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Benoît Poelvoorde : "J’adore être un vieux con, je le suis depuis tout jeune"

Benoît Poelvoorde à Deauville, en 2020.
Benoît Poelvoorde à Deauville, en 2020. © Jacques BENAROCH/SIPA
Clémence Duranton , Mis à jour le

Acteur populaire et truculent, il n’a pas peur d’incarner les personnages les plus mal embouchés. Confessions d’un drôle de trublion.

Paris Match. Vous ne faites pas attention à votre santé ?
Benoît Poelvoorde. Non ! J’ai tendance à avoir de la chance. Je ne devrais pas dire ça, il va m’arriver des crosses. Mais tu vois, je n’ai pas eu le Covid. Par contre, j’ai eu une pneumonie et je m’en suis bien remis. J’ai dû m’arrêter de fumer pour préserver mes poumons mais, comme un con, j’ai repris et je regrette. Je fume trop. Bon à partir du moment où on fume, on fume toujours trop. Et en même temps, dans ce genre d’exercice de promo, fumer, c’est une vraie bénédiction. La cigarette, chez moi, c’est œuvre de récompense. Quand je dessinais, chaque fois que j’étais content d’un truc, je prenais du recul, je m’en allumais une et je regardais mon travail. Quand je fais du jardinage, c’est pareil. Et par moments la clope se transforme en manière de meubler mes embarras. Je me réfugie derrière elle. 

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Vous courez après une bière depuis plusieurs heures. On vous fait payer vos écarts ?
Oh, je sais quand je suis bourré quand même ! Enfin… Bon d’accord, peut-être que j’ai fait quelques, disons beaucoup d’interviews bourré. Ce sont des enfants en plus qui m’interdisent de boire. Plus le temps passe, plus je suis le papi de la bande. Quelqu’un a dû leur dire : “Faites attention, il ne faut pas qu’il boive.” Je ne peux pas en vouloir aux stagiaires, ni leur crier dessus, les pauvres. Mais, si je bois une bière, je ne vais pas m’effondrer ! Un Belge, quand ça commence à fatiguer, ça doit boire une bière. Ils pourraient s’angoisser si je dis : “Donnez-moi un whisky.” Une bière pour un Belge, c’est comme de la solution saline.

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Vous n’avez pas d’enfants mais on vous donne de plus en plus de rôles de père.
Oui, et c’est drôle ! Ça doit être l’âge qui fait ça… Mais ce qui me chiffonne, c’est qu’on me donne souvent des rôles de pères virulents. 

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 Je reconnais à 100 mètres les gens qui puent l’aigreur.

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Ce n’est pas le genre de père que vous seriez ?
Je n’aurais pas été au stade d’André, mon personnage, mais j’aurais partagé avec lui un côté très enfantin. Si j’avais été père, on aurait eu du mal à différencier l’adulte de l’enfant. Et, j’en suis certain, j’aurais donné tout le sale boulot à mon épouse. J’aurais filé la responsabilité aux autres sans vouloir être emmerdé. Je suis très maniaque, je peux être de très mauvaise foi et, si je suis fâché, très violent aussi parfois dans mes propos. Quoi qu’il en soit, je n’aurais pas été génial… J’ai eu des chiens, j’en ai perdu un mais il m’en reste un, et je vois bien que je suis très peu patient. Quand j’ai décidé quelque chose, c’est comme je l’ai décidé, et pas autrement.

Vous devenez plus sévère en vieillissant ?
J’adore être un vieux con, je l’ai toujours été, je le suis depuis tout jeune. Et je suis content d’avoir enfin l’âge d’en être un vrai. Quand j’étais ado, je pensais avoir toujours raison. À 20 ans, j’avais des théories sur tout. Je décrétais qu’il n’y avait pas d’enfant à New York. Et je l’affirmais très sérieusement. Je disais ne jamais voir de Chinoises enceintes non plus. J’expliquais qu’ils n’avaient probablement pas les mêmes règles de maternité… Ce qui n’avait aucun sens. On me surnommait “Dogma”. Et, contrairement à ce qu’on m’a souvent dit, ce n’était pas du complot !

L’aigreur vous guette?
Ah non! C’est un sentiment que je déteste chez les autres, ça m’agace. Je reconnais à 100 mètres les gens qui puent l’aigreur. Je trouve fondamental pour un acteur d’avoir une jalousie saine, dire: “Oh putain, c’est génial ce qu’il a fait”, là d’accord. J’ai même des moments cancans avec mes proches où on dit du mal pendant une heure, mais ça reste bon enfant. Je refuse une jalousie qui ne soit pas constructive. Comme je fais des crises d’angoisse, le médecin me conseille d’analyser ma journée pour comprendre ce qui a créé mon stress. Et tu t’aperçois que ce truc que tu as entendu ou vu, auquel tu pensais n’attacher aucune importance, t’a touché. Comme quand par exemple je n’aime pas tel comédien, tel réalisateur et que je pense qu’il ne mérite pas une récompense qu’on lui a donnée. 

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Je me trompe de colère, je le sais. Et pourtant, je continue à parler à ma télé!

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Et vous vous en voulez?
Je travaille sur moi pour réfréner ces pensées moches. C’est comme rire de la peine d’un autre ou le voyeurisme. Ah, et les opportunistes! Ils sont partout ceux-là et ils ne sont pas discrets. Un opportuniste, le minimum qu’on lui demande, c’est de ne pas se faire reconnaître. C’est comme un assassin. Si ça se voit, c’est que tu es vraiment mauvais. Mais tout ça fait partie de nous, l’homme est faible.

Tout ce qu’on vit en ce moment, ça vous semble absurde?
Pas du tout. J’ai très bien vécu les trois confinements. Je n’en ai pas souffert. J’ai fait un effort pour me couper de toute communication. Plus de radio, plus rien. Je ne suis pas un malade d’Internet, je ne suis pas sur les réseaux sociaux, je regarde parfois YouTube mais tout ce qui est de l’information, j’ai arrêté. Je peux vivre sans ça. Il n’y a rien de pire que d’être enfermé et d’entendre des gens t’expliquer que rien ne va. J’ai la chance, même en confinement, de pouvoir ouvrir une porte ou une fenêtre et de voir par moi-même ce qu’il se passe dehors.

Donc vous ne regardez toujours pas la télé?
Toujours pas. Quand on m’oblige à la regarder, j’ai tendance, comme dans le film, à gueuler au mec dans le poste: “C’est idiot ce que tu dis!” Ma femme répond toujours: “Elle ne t’entend pas la télé!” Je me trompe de colère, je le sais. Et pourtant, je continue à parler à ma télé! C’est pour ça que je ne condamne pas mon personnage quand il gueule après Charles de Gaulle. C’est plus fort que lui, comme c’est plus fort que moi. Si je suis sur la route et que quelqu’un bloque la voie de gauche, il n’y a rien à faire, quand je le double, je lance un regard de mépris. Comme tu m’entendras encore prononcer ce genre de phrase horrible: “Tu vas voir qu’à tous les coups, c’est une femme!” Je ne peux pas mentir, je fais tout ça.

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Quitte Twitter et ça ira mieux. Moi, ça n’existe pas dans ma réalité. 

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L’homme de 2021 est plus énervé que celui de 1960?
À l’époque du film, André ne peut traduire sa colère qu’en pestant contre cette fichue télé. Aujourd’hui, il la déverserait sur les réseaux sociaux, qui sont presque devenus un exutoire nécessaire. Il n’y a pas plus de haine maintenant, c’est juste qu’on a inventé des outils pour la faire passer plus facilement. 

Et vous, ça vous énerve?
Il suffit de ne pas lire les commentaires. Ça me fait rire les gens qui sont sur les réseaux sociaux et qui se plaignent: “Vous n’imaginez pas l’enfer que j’ai vécu!” Ou ceux qui annoncent: “J’ai décidé de quitter Twitter.” À partir du moment où tu n’en fais pas partie, tu ne comprends pas le principe. C’est toi-même qui t’imposes cet enfer, quitte Twitter et ça ira mieux. Moi, ça n’existe pas dans ma réalité. Si on me dit qu’on parle de moi là-dessus, je m’en fous! Ça parle à qui, 10000 personnes? Ça n’a aucune incidence sur ma vie. Il y a un vrai problème quand on voit que des gens se suicident à cause de ça.

Benoît Poelvoorde face à son fils, incarné par Jules Lefebvre.
Benoît Poelvoorde face à son fils, incarné par Jules Lefebvre. © Caroline Bottaro

André, avec son engagement à toute épreuve, vous donne envie de vous lancer dans une révolution?
Je ne me retrouve pas du tout là-dedans. J’ai la chance de pouvoir m’exprimer, en rencontrant des médias par exemple, et d’avoir une nature extravertie. Ma femme dit: “En fait, t’en as rien à foutre de rien.” Alors non, je ne me fous pas de tout, mais je ne vais pas me préoccuper du qu’en-dira-t-on. Même si une part de moi est très angoissée sur certaines choses dont je ne parlerai pas parce que, en bon parano, j’ai peur qu’on les utilise contre moi. Le problème d’André, c’est que son sentiment de colère vient de son incompréhension. C’est le propre du complotiste: on ne le comprend pas, on ne l’écoute pas, tout se passerait mieux si c’était lui qui était responsable. C’est une boule de frustration. Et sa victime, c’est son enfant. Celui en qui il a confiance. Il en fait un soldat en lui disant que lui seul pourra les sauver… C’est d’un égoïsme! Il est d’une lâcheté effrayante, comme tous les gens qui mènent des batailles seuls. Comme ces voisins insupportables qui t’envoient des mises en demeure ou appellent les flics… À force, tu ne sais plus si c’est parce que tu as vraiment fait du bruit ou s’ils sont énervés parce que leur appartement est trop petit. Quand on pense à tous ceux qui deviennent fous parce que tu les as doublés ou ceux qui se lèvent un matin et vont tuer tout le monde… Tu réalises combien d’entre nous sont des bombes à retardement.

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Le jour où j’ai compris que le monde était divisé entre ceux qui mettaient encore des shorts et ceux qui mettaient des pantalons, j’ai tapé du poing sur la table en disant: “Moi aussi j’ai droit à un pantalon.”

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Vous venez d’un milieu ouvrier. Comme Émile dans le film, vous avez eu honte d’inscrire la profession de vos parents sur les fiches de renseignements scolaires?
Non. Ça ne m’est jamais arrivé, au contraire. Mon père était routier. Il m’avait inscrit dans un collège de jésuites très friqué. Le principe des jésuites c’est une école qui permet de donner les mêmes chances et le même enseignement à tous. Donc tu pouvais venir d’un milieu précaire et te retrouver avec des privilégiés. Je n’avais pas grand-chose à proposer de brillant ou de génial à des gamins qui étaient des fils de ministre… Et un jour mon père avait un problème de voiture, il a dû me ramener à l’internat en camion. Je suis arrivé tard le soir, assis dans la cabine. Le camion est entré dans la cour de l’internat, tous les élèves nous ont vus. En partant, mon père a klaxonné et je suis devenu la coqueluche de l’école! Je n’ai jamais eu honte de mes parents. C’est vers l’âge de 14 ans que j’ai commencé à tiquer. Pas par honte mais je me suis rendu compte de certaines choses.

Lesquelles?
Tiens, par exemple, ce sont mes grands-parents qui m’habillaient. Ma grand-mère m’a fait porter des shorts avec de très hautes chaussettes jusqu’à l’âge de 13 ans. Elle disait que seuls les adultes mettaient des pantalons. Le jour où j’ai compris que le monde était divisé entre ceux qui mettaient encore des shorts et ceux qui mettaient des pantalons, j’ai tapé du poing sur la table en disant: “Moi aussi j’ai droit à un pantalon.” Ce jour-là, j’ai senti un basculement chez moi.

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Le cinéma infantilise les gens, tout est fait pour que tu ne sois responsable de rien!

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Vous vous sentez “star”?
Je fais partie du “star-système”, bien que je déteste cette expression. On ne peut pas avoir un pied dedans, un pied dehors, ça ne marche pas. Je joue le jeu, je fais ce qu’on me demande. Par contre, si ça m’emmerde, je ne fais pas. C’est simple, si je fais quelque chose contre mon gré, je tombe malade. Beaucoup me demandent pourquoi je ne vis pas à Paris, mais je ne fais pas exprès, je ne peux pas quitter la ville où je suis né. De la même manière, je n’aime pas voyager et je suis plus heureux quand je ne le fais pas. On me dit souvent que j’ai de la chance, que je suis libre, mais pas du tout! Dans la vie, il faut savoir où tu es bien assis. Si tu connais bien ton fauteuil, la question n’est pas de savoir si le fauteuil est grand, petit, avec de beaux accoudoirs… La question c’est: est-ce que tu es sûr que c’est là que tu veux être assis ? Je peux être très à l’aise sur un tout petit siège alors que j’ai un gros cul ou – et pour ne pas qu’on me traite de grossophobe – avoir un tout petit cul et vouloir un très grand siège. J’essaie d’avoir la vie qui me convient le mieux. Comme dit José Garcia, tu ne vas pas te plaindre d’être connu, c’est toi qui as commencé, qui t’es montré le premier. Moi, j’ai de la chance, j’adore parler avec tout le monde, et si je n’ai pas envie qu’on me parle, je reste chez moi! Il faut dire aussi que ce métier ne favorise pas le temps de réflexion. On te dit quoi faire et tu dois le faire vite.

On a pris beaucoup de décisions à votre place?
Parce que je l’ai bien voulu. Dans ce milieu, tout le monde décide pour toi. Le cinéma infantilise les gens, tout est fait pour que tu ne sois responsable de rien! Sur un tournage, et c’est pour ça que tu peux devenir complètement con, on te demande à tout-va: “Vous voulez un verre d’eau?” Mais tu peux très bien te lever et aller le chercher toi-même! Sauf que, si on te fait ça à 22 ans, tu vas finir par trouver anormal qu’on ne t’amène pas quatre verres d’eau quand tu arrives. Et après, on te reproche de devenir une merde! 

C’est donc la faute des autres?
Oui, c’est le milieu, l’entourage qui te fait devenir comme ça. Après tu as besoin de cinq personnes pour prendre la moindre décision. C’est pour ça que tu vois des acteurs qui se déploient avec des cliques de huit, dix personnes derrière eux qui ne servent strictement à rien. Et quand tu leur demandes: “T’es qui toi?”, ils répondent: “Je suis un copain à machin qui bosse avec machin.” C’est formidable! Ça rassure les acteurs et, plus tard, ils se désolent et te balancent ce cliché: quand le succès n’est plus au rendez-vous, tout le monde te tourne le dos. Bah c’est de ta faute! Tu n’avais qu’à pas avoir tous ces gens inutiles autour de toi. D’ailleurs, ils ne tournent pas le dos puisqu’ils n’ont jamais été là pour toi. “Ah tu crois?” Bah oui je crois! Moi, je fais juste du mieux que je peux pour être heureux

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