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Valérie Pécresse relance le débat sur les augmentations de salaire

Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle, veut augmenter les salaires de 10%. Une mesure choc qui ne convainc pas les économistes.  

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La présidente du mouvement Libres, Valérie Pecresse devant des militantes de son mouvements le 28 Aout 2021 à Brive-la Gaillarde dans le sud ouest de la France

La présidente du mouvement Libres, Valérie Pecresse devant des militantes de son mouvements le 28 août 2021 à Brive-la Gaillarde dans le sud ouest de la France.

AFP - MEHDI FEDOUACH

Valérie Pécresse peaufine le volet social de son programme. La présidente de l’Ile-de-France, candidate à l’élection présidentielle, a martelé un message fort samedi 28 août à Brive-la-Gaillarde lors de sa rentrée politique: "La première dignité, c’est celle de pouvoir vivre de son travail. Pour cela, il faut que le travail paye." D’où sa proposition choc: augmenter le salaire net perçu par la majorité des Français d’au moins 10 % mais sans que cela ne coûte plus cher aux entreprises.

Quelle est sa recette? Concrètement, l’ex-ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, veut baisser les charges salariales, ce qui permettrait selon elle d’augmenter tous les salaires, dont le smic qui passerait à plus de 1.200 euros. Pour financer le manque à gagner pour l’Etat, elle veut repousser l’âge de la retraite à 65 ans, rendre dégressives les allocations-chômage ainsi que faire des économies sur l’assurance maladie.

Une solution miracle? Non pour l'économiste Gilbert Cette, professeur à Neoma business school: "C’est une réponse passéiste et économiquement dangereuse aux problèmes d’inégalités de pouvoir d’achat, avance-t-il. Le plus important, c’est que l’on donne aux Français les moyens de se former pour valoriser leurs ambitions et bénéficier de perspectives professionnelles. Etre au Smic est une chose, y rester durablement est bien pire." Autre bémol, le financement de la mesure. "Cette proposition est étonnante, car Valérie Pécresse dit vouloir financer les baisses de cotisations salariales via l’augmentation de l’activité, comme l’allongement de l’âge de départ à la retraite, poursuit l’économiste. Or, pour ne prendre que cet exemple, l’allongement de la période d’activité des Français doit avant tout servir à financer le système de retraite."

Le pouvoir d'achat, un thème de campagne

Quoi qu’il en soit Valérie Pécresse n’est pas la seule à vouloir s’attaquer à l’épineuse question de la revalorisation du pouvoir d’achat des Français. Ce devrait d’ailleurs être un thème majeur de la campagne, surtout dans le contexte où les boîtes du CAC 40 ont réalisé en 2021 des profits records alors que le salaire des Français a stagné pendant la crise sanitaire.

Dans le camp présidentiel, le mot d’ordre est connu: trouver des solutions qui n’alourdissent pas le coût du travail afin de pas pénaliser les entreprises et les emplois peu qualifiés soumis à la concurrence mondiale. Cela avait conduit le gouvernement à revaloriser en 2019, à la suite de la crise des Gilets Jaunes, la prime d’activité plutôt que le salaire minimum. Pour 2022, Emmanuel Macron pourrait faire des propositions pour booster les dispositifs d’épargne salariale (intéressement, participation) et l’actionnariat salarié. De quoi rééquilibrer son image de président des riches avec des propositions en faveur des salariés. En parallèle, la majorité prépare un tract pour la mi septembre pour mettre en valeur l'action du gouvernement sur le pouvoir d'achat à l'heure du bilan du quinquennat. Seront vantées la baisse des cotisations salariales, la disparition de la taxe d'habitation... 

A gauche, la piste privilégiée est une revalorisation du salaire minimum. Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France insoumise, le mieux placé dans les sondages (12 % selon notre sondage hebdomadaire de Harris Interactive), veut l’augmenter à 1.400 euros. Chez les Verts, Eric Piolle, le maire de Grenoble, candidat à la primaire, veut lui aussi augmenter les bas salaires de 10%. Côté socialistes, pas de montant annoncé. Mais le sujet sera mis sur la table via une négociation avec les syndicats. Enfin, la CGT, deuxième syndicat français, dit contestataire, souhaite le porter à 1.800 euros.

Enfin Marine Le Pen, la championne de l'extrême-droite prône la mise en place d'une allocation logement (APL) survitaminée. 

Pour tenter d'y voir plus clair, Challenges a interrogé François Fontaine, professeur d’économie à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

François Fontaine: "La hausse du smic peut devenir contreproductive".

Challenges - La hausse du smic est-il le bon outil pour revaloriser le pouvoir d'achat des Français à bas salaires?

François Fontaine - Le salaire minimum n'est pas un mauvais outil en soi: dans un marché du travail où les employeurs abusent de leur position de force et où les salaires sont anormalement faibles, il permet d'améliorer le pouvoir d'achat des bas salaires, d'appuyer leur consommation, et de réduire l'inactivité en rendant le travail attractif. Cependant, son efficacité diminue à mesure qu'il augmente car il renchérit le coût du travail pour des emplois où les employeurs sont justement sensibles à ce coût. Passé un certain niveau, augmenter le smic est contreproductif, cela accroît le chômage des moins qualifiés et réduit leurs heures.

Quels peuvent-être les effets néfastes de la hausse du smic?
Si, passé un certain niveau, l'augmentation du smic est contreproductive, la hausse du smic n'est peut-être plus l'outil adapté pour améliorer le pouvoir d'achat des salariés à bas salaires. En outre, si le pouvoir d'achat des salariés est mis à mal depuis des années, c'est avant tout en raison d'un marché du travail qui leur est très défavorable. Le taux de chômage des moins qualifiés est très élevé et leurs mobilités très limitées. Cela explique des salaires à l'embauche et des perspectives de progressions salariales très faibles.

La proposition de Valérie Pécresse est-elle une alternative à une hausse du smic?
En effet, elle ne parle pas de hausse du smic mais de hausse du salaire net, c'est-à-dire d'une baisse des cotisations. Or, il n'existe plus beaucoup de marge de manœuvre puisque les cotisations patronales sont pour ainsi dire nulles au niveau du smic. En effet, pour garder un coût du travail proche de celui de nos voisins, la France a consenti depuis les années 90 à une série d'exonérations de cotisations patronales autour du smic. Restent donc les cotisations salariales mais c'est l'ensemble des contribuables qui payerait ces exonérations supplémentaires, l'Etat devant compenser la baisse des ressources des organismes de sécurité sociale. Dans un contexte de réforme des retraites encore à venir, cela reste un exercice délicat.

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