Le topo

Nicolas de Staël en 2 minutes

En bref

Écorché de l’art moderne, travailleur acharné au service d’une sensibilité abstraite, Nicolas de Staël (1913–1955) est sans doute l’un des peintres les plus mystérieux du XXe siècle. Né dans une famille de militaires russes proche du tsar, sa carrière aura la fulgurance d’un météore, dont la course se terminera à Antibes, où il se suicidera à l’âge de 41 ans. Cette fin tragique occulte quelque peu la figure d’un artiste en constant questionnement, inspiré par la couleur et la lumière, fiévreux d’écriture comme de peinture. Une vie de romantique au XXe siècle.

Denise Colomb, Portrait de Nicolas de Staël dans son studio
voir toutes les images

Denise Colomb, Portrait de Nicolas de Staël dans son studio, 1954

i

Tirage argentique • Coll. particulière • © Christie’s Images / Bridgeman Images

Il a dit

« Je peins le plus souvent sans concept, sans écriture conceptuelle. Je ne peux avancer que d’accident en accident. »

Sa vie

Funeste présage ? Nicolas de Staël est né en 1914, alors que l’Europe s’apprête à entrer dans un conflit qui endeuillera le monde. Nicolas voit le jour à Saint-Pétersbourg (alors Pétrograd), ville des tsars, dans une famille de hauts militaires. La révolution bolchévique la contraint à l’exil et le jeune garçon, devenu orphelin en 1919, passe ses jeunes années à Bruxelles, chez ses tuteurs.

Nicolas de Staël met du temps à trouver sa vocation. L’art l’intéresse, le fascine, en particulier la peinture flamande. En 1933, il s’inscrit à l’École des beaux-arts de Bruxelles et découvre la peinture abstraite. À cette époque, elle fait encore figure d’avant-garde, l’époque étant dominée par un retour au réalisme social. De Staël cultive une passion pour les grands peintres modernes, Cézanne et Braque en particulier. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il voyage du Maroc à l’Italie, en passant par Paris où il s’installe avec sa compagne, Jeannine Guillou, peintre comme lui. Ce sont des années de travail acharné et de rage créatrice, l’artiste détruisant fréquemment ses œuvres.

Engagé dans la Légion étrangère puis brièvement mobilisé pendant la guerre, Nicolas de Staël retrouve la peinture en 1940. Il s’installe à Nice avec Jeannine, déjà malade. Le couple fait la connaissance de nombreux artistes dont Jean Arp et les Delaunay. Sa peinture prend à cette période une orientation plus abstraite. Les temps sont durs pour Nicolas et Jeannine, qui accueillent la naissance d’une petite fille, puis d’un fils.

Sous l’Occupation, Nicolas de Staël gagne Paris. Il peut compter sur le soutien de la galeriste Jeanne Bucher, qui croit en son talent et l’expose. Son style personnel s’affirme. Camaïeux de gris, écriture serrée, forts empâtements : De Staël se distingue parmi ses contemporains. Jeannine s’éteint, et le peintre se remarie dans la foulée (trois autres enfants naîtront de cette union).

Indépendant de nature, De Staël reste étranger aux Salons de son temps. C’est un sauvage, dont Georges Braque, qui aime sa peinture, est l’ami le plus proche. L’artiste commence seulement à vendre régulièrement ses œuvres, et les critiques s’intéressent à ce tempérament singulier. En 1948, le peintre est naturalisé français. Comme un retour au calme après des années traumatisantes, sa peinture s’éclaircit. Il entre dans la lumière comme une renaissance. Elle sera brève.

Dans les années 1950, l’artiste expose, explore de nouvelles techniques comme l’encre de Chine. De Staël devient à la mode. Il entre dans les collections américaines. Extrêmement productif, il peint notamment la série des Footballeurs, une toile qui renoue avec la figuration tout en conservant des qualités non figuratives. Installé dans le Midi, attiré par la couleur et la lumière, amoureux d’une nouvelle femme, le peintre entame les dernières années de sa vie. Bien que son œuvre connaisse le succès, il sombre dans le désespoir et se suicide en 1955, laissant une œuvre encensée à travers le monde.

Ses œuvres clés

Nicolas de Staël, De la danse
voir toutes les images

Nicolas de Staël, De la danse, 1946

i

Huile sur toile • 195,4 × 114,3 cm • Coll. musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, Paris • © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / ADAGP, Paris / Photo Adam Rzepka

De la danse, 1946

Cette composition en gris, de nature abstraite, conclut une période difficile pour Nicolas de Staël. Le peintre vient en effet de perdre son épouse, et se remarie presque aussitôt, superposant son deuil à un nouveau bonheur conjugal. Composée d’une association de teintes rouge brique et bleu-gris, De la danse demeure une œuvre noire, marquée par une gestualité brutale. Bien qu’elle soit non figurative, certains historiens (dont Jean-Louis Prat) ont souligné la dimension classique de cette œuvre. En effet, De Staël n’a jamais été un abstrait conventionnel. Passionné d’art et de littérature, il n’a jamais abandonné le sujet pour la forme.

Nicolas de Staël, Les Toits
voir toutes les images

Nicolas de Staël, Les Toits, 1952

i

Huile sur Isorel • 200 × 150 cm • Coll. musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, Paris • © Bridgeman Images

Les Toits, 1952

Il s’agit de l’une des peintures majeures de l’année 1952. Exposée à Londres, elle a dérouté la critique. L’œuvre se caractérise par sa monumentalité, et se compose de deux parties : un registre supérieur tout en modulations de blanc et de gris, et un registre inférieur qui évoque les tesselles d’une mosaïque. Une ligne, qui s’apparente à l’horizon, délimite les deux parties. Bien que non figurative, cette huile a été premièrement interprétée par le peintre comme un paysage, et plus particulièrement un ciel de Dieppe, avant de prendre le titre les Toits. Quoiqu’il en soit de l’exactitude du sujet, il s’agit bien d’une évocation les liens entre terre et ciel, entre ciel et mer.

Nicolas de Staël, Parc des Princes (Les Grands Footballeurs)
voir toutes les images

Nicolas de Staël, Parc des Princes (Les Grands Footballeurs), 1952

i

Huile sur toile • 200 × 350 cm • Coll. particulière • Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris

Parc des Princes (Les Grands Footballeurs), 1952

L’inspiration est venue à Nicolas de Staël à l’occasion d’un match de football au Parc des Princes en mars 1952. Il débute alors une série consacrée à ce thème sportif composée d’une quinzaine de toiles. Celle-ci est la plus ambitieuse. De Staël semble s’éloigner encore un peu plus de la non-figuration pour revenir vers le sujet et l’étude du mouvement. Cette œuvre a été vivement reçue lors de son exposition au Salon de mai, où De Staël s’est vu reproché d’avoir abandonné ses recherches sur l’abstraction.

Par • le 2 octobre 2023
Retrouvez dans l’Encyclo : École de Paris Nicolas de Staël

Vous aimerez aussi

Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...

Visiter la boutique
Visiter la boutique

À lire aussi