Rescapé des attentats du 11 septembre 2001 : "J'aurais dû mourir 50 fois ce jour-là"

Bruno Dellinger, rescapé des attentats du 11 septembre 2001
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Par Julien Pavy
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Le 11 septembre 2001, le Français Bruno Dellinger était au 47ème étage de la tour nord du World Trade Center. 20 ans après, il raconte l'horreur de cette journée.

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20 ans après les attentats du 11 septembre, nous avons retrouvé un rescapé, Bruno Dellinger, un chef d'entreprise français, dont le bureau se situait au 47ème étage de la tour nord du World Trade Center.

8h46, le premier avion percute la tour nord

Arrivé tôt ce matin-là dans l'immeuble, il se remémore les moments qui ont précédé l'impact du premier avion à 8h46 :

"Nous vivions dans le ciel dans le World Trade Center, dans un calme immense, contrairement au reste de la ville. J'ai contemplé la vue. Progressivement, deux de mes employés sont arrivés, puis j'ai consulté mes mails quand soudain, j'ai entendu le bruit strident des réacteurs, un bruit inouï qui dépassait l'entendement. Puis, il y a eu immédiatement l'impact sur la façade où était mon bureau, une vingtaine d'étages au-dessus. J'ai vécu en direct les façades qui s'écroulent, le bâtiment qui tangue de manière très très inquiétante (...) On sentait qu'on était au bord de la rupture. Ça a duré très longtemps, deux, trois minutes."

J'ai entendu le bruit strident des réacteurs, un bruit inouï qui dépassait l'entendement.
Marty Lederhandler/2001 AP
Les tours du World Trade Center en flammes le 11 septembre 2001Marty Lederhandler/2001 AP

La lente évacuation du bâtiment

Sans l'avoir vu, Bruno Dellinger pense aussitôt qu'il s'agit d'un avion, se souvenant qu'un appareil avait déjà frappé accidentellement l'Empire State Building par le passé. Ne voulant pas céder à la panique, il reste d'abord à son bureau, avant finalement de comprendre qu'il doit évacuer l'immeuble de toute urgence :

"J'ai eu l'intuition impérieuse qu'il fallait que je parte et je suis parti. J'ai croisé un groupe de gens qui prenait un escalier différent de celui que j'ai emprunté, qui sont morts. Et moi, je suis sorti à l'issue d'une descente qui a duré 50 minutes, très compliquée dans une chaleur épouvantable."

J'ai croisé un groupe de gens qui prenait un escalier différent de celui que j'ai emprunté, qui sont morts.

Survire aussi à l'effondrement des Tours

Bruno Dellinger en convient, sa survie tient à miracle : "J'aurais dû mourir à 50 occasions durant cette journée. Si j'étais parti dix secondes plus tard, je mourrais effectivement. A plusieurs reprises durant cette journée, il y a eu des choix importants à faire. J'ai fait l'expérience de ce qu'est l’étirement du temps, où on a un millième de seconde où ça s’écroule et vous avez l’impression d'avoir l'éternité devant vous pour tout analyser, et pourtant il s'est écoulé un millième de seconde. J'ai découvert la richesse et les ressources immenses de l'être humain qui, finalement, pour sa préservation, souvent, prend les bonnes décisions."

Si j'étais parti dix secondes plus tard, je mourrais effectivement.
Gulnara Samoilova/AP2001
L'effondrement de la tour Nord du World Trade Center le 11 septembre 2001Gulnara Samoilova/AP2001

Arrivé dans la rue, dans un état de sidération, Bruno Dellinger a dû ensuite affronter l'effondrement des tours :

"J'ai vu arriver cette espèce de monstre d'acier, de verre, de poudre, de ciment, de matière d'un demi kilomètre, et moi je me sentais très très petit devant ce monstre pareil qui était précédé d'un souffle qui nous a atteint d'une violence extraordinaire. Puis d'un seul coup, on a été engouffré dans cette histoire. J'ai alors fait une expérience qui me traumatisera très profondément : l'espace de quelques instants, tout est devenu plus noir qu'une nuit, et il n'y avait plus un bruit. Devant la démesure des éléments, mon corps a cru qu'il était mort. Toutes ces choses là : le bruit, les lumières, le son, ce sont des choses qu'on n'apprend pas, qu'on connaît dès la naissance. Mais quand elles sont remises en question par la force des événements, le corps, l'esprit ne comprennent plus. Terrorisé, j'ai essayé de respirer par un sopalin que j'avais, puis un officier du FBI est arrivé et m'a tiré à l'intérieur d'une agence bancaire où j'ai pu commencer à respirer."

L'espace de quelques instants, tout est devenu plus noir qu'une nuit, il n'y avait plus un bruit (...) Mon corps a cru qu'il était mort.

Une reconstruction psychologique "compliquée"

Traumatisé, terrorisé, Bruno Dellinger a attendu trois mois avant de revenir sur les lieux de la catastrophe. "Quand j'ai vu le reste de la façade qui était planté, droit, j'étais fière malgré tout qu'on ne nous ait pas avili au point de nous raser et qu'il restait quelque chose de notre fierté qui est restée debout."

Après le 11 septembre, il a fallu continuer à vivre, se reconstruire : "C'était très compliqué, car j'étais une boule de souffre, de douleur, parce que véritablement j'étais mort psychologiquement. Quand je me promenais dans la rue et que j'apercevais un signe de vie, le soleil qui brille par exemple, je me disais : c'est n'est pas possible car tu es mort, j'avais un fusible qui explosait dans la tête. Les signaux de vie ont commencé à réapparaître un mois, deux mois après : une bonne tomate qui a du goût, des choses toutes bêtes comme aller dans une piscine."

J'étais une boule de souffre, de douleur, parce que véritablement j'étais mort psychologiquement.
Graham Morrison/AP
Les ruines du World Trade Center après le 11 septembre 2001Graham Morrison/AP

Ses enfants lui ont permis d'aimer à nouveau l'humanité

Bruno Dellinger s'est remis à travailler, a écrit un livre ("World Trade Center, 47ème étage aux Éditions Robert Laffont") puis a eu des enfants. "Je détestais l'humanité qui m'avait à ce point si martyrisé. Mais avec l'arrivée de mes enfants, je ne pouvais plus la détester et au fond, ça ma fait basculer vers un champ totalement différent, celui d'un être humain normal. C'est pour ça que je dis que ce sont des barbares qui nous ont torturés, parce que je suis redevenu un être humain normal avec de la compassion, de l’émotion, de la tendresse."

Je détestais l'humanité qui m'avait à ce point si martyrisé.

20 ans après, l'amertume de voir les talibans revenir en Afghanistan

Les commémorations des 20 ans du 11 septembre – un chiffre symbolique – coïncide avec le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, pays qui avait servi de base arrière à Al Qaida pour perpétrer les attaques. Bruno Delinger a vécu cet évènement avec beaucoup d'amertume :

"Je ne conteste pas après vingt ans le bien-fondé de quitter l'Afghanistan. En revanche, les conditions dans lesquelles on quitte l'Afghanistan me sont très difficiles à avaler. A l'occasion du 20ème anniversaire de cette journée d'horreur, je trouve que c'est une lumière sinistre qui jette une ombre sur l'image que nous pouvons nous faire de nous-même. Et cela profondément, ça me touche, ça me blesse et ça m'indispose."

Les conditions dans lesquelles on quitte l'Afghanistan me sont très difficiles à avaler.

Bruno Dellinger témoigne régulièrement dans les médias et aussi dans les écoles pour raconter à une génération qui n'a pas connu le 11 septembre, l'horreur de cette journée.

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