Près de Toulouse. Il refuse l'accès à un ambulancier sans pass sanitaire : "Il m'a cassé deux côtes"

Alexandre Hagenauer-Létang, agent des services hospitaliers au centre de dialyse de NephroCare à Muret, près de Toulouse, a été agressé pour un pass sanitaire. Témoignage.

Alexandre Hagenauer-Létang s'est fait casser deux côtes lors d'une altercation avec un ambulancier sur son lieu de travail à Muret (Haute-Garonne), près de Toulouse.
Alexandre Hagenauer-Létang s’est fait casser deux côtes lors d’une altercation avec un ambulancier sur son lieu de travail à Muret (Haute-Garonne), près de Toulouse. (©DR)
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« Je ne faisais que mon travail ». Deux semaines après son agression sur son lieu de travail, Alexandre Hagenauer-Létang reste dans l’incompréhension. Pour avoir demandé à un ambulancier de présenter un pass sanitaire valide, vendredi 3 septembre 2021, cet agent des services hospitaliers (ASH) a eu droit à deux côtes cassées. « La C4 et la C5 ».

Si une procédure judiciaire est en cours, ce trentenaire employé au centre de dialyse NephroCare Occitanie à Muret, près de Toulouse, refuse de se taire. Et pour cause, il a l’impression qu’on essaie « d’étouffer cette affaire ».

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Le pass sanitaire au cœur de l’embrouille

Contacté par Actu Toulouse, l’ASH de 31 ans revient sur l’agression qu’il a subie :

"C'était entre 13 h et 14 h. Je suis au filtrage et, comme d'habitude, on prend la température des patients et des ambulanciers. On s'assure également qu'ils portent un masque propre et qu'ils se lavent bien les mains avant d'entrer. Depuis peu, nous devons demander le pass sanitaire".

Alexandre Hagenauer-LétangAgent des services hospitaliers à NephroCare Occitanie

Une nouveauté qui ne va pas enchanter tout le monde… 

« Il revient vers moi de manière très agressive… »

« Je tombe sur deux ambulanciers d’une même société. L’auxiliaire me présente son pass sanitaire sans difficulté. Quant à l’autre, titulaire d’un DEA (Diplôme d’État d’ambulancier, ndlr), il me répond qu’il n’a qu’une dose de vaccin et qu’il ne veut pas me présenter son pass car il n’y a qu’ici qu’on lui demande », témoigne l’ASH.

"Je lui rétorque qu'on ne vit pas dans le même monde car partout où l'on va, on nous demande le pass. Je l'invite alors à sortir avec le brancard pour trouver une solution. J'en trouve une immédiatement en le remplaçant par un autre ambulancier de la même société qui vient de déposer un patient".

Alexandre Hagenauer-Létang

La solution trouvée pour amener le patient, on aurait pu croire que l’affaire en serait restée là. Ce n’est pas le cas… « Quelques secondes après, voyant que j’ai réglé le problème, l’ambulancier revient vers moi de manière très agressive. Il me demande de lui faire rencontrer un cadre. Je lui réponds que c’est impossible à cette heure-ci et que, s’il le souhaite, il peut contacter le standard par téléphone ».

Coups de poing au thorax

Selon Alexandre Hagenauer-Létang, cette remarque n’a pas calmé les ardeurs de l’ambulancier. Au contraire. « Il continue à forcer le passage et s’avance très près de moi. Je pose ma main sur son torse, sans l’agresser ni l’insulter, et je l’invite à sortir des locaux. Il me répond alors : « Si vous n’enlevez pas votre main, je vous en colle une' », cite-t-il.

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Pensant qu’il ne s’agit que d’un coup de pression, l’ASH lui dit de le faire. « Il met ses deux poings en avant. Il va les reculer, prendre de l’élan au niveau de son thorax, pour les projeter sur mon torse ». Les coups partent instantanément.

Il recule d’un bon mètre et se rattrape tant bien que mal à une porte. « Sur le moment, j’ai du mal à respirer. Je trouve quand même l’énergie de lui dire : ‘Ça suffit, maintenant, dehors !’. Il m’écoute et quitte la pièce. Je pense qu’à ce moment-là, il savait qu’il était allé beaucoup trop loin », estime la victime.

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En arrêt de travail jusqu’à fin septembre

Dans la foulée, le jeune homme quitte son poste de travail pour aller aux urgences. Le verdict est sans appel : deux côtes cassées et une belle douleur. Puis vient le dépôt de plainte. « Dès le mardi de la semaine suivante, l’ambulancier était placé en garde à vue ». Les deux hommes se reverront le 3 novembre prochain au tribunal.

"Ce que j'attends du tribunal, c'est qu'il fasse le boulot de mon employeur et de celui de l'ambulancier. C'est-à-dire remettre en question le diplôme d'État de celui qui m'a agressé. J'aimerais qu'il s'explique sur son geste. Pourquoi a-t-il fait ça ? Je ne m'attendais absolument pas à recevoir des coups. Je ne faisais que mon travail ! Ce n'est pas moi qui ai décidé de mettre le pass sanitaire en place".

Alexandre Hagenauer-Létang

« Quand on a commencé à demander le pass, ça a agacé les ambulanciers. Chose que je peux comprendre. Moi-même, quand je vais au cinéma ça m’énerve un peu. Mais en arriver aux mains… Je ne comprends pas ! », s’insurge celui qui est en arrêt de travail jusqu’au 25 septembre minimum.

Encore choqué par l'incident, Alexandre Hagenaueur-Létang est inquiet à l'idée de retourner travailler.
Encore choqué par l’incident, Alexandre Hagenaueur-Létang est inquiet à l’idée de retourner travailler. (©DR)

Il regrette un manque de soutien de sa direction

« Aujourd’hui, j’ai une pointe quand je gonfle bien les poumons, quand je tousse ou je rigole », détaille-t-il. Mais au-delà de l’agression, il est choqué par le manque de soutien de sa direction.

« Ce qui me surprend dans tout ça, c’est que je n’ai eu aucune nouvelle de mon directeur. J’ai dû lui faire un mail en lui demandant de le rencontrer pour voir ce qu’il pouvait faire. Il a accepté ». Une rencontre qui ne sera pas à la hauteur de ses attentes :

"Il m'a dit qu'il était navré pour moi, mais qu'il ne voyait pas comment il pouvait m'accompagner dans tout ça. Il m'a expliqué que NephroCare France, le siège, ne voyait pas pourquoi il déposerait plainte…"

Alexandre Hagenauer-Létang

Une procédure judiciaire coûteuse

Pour que justice soit rendue, l’agent des services hospitaliers a dû déclencher une procédure. « C’est coûteux… J’ai tenté de joindre mon assurance pour voir si j’ai bien la protection juridique. Je l’ai, mais je ne peux pas en bénéficier car c’est dans le domaine du travail : je dois donc aller voir mon employeur. Problème, lui me dit que ça ne le regarde pas et que c’est du domaine personnel. Il y a un quiproquo autour de tout ça », regrette le trentenaire.

Pour ne rien arranger, il indique que l’Agence régionale de santé (ARS) n’avait pas été mise au courant de cet incident. « J’ai dû faire le signalement moi-même. J’ai le sentiment qu’on essaie d’étouffer cette affaire. Je ne comprends pas pourquoi ! »

"Je ne peux pas me taire et ça ne peut pas passer à la trappe. Dans tout ça, je pense à mes collègues. S'ils se font agresser, on va leur dire : 'Nous sommes désolés mais nous ne pouvons rien faire d'autre' ?"

Alexandre Hagenauer-Létang

« Qu’aurait-il pu se passer dans les bureaux ? »

Encore choqué par l’agression, Alexandre Hagenauer-Létang est inquiet à l’idée de retourner travailler, « de le recroiser (après l’incident, l’ambulancier s’est représenté à NephroCare Occitanie, ndlr) et de ne pas avoir le soutien des cadres ».

"Honnêtement, ça me rebute un peu de travailler pour des gens qui ne s'intéressent pas un minimum à l'humain. Ce n'était pas que pour moi que j'ai empêché de faire rentrer cette personne. Il voulait voir un cadre mais dans l'état dans lequel il était… Qu'aurait-il pu se passer dans les bureaux ?"

Alexandre Hagenauer-Létang

NephroCare Occitanie se portera partie civile

Au lendemain de la parution de notre article, vendredi 17 septembre, NephroCare Occitanie a publié un communiqué de presse en soutien à leur collaborateur. L’établissement condamne cet acte de violence « inadmissible » et annonce une série de mesures :

  • « L’établissement a tenté de porter plainte à 3 reprises auprès de la gendarmerie, ces plaintes ont été déclarées irrecevables l’établissement n’étant pas la victime directe de l’agression
  • L’établissement se portera partie civile lors du procès du 3 novembre
  • L’établissement a contacté l’employeur de l’ambulancier et lui a strictement interdit à l’accès à ses locaux
  • L’établissement a alerté l’Agence Régionale de Santé
  • L’établissement a mis en place des Vigiles pour assurer la sécurité de ses employés
  • L’établissement propose à son collaborateur un soutien psychologique
  • L’établissement propose à son collaborateur de prendre en charge ses frais d’avocat liés à la procédure pénale engagée contre son agresseur ».

S’il maintient les propos sur son employeur, Alexandre Hagenauer-Létang se déclare aujourd’hui « ravi » de recevoir le soutien de sa hiérarchie.

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