Smic jeunes : la France a-t-elle un problème avec ses salaires ?
La proposition du président du Medef de lancer un salaire minimum pour les jeunes, pour une durée transitoire d’un an, suscite des réactions très tranchées. Cette polémique peut cependant être utile et permettre de relancer le débat sur la question des rémunérations en France.
Thibaut De Jaegher
Faut-il supprimer le salaire minimum ? Doit-on alléger les charges sur les bas salaires ? Doit-on en passer par une modération forte en matière de rémunération pour relancer notre économie et surtout relancer la création d’emploi (à l'image de l'Espagne) ? Toutes ces questions, la France se les pose plus ou moins ouvertement. Concernant le SMIC, Pierre Gattaz, le président du Medef, a suscité la polémique hier en proposant d’instaurer un salaire transitoire d’une année inférieur au SMIC pour permettre aux jeunes de rentrer sur le marché du travail. Une proposition faite avant lui par les auteurs du livre "Changer de modèle" et par l’ancien directeur général de l’OMC, Pascal Lamy.
La bronca qui s’en est suivi (Laurence Parisot a fustigé cette proposition d’ "esclavagiste") ne doit cependant pas masquer le besoin que nous avons en France de poser la question des rémunérations. Notre pays doit accepter de s’interroger franchement sur son système salarial pour casser au passage certaines idées reçues.
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Exemples : Notre pays est réputé avoir des salaires trop élevés ? Faux : ce qui tombe dans la poche de monsieur-tout-le-monde reste faible comparé à l’Allemagne, l’Irlande ou au pays d'Europe du Nord (notre salaire médian nous place au 11e rang européen). La France a un coût du travail trop salé ? Vrai : quand un patron verse 100 euros de rémunération brute à un salarié, il doit payer auparavant 42 euros de charges sociales et son salarié 22. Et encore, si l'on voulait être juste, pour obtenir le salaire net-net, il faudrait retrancher l'impôt sur le revenu.
Salaire modéré, coût du travail trop élevé
Bref, la France est dans une situation contradictoire en apparence où le coût du travail est très élevé mais les salaires réels demeurent modérés. Cette situation génère frustration et incompréhension à tous les niveaux. Les salariés réclament des hausses de salaires face au grignotage lent mais réel de leur rémunération nette et de leur pouvoir d’achat. Les patrons sont frappés de pusillanimité en matière de recrutement face à la facture totale que représente une embauche. Quant à l'Etat, il continue à réaliser des allègements de charge sur les bas salaires (en espérant faire baisser le chômage) sans prendre conscience qu’il faudrait sans doute repenser notre système d’imposition beaucoup plus profondément : est-il normal lorsque l’on a 5 millions de personnes sans emploi de faire peser sur les salaires une grande partie de la fiscalité ?
De ci de là des voix appellent à un choc, à une déréglementation forte qui aboutirait, comme le suggère Pierre Gattaz, à une suspension du SMIC. Provocation ? Sans doute un peu. Mais elle révèle finalement la fatigue d'un nombre croissant d'acteurs qui ont apprécié les paroles du président sur les baisses de charges mais attendent désormais des actes, des faits et des résultats (ils vont arriver avec les premiers versements du crédit d'impôt compétitivité emploi en mai). Le gouvernement estime qu'avec 30 milliards d'euros d’allègements ou de transfert de charges, le travail est fait pour abaisser le coût du travail en France. Ce n’est certainement qu’une étape. Pour soulager réellement l'industrie, il faudrait presque doubler la mise.
Thibaut De Jaegher
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