C’est officiel : au Nigeria, la fin de la guerre contre le terrorisme n’est pas pour demain. Les violences qui ont placé le nord du pays en état de siège resurgissent dans la capitale [Abuja] de façon tragique. Le bilan officiel [de l’attentat du 14 avril] s’élève à ce jour à 72 morts et 164 blessés, mais les témoins dressent un tableau plus sanglant encore. La vulnérabilité du Nigeria face à cet interminable bain de sang est révélée au grand jour, et plus personne, pas même au gouvernement, ne peut faire comme si tout était normal. Cela doit cesser. L’Etat doit assumer sa responsabilité et assurer partout et sans délai la sécurité des Nigérians.

Les condoléances et les belles paroles de réconfort aux victimes et à leurs proches sont une bonne chose, mais ce que veulent les Nigérians, c’est que ce carnage cesse.
Depuis des années, le Nigeria lutte contre une insurrection dans le nord-est du pays et d’autres régions, jusque dans la capitale elle-même. Face à l’ampleur des violences terroristes, on peut douter que l’Etat ait remporté à ce jour la moindre victoire.

De nombreux attentats et massacres

Parmi les nombreux attentats perpétrés à Abuja, rappelons celui d’août 2011 contre le siège des Nations unies, qui avait fait une trentaine de victimes et plus d’une centaine de blessés. Le siège de la police du Nigeria n’est pas non plus préservé puisque, en juin de la même année, un attentat y a fait de nombreux morts et blessés. Auparavant, c’est une caserne de l’armée qui avait été prise pour cible – les terroristes avaient tué une trentaine de personnes.

A la fin de l’année dernière [en septembre], les rebelles du Boko Haram ont porté au Nigeria un coup d’une violence bouleversante en envahissant le collège d’agriculture de Gujba, dans l’Etat de Yobe [Nord-Est]. Les insurgés ont égorgé près de 90 élèves dans leur sommeil, fait de nombreux blessés, enlevé des jeunes gens et mis le feu à l’établissement. Ce 15 avril, on a encore appris que plus d’une centaine de jeunes filles ont été enlevées dans un lycée public de Chibok, dans l’Etat de Borno, voisin du Yobe.

Politisation de l’insurrection

Face au danger, les écoles de ces deux Etats étaient déjà restées fermées durant des mois après le meurtre, en juillet, de 42 élèves d’une autre école. Il y a deux mois encore, le gouvernement se targuait d’avoir remporté une grande victoire contre le terrorisme, l’armée ayant repoussé les rebelles jusqu’aux frontières nord-est du pays.

Alors que le Nigeria baigne dans le sang, on assiste à un phénomène plus déplorable encore avec la politisation de l’insurrection : les responsables qui s’accusent entre eux et enchaînent les discours de condoléances creux et les opérations de relations publiques nous font perdre notre sens des priorités.

Goodluck Jonathan, ultime responsable ?

Résultat : non seulement la solution au problème nous échappe toujours, mais l’élite dirigeante est visiblement assez dépourvue de scrupules pour chercher à exploiter cette crise, symboliquement et concrètement.
Le gouvernement nigérian aura beau protester du contraire, il est certain que sa gestion de la menace terroriste ne lui vaut guère de félicitations. Et tous ceux qui désignent le président Goodluck Jonathan comme l’ultime responsable ont raison. Après tout, c’est bien pour protéger le Nigeria et les Nigérians contre ses ennemis intérieurs et extérieurs qu’il a été élu président.

Le fait que ses concitoyens du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest vivent désormais dans la peur est la preuve de son échec.
Une fois encore, le degré de sophistication des méthodes employées par les terroristes, l’audace de leurs opérations à découvert et le niveau de confidentialité dans lequel ils parviennent à opérer quand c’est nécessaire, tout cela nous pousse à mettre en cause la stratégie des forces de sécurité nigérianes et leur détermination dans la lutte. Faut-il comprendre que les moyens mis en œuvre sont insuffisants ? ou bien que certains tirent profit de cette guerre à durée indéterminée ?

Vaincre le terrorisme

Si le gouvernement n’a pas enregistré que des défaites, ses rares victoires sont annulées par la perte de trop nombreuses vies, aussi bien dans les rangs des forces de sécurité que chez les civils innocents.
Rien n’est plus facile que de rejeter la faute sur Goodluck Jonathan et tout le gouvernement. Bien sûr, le gouvernement peut et doit en faire davantage. Les services de renseignements doivent être plus efficaces et apprendre à mieux anticiper. Tous les besoins matériels et non matériels des forces de sécurité doivent être couverts, y compris ceux des hommes situés en première ligne dans les villes ou les banlieues.

Alors que, dans ce pays, la vie ne tient qu’à un fil de plus en plus fragile et que la mort rôde partout sous les couleurs des rebelles et des kamikazes de Boko Haram, il est temps pour chaque Nigérian de s’arrêter et de réfléchir un moment. De penser à la mort de tous ces innocents, de se dire qu’il pourrait être le prochain et que tous, aujourd’hui, nous devons nous protéger les uns les autres.
Une vigilance de tous les instants, voilà ce dont nous avons le plus besoin à présent. C’est le premier pas pour coopérer avec les services de sécurité et vaincre le terrorisme au Nigeria.