Enlèvement de fiancées et mariages arrangés: en Asie centrale, des femmes n'acceptent plus ces "traditions"

Des manifestantes t à un rassemblement pour la protection des droits des femmes à Bichkek, le 8 avril 2021.

© VYACHESLAV OSELEDKO - AFP

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Par Jean-François Herbecq avec AFP

Au début du mois, un enlèvement suivi d’un meurtre a provoqué le tollé au Kirghizstan. Aïzada Kanatbekova, 27 ans, a été retrouvée morte par la police, deux jours après avoir été enlevée par trois hommes qui l’ont embarquée, ligotée, dans une voiture. Cet enlèvement avait été filmé par des caméras de surveillance et partagé sur les réseaux sociaux. La jeune femme a été kidnappée pour être mariée de force. Son ravisseur, et meurtrier présumé, a été retrouvé mort. La police pense à un suicide.

Cette tradition d’enlever les femmes pour leur imposer un mariage forcé est condamnée par l’ONU et les défenseurs des droits. Elle existait avant que le Kirghizstan devienne une république soviétique dans les années 1920 et a résisté aux tentatives des autorités soviétiques de l’éradiquer, en connaissant un nouvel essor après la chute de l’URSS en 1991.

L'enlèvement peut se faire avec consentement mutuel dans le cadre d’un rituel, mais de plus en plus souvent, il se fait contre la volonté de la "fiancée".

Selon le bureau d’ONU-Femmes à Bichkek, un mariage sur cinq dans ce pays pauvre de 6,5 millions d’habitants se fait après un enlèvement. Selon l’ONU, 14% des femmes kirghizes de moins de 24 ans se retrouvent dans une situation de mariage forcé. La plupart des victimes ne déposent pas plainte par sentiment de honte ou parce qu’elles sont découragées par leur famille.

La tradition existe également dans certaines régions du Kazkhstan.

Manifestations au Kirghizstan

Mais depuis peu, des femmes protestent. Des centaines de manifestants ont crié leur colère il y a deux semaines à Bikchek, capitale du Kirghizstan, avec des pancartes comme "Mettez fin aux féminicides !". Ils ont réclamé la démission du ministre de l’Intérieur et du chef de la police de Bichkek, accusant les forces de l’ordre d’inaction face à cet enlèvement. Ce dernier a démissionné.

"C’est impossible de rester tranquille et d’observer les violences que nos femmes, dépourvues de tous les droits, doivent subir", a déclaré à l’AFP la journaliste kirghize Makhinour Niïazova.

Le Premier ministre kirghiz Oulougbek Maripov a appelé les manifestants à "avoir de la patience", promettant que tous les responsables du meurtre seront traduits en justice. Le président kirghiz Sadyr Japarov a écrit sur Facebook que cet incident devait devenir "le dernier enlèvement de l’histoire" d’une femme pour un mariage forcé.

En 2018, le meurtre d’une étudiante en médecine, Bouroulaï Tourdaaly Kyzy, 20 ans, tuée par son ravisseur dans une station de police au moment où elle s’apprêtait à porter plainte contre lui, avait déjà provoqué des manifestations de milliers de personnes au Kirghizstan.

Une app contre l’enlèvement de fiancées

Pour s’attaquer au problème, une application a été développée avec des jeux de rôle montrant les situations critiques et comment s’en sortir.

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Sur YouTube, des vidéos en caméra cachées mettent en scène des enlèvements pour montrer qu’il est possible de réagir.

Selon un rapport du Kennan Institute, les rapts nuptiaux au Kazakhstan seraient dus au regain de nationalisme de ces 30 dernières années et à la promotion des rôles traditionnels des sexes, ainsi qu’à une sorte d’impunité pour les auteurs.

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