Larry Romanoff, le faux nez de l’opération de désinformation chinoise sur le Covid-19

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Larry Romanoff, le faux nez de l’opération de désinformation chinoise sur le Covid-19

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Photo de Larry Romanoff publiée dans le Calgary Herald en juillet 2001.
Photo de Larry Romanoff publiée dans le Calgary Herald en juillet 2001.
© Radio France - David MOLL / Calgary Herald

L’institut de recherche stratégique de l’École militaire, explore, dans un rapport dévoilé ce lundi par France Inter et Radio France, les puissants réseaux d'influence chinois. L'un des exemples est la stratégie de désinformation autour du Covid-19, à travers Larry Romanoff, prête nom et faux chercheur.

Des opérations de désinformation à la technique bien rodée. L’Irsem, l’institut de recherche stratégique de l’École militaire, publie ce lundi un rapport de 650 pages, d’une ampleur sans précédent, sur les gigantesques réseaux d’influence de la Chine dans le monde. Ce travail, que France Inter et la rédaction internationale de Radio France ont pu consulter en avant-première, dévoile plusieurs opérations de désinformation. Comme l’étrange histoire de Larry Romanoff, un prétendu scientifique canadien, qui a servi à légitimer le discours de la Chine sur une origine américaine du Covid.

Un faux chercheur ?

Début mars 2020, alors que la pandémie commence à exploser sur la planète, plusieurs officiels chinois lancent un contre-feu : ils affirment que le virus proviendrait en fait des États-Unis. Pour appuyer leur argumentation, tous se réfèrent aux travaux d’un prétendu Larry Romanoff, présenté comme une source neutre, un enseignant en MBA, professeur invité à la prestigieuse université Fudan de Shanghai. Le fait est que lors des semaines précédentes, Larry Romanoff a posté des dizaines d’articles sur le coronavirus, essentiellement sur le site canadien Global Research, aux accents souvent conspirationnistes.

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Très vite, écrit le rapport de l’Irsem, l’Internet chinois présente Romanoff comme un scientifique de renommée mondiale. Seulement voilà, Romanoff n’existe pas dans les registres de l’université Fudan. Personne n’a jamais réussi à le joindre. Et le journal russe Pravda a publié des articles de lui en les accompagnant de photos d’Ernest Hemingway ! De là à croire qu’il n’existe pas du tout, il n’y a qu’un pas. Mais ce serait une erreur. Les auteurs du rapport ont retrouvé sa trace. Il existe bel et bien. Et son parcours est assez étrange.

Prête-nom

Romanoff est canadien, il apparait d’abord à Calgary dans l’Ouest du Canada. Où il est arrêté en 1995 pour un trafic de timbres. Ensuite, toujours à Calgary, il monte une entreprise d’importation de produits asiatiques (Trésors d’Orient), en particulier de jouets et de CD de chorales d’enfants de Hong Kong. Il fait même l’objet d’un article dans le journal local en 2001 (voir notre photo).

En 2005, il disparait. Et réapparait en 2008 à Shanghai où il se présente comme un homme d’affaires. Il possède un site internet, bearcanada.com qui reste longtemps une coquille vide avant de devenir une plateforme de propos conspirationnistes anti-américains et pro-chinois. Les articles sont signés Larry Long ou Long Xinming, des noms qui, en idéogrammes chinois, s’écrivent comme... Larry Romanoff. Puis il redisparait de 2013 à 2019, avant de refaire surface via un nouveau site, moonofshanghai. Ce sont ensuite les articles de début 2020 qui accuse les États-Unis sur le Covid.

Selon les auteurs du rapport, Romanoff, qui serait âgé aujourd’hui de près de 80 ans, n’a donc strictement rien d’un médecin ou d’un professeur renommé. Il a juste servi de façade à une opération de fake news. Et ça n’a duré que quelques jours : fin mars 2020, Romanoff a redisparu. Mais quelques jours ont suffi et la thèse de la conspiration s’est diffusée partout dans le monde.

Cette histoire vient aussi appuyer un autre point mis en évidence par ce rapport : souvent dans les opérations de désinformation chinoises, il y a des personnes en chair et en os de l’autre côté de l’écran, pas des robots.

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