Pourquoi Marco Polo nous fascine-t-il autant ?

Matthieu Garrigou-Lagrange s'entretient avec Thomas Tanase, docteur en histoire et spécialiste des voyageurs médiévaux, auteur de "Marco Polo", publié aux Editions Ellipses en 2016.

Avant d'en fasciner plus d'un par le récit de ses expéditions, Marco Polo était peut-être au fond le plus fasciné de tous. Émerveillé par la démesure de cette Chine qu'il découvre en travaillant pendant dix-sept ans au service du petit-fils de Gengis Khan, le dénommé Qubilay, il évoque avec enchantement les découvertes qu'il fit pendant ses voyages. En passant de la tombe des Rois Mages aux prodiges des "enchanteurs" et des "diables" jusqu'aux quatre mille bains artificiels et aux sublimes courtisanes de la ville de Quinsai, il atteint, au-delà de l'Orient, le "nouveau monde". 

Lorsqu'il revient dans sa Venise natale après un long voyage de vingt-quatre ans, il dicte le récit de son parcours à son compagnon de cellule, Rusticello de Pise, qui était aussi écrivain professionnel à la cour d'Angleterre. De ses souvenirs jetés sur le papier, il en tire l'un des plus grands livres de la civilisation européenne, "Le Devisement du monde", connu également sous le nom du Livre des merveilles. Mais savait-il qu'il s'adressait à un grand amateur de romans de chevalerie et de légendes héroïques ? 

Son récit ne se transformerait-il pas parfois en fable et en mystification ? Du peu de précisions qu'il donne des activités commerciales de la Chine, était-il vraiment un marchand ou plutôt un espion au compte de l'Occident ? Et de l'absence d'information dont nous disposons sur son enfance, nous en arrivons même à un ultime soupçon, et pas des moindres : Marco Polo a-t-il vraiment existé ?