Quand la "culture du viol" se décline dans la presse internationale

Manifestante parisienne à la Marche contre les violences faites aux femmes, le 23/11/19 ©AFP - Alain Jocard
Manifestante parisienne à la Marche contre les violences faites aux femmes, le 23/11/19 ©AFP - Alain Jocard
Manifestante parisienne à la Marche contre les violences faites aux femmes, le 23/11/19 ©AFP - Alain Jocard
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En Suisse, en Côte-d'Ivoire et aux Etats-Unis, l'actualité est marquée par des affaires de viol qui suscitent débats et questionnements sur notre tendance collective à minimiser et banaliser ces crimes.

S’il fallait encore se convaincre que nos sociétés ont un problème avec le viol, et de fâcheuses tendances à le minimiser ou à le banaliser, on pourrait d'abord s’arrêter en Suisse.

On y lirait le passionnant dossier que le quotidien Le Tempsconsacre à un sujet "ultrasensible" qui agite la société helvétique : dans la capitale Berne, ce mardi, les sages du Conseil des Etats débattaient d’une réforme de toute la partie du code pénal consacrée aux infractions sexuelles. Et plus particulièrement, nous dit Fati Mansour dans son éditorial, au cœur de toutes les attentes et de tous les débats, il y a la redéfinition pénale du viol.

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Pour resituer le contexte, avec la télévision publique la RTS, il faut dire que le sujet défraie la chronique en Suisse depuis début août, depuis que la Cour d’appel de la ville de Bâle a largement atténué la peine prononcée en première instance contre un violeur sous prétexte, je cite les conclusions du tribunal, que la victime avait eu "un comportement provocateur, qu’elle avait envoyé des signaux contradictoires à son agresseur", qu’elle avait "joué avec le feu" le soir où elle a été violée, et que le viol avait été de "courte durée et n'avait pas laissé de séquelles physiques", précisons également que la jeune femme traumatisée a été violée ce soir-là par deux hommes.

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Un tel jugement, ainsi formulé, a suscité, on s’en doute, un tollé dans les milieux féministes suisses et en particulier dans les associations qui viennent en aide aux victimes de viol. Elles étaient venues en nombre, ce mardi à Berne, manifester devant le Conseil des Etats pour que ces soi-disant circonstances atténuantes incriminant les femmes et non leurs agresseurs ne soient plus accordées à ces derniers ; surtout, reprend Nora Foti du Temps, pour que la notion de consentement soit enfin intégrée à la définition juridique du viol. 

Dans l’article, une militante explique que la nouvelle définition proposée pour le moment par les sages de Berne prévoit de "maintenir une caractérisation du viol basée sur la contrainte, la violence, la résistance, alors qu’il est courant que les victimes soient en proie à ce que l’on appelle le freezing, un blocage total du corps" qui se protège en se déconnectant, en quelque sorte, pendant l’acte.   

Dans cette nécessaire réforme pénale, il s'agit, poursuit Fati Mansour, de sortir d’une vision du droit arriérée, qui n’applique pas les principes de la Convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes ratifiée par la Suisse en 2017. Le débat devra être tranché par les parlementaires suisses, qui sont très partagés sur toutes ces notions. Il en va pourtant d’une forme d’entrée dans la "modernité", conclut la journaliste du Temps, pour une Justice helvétique  appelée à "traduire l'évolution de la société, dans sa représentation des rapports humains".

Représentations du viol, à la Une des journaux également en Côte d’Ivoire où c’est un animateur de télévision qui est montré du doigt.

Et pour cause : lundi dans son émission de divertissement sur la chaîne privée NCI, l’animateur Yves de Mbella a jugé bon d’inviter un violeur multi-récidiviste présenté comme "repenti", et de lui demander, pour illustrer son propos et pour amuser la galerie, de rejouer, de mimer un viol sur un mannequin en plastique en lieu et place de "la go", la jeune femme agressé. 

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Le malaise est complet : on rit entre hommes, on s’amuse en sous-entendant que la victime du violeur pourrait être "excitée" à l’idée d’être agressée… et je vous épargne la suite de la démonstration, qualifiée de "glaçante" par Jeune Afrique tant elle banalise le viol et culpabilise les victimes en leur expliquant que si elles ne veulent pas se faire violer elles n’ont qu’à pas se promener seules la nuit, ni boire d’alcool ; car c’est bien connu : les hommes, eux, ne peuvent pas se contrôler. 

Heureusement, poursuit l’hebdomadaire, ce dérapage télévisé a suscité très vite "une vague d’indignation" contre Yves de Mbella, "un torrent de condamnation", dans une société ivoirienne où l’on parle de plus en plus ouvertement de ce fléau des violences sexuelles contre les femmes.

Le site d’info Abidjan.net égrène la suite des événements : les excuses de la chaîne NCI, celles de son animateur mis à pied pour 30 jours par l'équivalent ivoirien du CSA, jusqu’à sa convocation par la police et son placement en garde à vue : Yves de Mbella pourrait être déféré ce mercredi en vue d’une mise en examen pour flagrant délit d’apologie du viol. 

Preuve que les choses changent aussi en Côte d’Ivoire, constate Connection ivoirienne qui salue l’unanimité, pour une fois, qui a été exprimée par les citoyens et les institutions ivoiriennes, pour condamner cette "glaçante simulation".

Aux Etats-Unis,  une condamnation pour viol vieille de 70 ans vient d’être annulée.

Et pas n’importe laquelle, nous dit Newsweek : celle des "sept de Martinsville", sept hommes noirs qui avaient été condamnés à mort, et exécutés en 1951, reconnus coupables d’avoir violé une jeune femme blanche. Eh bien, après 70 ans de bataille judiciaire menée par leurs familles et par des organisations de défense des droits civiques, les 7 de Martinsville ont été graciés à titre posthume ce mardi par le gouverneur de l’Etat de Virginie, Ralph Northam :

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"Ces hommes, explique le gouverneur, ont été exécutés parce qu’ils étaient noirs, et ce n’est pas juste". Alors il leur accorde, à tous les sept le pardon de la Justice de Virginie. Il ne se prononce pas sur leur culpabilité ou non, mais il reconnaît comme l’explique The New York Times, que les sept de Martinsville n’ont pas bénéficié à l’époque d’un procès juste et équitable mais marqué par des biais raciste, avec un procès expéditif mené par un jury exclusivement composé d’hommes blancs. Le tout dans un Etat et à une époque, précise la chaîne locale WSLS 10, où tous les condamnés à morts étaient des hommes noirs. 

Vous avez entendu les applaudissements à l’annonce de ce pardon : pour les familles des sept c’est une victoire arrachée contre l’injustice et le racisme ; elle intervient cinq mois après que le même gouverneur Ralph Northam a pris une autre décision tout aussi historique : celle d’abolir la peine de mort en Virginie, une première pour un Etat du sud des Etats-Unis.

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