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Migrants aux États-Unis: expulsions massives au Texas, Mexico demande l'aide de Washington

Le gouvernement américain a commencé à expulser massivement vers leurs pays d’origine des centaines de migrants, en majorité des Haïtiens, qui s’étaient rassemblés dans un campement improvisé au Texas ces derniers jours. Ce lundi 20 septembre, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a exhorté Joe Biden à travailler main dans la main avec le Mexique et les pays d’Amérique centrale pour contenir la migration autrement que par les arrestations et les expulsions de personnes.

Des gardes frontières américains à cheval tentent de stopper des migrants haïtiens d'entrer dans un campement sur les rives du Rio Grande près du pont international Acuna del Rio à Del Rio, au Texas, le 19 septembre 2021.
Des gardes frontières américains à cheval tentent de stopper des migrants haïtiens d'entrer dans un campement sur les rives du Rio Grande près du pont international Acuna del Rio à Del Rio, au Texas, le 19 septembre 2021. AFP - PAUL RATJE
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L'image a beaucoup fait réagir aux États-Unis, souligne notre correspondant à Houston, Thomas Harms. Un garde frontière américain semble fouetter un migrant haïtien qui tente de mettre les pieds du côté américain après avoir traversé le Rio Grande. Elle est issue d’une vidéo tournée par Reuters dimanche 19 septembre à la frontière entre le Mexique et le Texas, à Del Rio. Des Haïtiens apeurés qui courent dans l’eau à proximité de chevaux montés par des gardes frontières. Avec son lasso, l’un d’entre eux fait un geste vif en direction d’un des migrants Haïtiens, il semble qu'il essaie de le charger ensuite. Sur une autre photo, il l’agrippe fermement.

Dès sa diffusion, la vidéo a essuyé une flot de critiques ce lundi. L’élue démocrate Ilhan Omar, arrivée aux États-Unis en tant que réfugiée de Somalie, a condamné une violation pure et simple des droits de l’homme.

« Pas en ligne avec la politique de l'administration Biden »

Interrogée sur le sujet, la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki a du réagir : « Nous venons de voir cette vidéo. C’est horrible à regarder. J’ai besoin de plus d’informations là-dessus. Mais toute situation où un individu est traité de façon inhumaine, à nos frontières ou ailleurs, n’est pas en ligne avec la politique de l’administration Biden. Et je ne pense pas que quiconque a vu cette vidéo peut considérer que c’est admissible ou approprié. »

De leur côté, le directeur de la sécurité américain Alejandro Mayorkas et Raul Ortiz, le chef des gardes frontières, qui a longtemps travaillé à Del Rio, ont aussitôt assuré qu’une enquête interne serait mise en place.

Des représentants de la diaspora haïtienne ont eux aussi réagi, comme la présidente de l’Haitian Bridge Alliance Guerline Jozef, et demandé l’arrêt des expulsions. Car, disent-lis, « le monde désormais regarde les États-Unis ».

► À écouter : Migrants de Del Rio: «Haïti n’a pas les moyens de les accueillir»

« Vous allez perdre de l’argent et échouer »

Cette image choquante intervient alors que le gouvernement américain a commencé à expulser massivement vers leurs pays d’origine des centaines de migrants, en majorité des Haïtiens, qui s’étaient rassemblés dans un campement improvisé au Texas ces derniers jours. Ils avaient traversé clandestinement la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Depuis le début de l’année, plus de 147 000 migrants ont été interceptés au Mexique alors qu’ils se dirigeaient vers la frontière. Côté américain aussi, on atteint des chiffres record d’interpellations de migrants centraméricains et haïtiens, au rythme 200 000 par mois cet été.

Au sud du Texas, 600 agents fédéraux sont désormais dans la région de Del Rio, où le camp sous le pont frontalier est en train d’être vidé. Quelque 6 500 migrants ont été soit expulsés ou soit envoyés dans d’autres centres ces derniers jours, dont 3 000 ce lundi. La dizaine de milliers restant va être transférée dans la semaine. Chaque jour, un à trois avions seront affrétés pour se rendre à Haïti. Le directeur américain de la Sécurité Alejandro Mayorkas en visite à Del Rio a réitéré le message de fermeté de l’administration Biden. 

« Nous sommes très inquiets que les Haïtiens qui suivent cette voie d’immigration illégale reçoivent des fausses informations sur la prétendue ouverture des frontières ou sur l’accessibilité du statut de protection temporaire pour tous les Haïtiens, a déclaré Alejandro Mayorkas. Seuls les Haïtiens qui sont arrivés sur le sol américain avant le 29 juillet sont éligibles à ce statut. Je veux être certain que tout le monde sache que si vous venez illégalement aux États-Unis, vous serez expulsés ! Entrer illégalement ne vaut pas le coup. Vous allez perdre de l’argent et échouer. Vous allez mettre en danger votre vie et celle de votre famille. Cette administration est engagée a développer une immigration légale, sûre et humaine mais ce n’est pas ainsi qu’on y parviendra. »

 À lire aussi : États-Unis: de l'autre côté de Del Rio, la détresse des migrants haïtiens bloqués au Mexique

Biden veut montrer sa « capacité à contrôler la frontière mexicaine »

Cette démonstration de force marque le début de l'une des plus grandes expulsions à grande échelle de migrants des États-Unis depuis des décennies. Pourquoi cette décision si soudaine de la part de l'administration de Joe Biden ?

« C'est une situation problématique car les États-Unis doivent accorder aux nouveaux arrivés la possibilité de demander l'asile avant de les expulser, explique Ernesto Castaneda, expert en immigration et professeur à l'Université américaine à Washington DC, joint par Sophia Khatsenkova, du service international de RFI. Joe Biden a sûrement ressenti beaucoup de pression de la part du parti républicain ainsi que du maire démocrate de Del Rio, qui trouvent que le président n'est plus capable de contrôler la frontière mexicaine. » 

« Depuis longtemps, le Mexique acceptait les renvois des migrants qui tentaient de venir aux États-Unis, poursuit Ernesto Castaneda. Aujourd'hui, le Mexique refuse de plus en plus d'accepter des migrants renvoyés des États-Unis. L'autre raison pour laquelle l'administration de Biden a décidé de renvoyer les Haïtiens par avion c'est pour qu'ils ne retentent pas de passer la frontière. Cela arrive souvent que des migrants renvoyés au Mexique retentent leur chance quatre ou cinq fois avant de réussir à franchir la frontière. La dernière raison pour ces expulsions : beaucoup d'Haïtiens pensaient être protégés par le TPS, un statut temporaire accordé aux ressortissants de certains pays en guerre ou victime d'une catastrophe naturelle, dont Haïti. Mais cet accord ne concerne pas les nouveaux arrivés. Donc c'est une autre manière pour Biden de décourager plus d'Haïtiens de tenter de venir. » 

Le plan de López Obrador : « De l'aide à 330 000 personnes en moins de six mois »

Face à cette crise, Andrés Manuel López Obrador est convaincu d’avoir trouvé un plan pour permettre aux migrants d’Amérique centrale de rester chez eux, au lieu de se lancer dans de périlleuses traversées pour finalement se faire arrêter et expulser par les États-Unis, rapporte Emmanuelle Steels, notre correspondante à Mexico. Le président mexicain en a fait part à son homologue américain Joe Biden, dans une lettre dont il a révélé le contenu ce lundi. 

« Il faut ordonner le flux migratoire pour éviter le désordre et garantir les droits humains, écrit-il. Mais ne nous pouvons pas nous limiter à appliquer des mesures de contention, et encore moins des mesures coercitives. »

Le plan mexicain consiste à demander à Washington de financer dans les pays d’Amérique centrale des programmes de formation et de soutien aux paysans, qui sont déjà un succès dans le sud du Mexique, selon López Obrador. « Nous pourrions apporter de l’aide en moins de six mois à 330 000 personnes, et celles-ci verraient avec espoir cette action commune », insiste-t-il.

Or, le président mexicain n’est pas à l’abri des contradictions. Il a lui-même ordonné le déploiement de plus de 20 000 de soldats aux frontières avec le Guatemala et les États-Unis pour contenir les migrants centraméricains et haïtiens qui, ces dernières semaines, ont organisé plusieurs caravanes vers le Nord. Des tentatives violemment réprimées par la Garde nationale et l’armée mexicaine.

À écouter : «La politique des Etats-Unis pour gérer la crise migratoire, c'est d'aider les pays sur place»

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