En 1908, le gouvernement américain a fait main basse sur 7 300 hectares de terres qui appartenaient aux tribus confédérées Salish et Kootenai, dans le but de créer le National Bison Range au cœur de leur réserve, dans l’ouest du Montana.

Si l’objectif de protéger les derniers bisons d’Amérique était louable, ce parc fédéral n’en est pas moins depuis un siècle, aux yeux des tribus, le symbole des injustices commises par le gouvernement à leur encontre. Elles ont mené un combat de longue haleine pour que leur soit restituée cette zone de pâturage. En décembre 2020, leur patience a été enfin récompensée : Donald Trump a promulgué une loi ouvrant la procédure de rétrocession des terres en question aux Salish et aux Kootenai.

Désormais, ce sont donc les tribus qui s’occupent des bisons et qui participent, dans le cadre d’un régime de cogestion, à la surveillance de ceux qui s’écartent du parc national de Yellowstone pour aller paître dans les zones administrées par le Service américain des forêts. Le mode de gestion des Amérindiens est marqué par une proximité presque familière avec cet animal qui leur permettait naguère de se nourrir, de se vêtir et de s’abriter – soit à peu près tout ce dont leur peuple avait besoin.

“Nous stressons moins les bisons et nous les traitons avec plus de respect”, fait remarquer Tom Mcdonald, responsable de la gestion des ressources halieutiques et fauniques des tribus et lui-même amérindien. Les tribus sont conscientes de l’importance des liens familiaux au sein des troupeaux et laissent donc les bisons ensemble :

“C’est un virage à 180 degrés par rapport à la mentalité de rodéo que l’on voyait par ici, où ils se précipitaient sur les animaux en semant la panique. C’était vraiment la méthode brutale.”

Synergie avec l’écologie

On voit actuellement monter un mouvement visant à restituer certaines terres à haute valeur culturelle et environnementale à leurs anciens propriétaires, les peuples autochtones et les anciens habitants de ces régions, ou, a minima, à tenir compte de leur point de vue et les faire participer à la gestion des terres, de la faune et de la flore.

À travers tous les États-Unis, des terres sont ainsi rétrocédées aux tribus ou proposées à la cogestion. En Californie, une fiducie foncière vient de restituer 485 hectares de prairies et de forêts de séquoias à la tribu des Esselen. Dans le Maine, les cinq tribus de la confédération Wabanaki viennent de reprendre possession d’une île de 60 hectares avec l’aide de fiducies foncières. D’autres rétrocessions ont eu lieu récemment dans l’Oregon, dans l’État de New York et ailleurs.

De plus en plus, les écologistes voient dans ces modes de gestion ancestraux – fruits de plusieurs siècles de cultures en immersion dans la nature – une forme de synergie avec le mouvement mondial visant à protéger la biodiversité et à gérer le milieu naturel de manière à nous prémunir contre le dérèglement climatique.

La Nature Conservancy, une des plus grandes associations de protection de l’environnement, vient d’institutionnaliser la rétrocession de terres à haute valeur environnementale dans le cadre de son programme “Peuples autochtones et populations locales”, à la fois aux États-Unis et dans le reste du monde.

L’exemple australien

“Si vous regardez les choses sous l’angle de la justice foncière, nous devons les aider à retisser cette relation [avec les terres de leurs ancêtres]”, observe Erin Myers Madeira, directrice du programme de Nature Conservancy.

“Les Amérindiens ont été de facto les premiers gestionnaires de toutes les terres et de toutes les rivières d’Amérique du Nord, et ils sont les dépositaires de savoirs et de pratiques qui remontent à des millénaires.”

Une des plus importantes procédures de rétrocession achevées à ce jour a commencé voilà huit ans en Australie, où les gouvernements fédéral et locaux ont acquis 19 domaines agricoles et les droits d’eau afférents pour la somme de 180 millions de dollars [152 millions d’euros], dans la vallée de Lower Murrumbidgee, en Nouvelle-Galles du Sud. L’objectif était de restaurer les grandes zones humides – foisonnant d’oiseaux, de poissons et autres – qui avaient souffert du drainage agricole intensif. Les parties concernées ont été invitées à soumettre leurs propositions pour la gestion de