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Arnaud Montebourg : «Déficit : l’Europe doit changer de cap »

INTERVIEW - Le ministre de l’Economie et du Redressement, Arnaud Montebourg, productif déclare aux « Echos » que « la croissance ne doit pas être entravée par la réduction des déficits » .

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Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie.

Par Guillaume de Calignon, Frédéric Schaeffer, Dominique Seux

Publié le 16 avr. 2014 à 20:42

Il y a dix jours, vous avez dit à Berlin que le problème du déficit était « accessoire ». Ce n’est plus le cas ?

Ma priorité, comme ministre de l’Economie, est de reconquérir des marges de manœuvre pour retrouver une croissance forte et le chemin du plein-emploi. Redresser les comptes publics n’est pas une fin en soi, c’est un engagement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. C’est aussi la garantie de notre souveraineté vis-à-vis des marchés financiers et enfin c’est ce qui permettra à l’Etat, aux entreprises mais aussi aux ménages d’emprunter à des taux bas. Nous allons mener la bataille de la croissance pour la France et l’Europe. Je vous rappelle que la zone euro est aujourd’hui la lanterne rouge en matière de croissance mondiale.

Entendons-nous, être un militant de la croissance, c’est d’abord être un militant de l’emploi. La crise économique se transforme en crise sociale et en crise politique avec un risque important d’extremisme des peuples européens.

Le plan d’économies ne risque-t-il pas de casser la croissance ?

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Cette stratégie de croissance ne doit pas être entravée par la réduction des déficits et la remise en ordre des comptes publics, même si celle-ci doit avoir lieu. Le gouvernement sera jugé par les Français sur la baisse du chômage et donc le retour de la croissance. Et, je vous rappelle que, sans croissance, le rétablissement des comptes publics sera extrêmement difficile.Il faut aussi dire aux Français que l’Etat emprunte aujourd’hui pour payer les salaires des fonctionnaires, pour financer les prestations sociales et même pour rembourser la dette. Le France ne crée plus assez de richesse pour financer son modèle social. Il faut donc assumer des économies et rétablir l’équilibre. La question est plutôt celle de savoir à quoi vont être utilisées les économies. Notre pays a besoin de soutenir ses entreprises, créatrices de richesses. C’est pourquoi, il y a des économies d’un côté et le pacte de solidarité et de responsabilité de l’autre dont une partie ira au soutien des entreprises. Une autre partie alimentera le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Il s’agit donc tout à la fois de rétablir la santé de notre appareil productif, et de remplir les carnets de commandes par une meilleure demande adressée aux entreprises.

N’avez-vous pas l’impression de donner d’une main ce que vous reprenez de l’autre ?

Le gel des prestations n’est pas une baisse, elle est une non revalorisation surtout en période de très basse inflation. Quant aux économies de la Sécurité Sociale, il n’y aura pas de limitation de l’accès aux soins, pas de déremboursements, pas de forfait ni franchise supplémentaire. C’est une lutte contre le gaspillage. Ces efforts sont à notre portée.

Vous êtes donc désormais d’accord avec l’objectif de 3 % de déficit public en 2015 ?

C’est un engagement de la France. Nous assumons nos responsabilités en ce qui concerne le déficit public. Nous lançons des réformes. Mais en échange, nous avons des choses à demander à Bruxelles. Nous souhaitons dans l’intérêt de l’Europe et de la France des contreparties à la baisse des déficits : que l’Europe change de cap tant sur la politique monétaire que sur le plan de la relance parles investissements. Où sont passées les promesses de l’Union européenne en matière de croissance ? Il serait temps que la Commission organise, stimule et relance enfin la croissance européenne. Nous sommes fondés à demander des mesures concrètes. Il faut aider les fantassins nationaux qui font l’effort de rétablir leurs comptes publics nationaux, par un appui aérien de la Banque centrale européenne (BCE). Nous ne pouvons pas, en tant qu’Etat-membre, prendre des décisions difficiles si nous ne sommes pas soutenus par des changements importants au plan de l’Union sur la politique monétaire !

Mais la BCE est indépendante...

La politique de change relève au contraire du Conseil de l’Europe. La banque centrale est alors chargée de mettre en œuvre un mandat politique. L’euro trop cher est donc un sujet politique. Nous souhaitons ainsi une réunion rapide de nos partenaires européens pour évoquer le sujet. Il faut baisser l’euro, engager une politique monétaire nouvelle, et non plus restrictive mais sur le modèle de celle de la Fed américaine. D’ailleurs la BCE ne respecte pas son mandat selon lequel l’inflation doit être proche de 2 %, puisque tout le monde s’inquiète du risque de spirale déflationniste. Elle a tellement lutté contre l’inflation que nous sommes en déflation ! Mario Draghi, dont il faut saluer les propos du week-end dernier, doit passer aux actes et faire baisser le cours de l’euro. Nous attendons une décision début mai lors de la prochaine réunion de la BCE. La politique non conventionnelle est la solution à nos problèmes. C’est ce que font Obama et Cameron. Leur politique budgétaire est dure mais leur politique monétaire est très souple.

Mais la France est-elle soutenue par ses voisins ?

Le FMI et les patrons de l’industrie en France et en Italie demandent à la BCE d’agir. Aujourd’hui, l’Union européenne est sur le fil du rasoir et ne remporte pas l’adhésion des peuples. Elle ne sera pas jugée sur des chiffres fétiches fixés dans les traités mais sur la baisse du chômage. Or, le bilan de la Commission européenne est ultra-négatif en matière de croissance. Depuis le début de la crise, le PIB américain a crû 10 % de plus que celui de la zone euro. C’est d’abord cet échec qui fait grimper le Front National. Il faut que l’Union européenne mène une politique de soutien à l’activité. La Confédération Européenne des Syndicats veut un plan d’investissements représentant 2 % du PIB par la Banque européenne d’investissement et la BCE. Nous y sommes favorables.

Avez-vous le soutien du gouvernement pour engager ce bras de fer ?

Il y a un Premier Ministre et une collégialité au gouvernement. Nous en avons discuté entre ministres, et notamment de la politique européenne. Il n’y a pas de parole personnelle dans cette affaire. Je vais installer auprès du Ministère de l’économie un Conseil pour la croissance et le plein emploi qui sera présidé par Jean-Paul Fitoussi et dont seront membres Peter Bofinger, conseiller d’Angela Merkel et Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Il mèneront le débat économique face à la Commission européenne pour convaincre celle ci de faire évoluer ses dogmes. Le budget et la monnaie sont les deux jambes de l’économie.

Guillaume de Calignon

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