire Dupond-Moretti ?

Pourtant, ce novice en politique qui aime répéter qu'il tire sa légitimité de ses "36 ans" passés dans les tribunaux, et d'une connaissance "charnelle" de la justice, avait su trouver ses marques.

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A l'Assemblée nationale au début, il s'était fait chahuter par les députés, lui qui avait juré qu'il n'accepterait "jamais" d'être ministre. Depuis, il a défendu devant le Parlement 17 textes, dont son projet à lui, pour la "confiance" dans la justice, adopté en première lecture en mai.

Il s'est "pris au jeu", notent plusieurs élus, a retrouvé le franc-parler qui a fait sa réputation dans les prétoires, tout en restant dans les clous imposés par sa fonction.

"Un des seuls à savoir répondre directement au RN au sein du gouvernement"

Sa première candidature à une élection, aux régionales de juin où il voulait "chasser" le Rassemblement national des Hauts-de-France, s'est en revanche soldée par une sévère dérouillée.

Il reste pour autant "un des seuls à savoir répondre directement au RN au sein du gouvernement", note une parlementaire LREM.

Avocat médiatique et clivant, habitué des plateaux télé et même des planches de théâtre où il avait commencé à jouer en 2019, Eric Dupond-Moretti était probablement le pénaliste le plus connu du grand public. Il a notamment défendu Patrick Balkany, Jérôme Cahuzac, Abdelkader Merah, Yvan Colonna et la boulangère d'Outreau - l'affaire de viols devenue scandale qui l'a fait connaître.

Avec sa "grande gueule", sa carrure et sa voix intimidantes, il a impressionné, rudoyé et fait trembler les cours d'assises de toute la France. Ses 140 acquittements arrachés lui font gagner un surnom: "Acquittator".

"L'ogre du Nord", de "sang-mêlé" dit-il, est né à Maubeuge (Hauts-de-France) d'un père métallurgiste décédé lorsqu'il avait quatre ans et d'une mère immigrée italienne et femme de ménage.

Père de deux enfants, en couple avec la chanteuse canadienne Isabelle Boulay et maître d'un teckel à poil dur prénommé Jean-Claude, ce gros fumeur et fan de Georges Brassens -un vieux vinyle trône dans son bureau- était plutôt classé à gauche avant son entrée au gouvernement.

Il a la réputation d'être bougon, râleur. "Il l'est", confirme son ami l'avocat Edouard Martial. Mais il est aussi "extrêmement chaleureux et très fidèle en amitié", dit-il -à ses proches, "il ouvrira sa porte à n'importe quelle heure de la nuit".

Un an après sa nomination, "le type que je connaissais n'a pas changé", dit aussi Me Martial. Avocat comme ministre, "il va sur le terrain". Et ses ennuis judiciaires ? "C'est un battant, je n'imagine pas un instant qu'il va baisser les bras", balaie-t-il.

"Serein"

Les anciens confrères d'Eric Dupond-Moretti avaient plutôt bien accueilli son arrivée, mais certains ont été refroidis par son projet de loi "fourre-tout", et surtout son "retournement de veste" sur la généralisation des cours criminelles - qui jugent certains crimes sans jurés populaires. Lorsqu'il portait la robe, Dupond-Moretti les avait combattues en dénonçant la "mort de la cour d'assises".

Chez les magistrats avec qui il n'avait jamais été tendre, sa nomination avait fait l'effet d'un choc. "Une déclaration de guerre", avait dit Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats.

Quelques mois plus tard, ils l'accusaient de profiter de ses fonctions de ministre pour régler des comptes d'avocat, et déposaient la plainte à l'origine de l'enquête de la CJR.

"On ne peut pas parler avec quelqu'un comme ça donc on a arrêté de lui parler", dit Céline Parisot. Et son action de ministre ? "Beaucoup de com'. Il a surtout terminé pas mal de choses qu'avaient commencées (sa prédécesseure) Nicole Belloubet", tacle-t-elle.

Côté entourage, on dénonce des "manoeuvres" de "parasitage" des syndicats, qui n'auraient pas atteint le "capital sympathie" du ministre.

Et ne l'empêchent pas de travailler ni de "bousculer les habitudes", assure-t-on. Le garde des Sceaux, qui bénéficie pour l'instant du soutien du président de la République venu le chercher, répète, lui, qu'il est "serein".

"Le talent d'un grand avocat c'est de renverser la situation et de convaincre tout le monde", dit un ministre. "Sans doute il est touché. Mais on aurait tort de s'en passer".

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