Avec une nouvelle loi, les drones pour filmer les manifestations reviennent par la petite porte

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Avec une nouvelle loi, les drones pour filmer les manifestations reviennent par la petite porte

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Un drone de la police survole le marché des Capucins à Marseille, le 24 mars 2020.
Un drone de la police survole le marché des Capucins à Marseille, le 24 mars 2020.
© AFP - Gérard Julien

Le gouvernement a présenté ce lundi 19 juillet son projet de loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure en Conseil des ministres. Censuré par le Conseil constitutionnel, l’article concernant les drones de surveillance fait son retour.

C’était une promesse du ministre de l’Intérieur au printemps dernier, il allait quoi qu’il arrive déposer un nouveau texte. Au lendemain de la censure du Conseil constitutionnel de l'utilisation des drones par les forces de l’ordre, Gérald Darmanin déclarait au Parisien : "La Cnil (Commission nationale informatique et libertés, NDLR) nous empêche de faire voler ces drones qui sont extrêmement efficaces dans la lutte contre la drogue, les rodéos motorisés et la maîtrise de l'ordre public". Ce lundi 19 juillet, en même temps que l’adoption des nouvelles mesures anti-Covid-19 en Conseil des ministres, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice ont dévoilé le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Exfiltrés de la loi Sécurité globale, les drones reviennent en catimini.

Six raisons d’employer un drone

Ils survolent des manifestations depuis 2014, mais il n’y avait jusqu’alors aucun cadre légal. En décembre 2020, le Conseil d’État avait fini par trancher, en interdisant l’usage de drones pour surveiller des manifestants. Pour éviter d’être de nouveau censuré par le Conseil constitutionnel, Beauvau a sorti ses ciseaux. Mais les modifications sont marginales. "Ce sont des pansements sur une jambe de bois" rétorque Martin Drago, juriste à la Quadrature du net, association de défense des libertés qui lutte contre la censure et la surveillance. Elle avait notamment déposé un recours devant le conseil d’État car la préfecture de Paris utilisait des drones dans la capitale lors du premier confinement, et obtenu gain de cause. 

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Avec cet article 8 présenté dans le projet de loi, "les finalités sont plus précises" explique Martin Drago. Il en reste six. Le nombre de drones utilisés sera limité par un décret ou un arrêté, ils doivent servir "à la prévention d’actes de terrorisme", "à la surveillance des frontières" ou encore à "la régulation des flux de transports", avec une autorisation donnée pour trois mois. En revanche, dans le cas d’une manifestation, elle ne dure "que pour la seule durée du rassemblement concerné". 

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Mais le texte est flou par endroit. L’usage de drones pourra être demandé pour "la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés (…) à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants". Quels types de lieux seront ciblés ? Les quartiers ? Le ministre de l'Intérieur souhaite utiliser des drones pour lutter contre les trafics de drogue et les rodéos à moto. "Ce ne sont pas des caméras comme les autres, elles filment des plans très larges, elles sont mobiles et très discrètes. On peut ne pas les voir. Les drones sont une machine de surveillance extrêmement puissante" clame le juriste de la Quadrature du net.

La police et la gendarmerie en a acheté beaucoup, elles estiment que c’est nécessaire pour leur travail de surveillance. Il leur faut donc le plus rapidement une loi pour les utiliser.

Parmi les modifications apportées depuis le printemps, Martin Drago observe qu’il n’est plus seulement question des drones, "mais de toute caméra qui est sur un dispositif aéroporté". Filmer une manifestation depuis un avion ou un hélicoptère n’est pas nouveau, mais cela était réalisé sans cadre légal. "De quelle manière seront informés les gens présents et donc filmés lors d’un rassemblement ?" s’interroge la Quadrature du net. Le ministère de l’Intérieur promet que ces drones ne pourront "procéder à la captation de son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale". Le texte doit encore être débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat.

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