Sans doute faut-il entendre ceux qui défilent dans nos rues pour protester contre la vaccination obligatoire, refusant de se sentir « embrigadés » et de voir l’État empiéter sur leur propre territoire de l’intime. Nos libertés sont un bien précieux, notre société ne doit pas devenir le domaine du flicage permanent et c’est à l’honneur d’une démocratie que d’autoriser ces débats. Il n’empêche.

La conjonction des oppositions venues de tous horizons sur la question de la vaccination a quelque chose d’inquiétant. Non, la liberté individuelle ne peut être l’unique critère à prendre en compte en matière de santé publique. Cela ne l’a jamais été. Sinon, nous serions tous morts – que l’on pense à la polio ou, plus loin, à la peste… Il est d’ailleurs étonnant de voir combien, dans les rangs des écologistes, pourtant si soucieux de nous préserver à coups d’interdictions réglementaires de la pollution des voitures, des pesticides des agriculteurs ou du carburant des avions, est grande la réticence à une vaccination obligatoire.

Toute décision de santé suppose un discernement éthique. Et l’éthique ne saurait s’arrêter à notre personne. Nous sommes des êtres en relation, et c’est bien à l’aune de ces relations que nous devons examiner de telles mesures. En théologie chrétienne, on parlera du souci du « bien commun » : la santé est affaire de responsabilité collective, notamment à l’endroit des personnes les plus menacées.

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Il y a là une forme d’« option préférentielle pour les plus fragiles ». Pas question d’accepter les yeux fermés toute avancée scientifique d’une société apte à se jeter dans les bras des transhumanistes. Mais à nous de faire preuve de raison, pour examiner si, en l’état des connaissances, les propositions médicales ou biomédicales sont bien au service de l’humain, un humain en relation. Le discernement est la tâche de tout citoyen. Se faire vacciner uniquement parce que ce sera plus facile d’aller au cinéma est tout simplement désolant. Comme le note le général François Lecointre, dans le très bel entretien qu’il a accordé à L’Hebdo, « la fraternité est sans doute la partie de notre devise républicaine la plus belle mais la plus mal comprise ».