♦ « À bout de souffle », Jean-Luc Godard, 1960 : sa liberté portée à l’écran

« Encore aujourd’hui, À bout de souffle est d’une modernité incroyable. Le jeu atypique de Belmondo s’éloigne des grands de l’époque comme Jean Marais. C’est une explosion quelques jours avant qu’Alain Delon soit également porté à la connaissance du public avec Plein Soleil de René Clément.

Quatre ans après sa sortie du Conservatoire, À bout de souffle est un tremplin pour Bébel, qui tourne pour la deuxième fois avec Jean-Luc Godard après le superbe court métrage Charlotte et son Jules. Lui qui avait vécu la fin de sa formation comme un déchirement : sous les acclamations de ses camarades de promotion, en partie composée de la fameuse bande du Conservatoire, les professeurs, incrédules, ne lui avaient décerné qu’un simple accessit.

Et c’est justement cette liberté tant reprochée qui va lui permettre d’être révélé à l’écran. Tout le monde apprécie sa bonhomie. Pendant le tournage, Belmondo pensait que le film ne sortirait pas et c’est finalement lui qui a lancé sa carrière. »

♦ « Léon Morin, prêtre », Jean-Pierre Melville, 1961 : un séducteur en soutane

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« À l’origine, Belmondo ne voulait pas de ce rôle, il était convaincu que personne ne croirait à son personnage en soutane. Finalement il a accepté et ça a très bien fonctionné. Le tournage a tout de même suscité des tensions avec Jean-Pierre Melville. Et pour cause, le réalisateur ne supportait pas le voir arriver soutane sur le dos au volant de sa superbe décapotable et draguer sur le plateau, toujours avec ses habits de prêtre !

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Melville trouvait curieux que l’acteur ne se concentre pas avant de tourner comme le faisait sa partenaire de jeu, Emmanuelle Riva. Mais Belmondo jouait comme il était dans la vraie vie, il n’y avait pas de différence avant et après le clap. Enfin, il aurait bien utilisé des « antisèches », notamment pour les scènes dans le confessionnal, ce que Melville refusait catégoriquement. Malgré tout cela, Léon Morin, prêtre demeurera le film préféré de ses parents, et notamment de son père sculpteur, Paul Belmondo. Ils avaient même encadré une critique du film rédigée par François Mauriac et parue dans le Figaro. »

♦ « Un singe en hiver », Henri Verneuil, 1962 : Gabin rencontre Belmondo

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« Ce film est un passage de flambeau évident entre deux monuments du cinéma français : Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. Pourtant leur rencontre est compliquée, Bébel refusait de faire le petit jeune face à Gabin qui se demandait ce que ce dernier venait faire là. Deux mondes s’affrontaient.

Finalement, leur passion commune pour le sport les rapprocha. Dans le film, Gabin prononcera cette fameuse phrase : « Viens je t’embrasse. T’es mes 20 ans ». Et c’était réellement le cas, même si à l’époque ce n’était pas encore évident pour son cadet qui débutait tout juste. Mais il se souviendra toute sa vie de ce tournage. D’ailleurs sa dernière fille porte le nom de l’hôtel que Gabin tient dans le film : Stella.

Un singe en hiver a été vivement critiqué à sa sortie, mais ce fut le cas pour un grand nombre de ses films. Pour Les Morfalous d’Henri Verneuil (1984), on a même parlé de « massacre à la belmondeuse »… c’est dire ! »

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♦ « L’homme de Rio », Philippe de Broca, 1964 : Cascadeur dans l’âme

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« Dans L’homme de Rio, Belmondo s’éloigne des films de la Nouvelle vague, pour se rapprocher d’un genre plus léger et humoristique. Il va réaliser toutes ses envies de cascades. Enfant, déjà, il adorait faire des cabrioles, ce qui affolait sa maman. D’ailleurs, des années plus tard, cette dernière n’était pas tenue au courant des acrobaties que son fils prévoyait de faire.

Sur le tournage de L’homme de Rio, une réelle amitié va naître entre l’acteur et le cascadeur officiel Gil Delmare. Ils vont s’instruire l’un l’autre. Ils s’estimaient beaucoup. Cet amour pour les cascades a valu à Belmondo beaucoup de critiques, fruit d’un certain mépris pour ce métier. Mais il n’en avait que faire : pour aller d’une chambre à l’autre de l’hôtel, Belmondo trouvait plus simple de passer par la façade que par le couloir !

Le film a eu un grand retentissement, notamment aux États-Unis, où la femme du Président Robert Kennedy insista pour que son mari assiste à la séance. Ce qui n’a pas manqué d’avoir un grand retentissement Outre-Atlantique, en faveur du long métrage. »

♦ « Stavisky », Alain Resnais, 1974 : la rupture avec le cinéma intellectuel

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« Alain Resnais n’a su qu’à la fin du tournage que Belmondo produisait le film. Ce dernier ne voulait pas influencer le travail du réalisateur. Une fois porté à l’écran, Stavisky a essuyé beaucoup de critiques : un visage aussi sympathique que celui de Belmondo ne pouvait incarner un escroc !Mais ce dernier s’en est toujours défendu : le jeu d’un escroc ne peut pas fonctionner si sa malhonnêteté saute aux yeux.

Le film n’a pas remporté un franc succès. Il marque une rupture avec le cinéma intellectuel. En effet, Bébel va ensuite tourner des films plus grand public. D’ailleurs, c’est à ce moment là qu'il abandonne le projet d'interpréter le rôle principal pour Monsieur Klein de Joseph Losey (1976), c'est finalement Alain Delon qui l’endossera. Les carrières des deux acteurs sont intrinsèquement liées et malgré quelques désaccords, ils resteront de très bons amis. »

♦ « L’As des as », Gérard Oury, 1982 : l’hégémonie belmondienne

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« Durant cette période de la carrière de Belmondo, tous ses films font des scores insensés. L’As des as en fait partie au même titre que Le Guignolo de Georges Lautner(1980) et plusieurs autres. Il y avait une hégémonie certaine autour de Bébel : il faisait systématiquement l’affiche, c’était devenu une « marque de fabrique ».

Lorsque l’As des As sort en salle, il fait de l’ombre au film Une chambre en ville de Jacques Demy, ce sont les risques de l’industrie du cinéma. Plusieurs années plus tard, Belmondo regrettant que Désiré de Bernard Murat (1996) soit à l’affiche en même temps d’une grosse production américaine, verra les commentateurs de l’époque lui rappeler ce qui s’est passé au moment de la sortie de L’As des as

De plus, à cette époque, Belmondo est totalement l’acteur populaire dont on parle aujourd’hui, il aimait le contact. Il était en accord avec son public, ce n’était pas un jeu. Il parlait avec les gens. »

→ ENTRETIEN. Jean-Paul Belmondo, « acteur emblématique d’une certaine modernité cinématographique »

♦ « Itinéraire d’un enfant gâté », Claude Lelouch, 1988 : le grand retour

Belmondo : une vie en sept films et une pièce

« Ce film arrive après une période d’essoufflement. Itinéraire d’un enfant gâté signe donc le grand retour de Belmondo. Quelques moi auparavant, il avait tourné Le Solitaire de Jacques Deray (1987), « le film de trop qui n’ajoute rien à [sa] carrière », reconnaîtra-t-il dans une interview. La production de Claude Lelouch lui donne ainsi un nouveau souffle.

Belmondo incarne Sam Lion, chef d’entreprise élevé dans un cirque. Le personnage, lassé de la vie qu’il mène, décide de se faire passer pour mort. Belmondo aborde ainsi divers thèmes fondamentaux, tels que la mort, l’amour, la famille et la transmission.

Son interprétation lui vaudra le César du meilleur acteur. Récompense qu’il refusera d’aller chercher en rappelant qu’à sa sortie du Conservatoire, les professeurs ne l’avaient pas distingué. Malgré cela, la bande du Conservatoire composée notamment Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Françoise Fabian… resta unie. Et Belmondo a pu ensuite en rire, il savait rire de lui-même. »

♦ « Kean », d’Alexandre Dumas en 1987 au théâtre Marigny, mis en scène par par Jean-Paul Sartre : la renaissance au théâtre

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« Après 28 ans d’absence sur les planches, Belmondo renoue avec sa passion de toujours. Kean d’Alexandre Dumas est mise en scène par Jean-Paul Sartre au Théâtre Marigny. C’est sa renaissance, le retour à ce qu’il aimait vraiment, même s’il a évidemment apprécié le cinéma. En 1953, Belmondo était d’ailleurs venu voir Kean avec Pierre Brasseur dans le rôle-titre.

C’est lors d’un séjour de convalescence dans le Cantal durant son enfance qu’il avait découvert sa capacité à faire rire un public. Pourtant, la rencontre avec un ami de son père, acteur à la Comédie-Française, s’avère infructueuse. Après l’avoir entendu réciter la fable LeSavetier et le financier de La Fontaine, l’homme de théâtre conclut que l’enfant n’est pas fait pour monter sur scène… Après Kean, Belmondo se lancera à corps perdu dans le théâtre. On le verra également dans Cyrano de Bergerac ou des comédies de Feydeau… »

(1) Définitivement Belmondo, Laurent Bourdon, 2017, Ed. Larousse