Le gaz hilarant ou "proto" s’invite depuis quelques années dans les soirées étudiantes et même chez les plus jeunes. Selon une enquête menée par Santé Publique France et publiée le 26 octobre 2023, 13,7 % des 18-24 ans en ont consommé au moins une fois dans leur vie (2 % parmi les 35-44 ans et 0,8 % pour les 65-75 ans).

Face à une augmentation significative de son usage sur leurs territoires, les Agences régionales de santé (ARS) Hauts-de-France et Île-de-France lancent ce jeudi 9 novembre 2023 "Le proto, c'est trop risqué d'en rire", une campagne de sensibilisation. À travers des spots audios et vidéos diffusés sur différentes plateformes (réseaux sociaux, radio, streaming musical...), ainsi qu'un site dédié, les ARS souhaitent informer et prévenir le jeune public sur ses nombreux dangers.

Prisée pour les courtes sensations d'euphorie qu'elle provoque, l'utilisation détournée du protoxyde d'azote expose en effet les consommateurs à des intoxications graves, parfois fatales.

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En septembre 2021, une jeune femme avait percuté et blessé grièvement quatre piétons sur les Champs-Élysées. Elle était soupçonnée d'avoir fait usage de gaz hilarant quelques minutes avant le drame. En 2018, un jeune homme de 19 ans, Yohan Grosdidier, était décédé lors d'une soirée entre amis. Également, les témoignages de jeunes souffrant de lourdes séquelles - parfois irréversibles -  à cause d'une dépendance au proto se multiplient dans les médias.

Qu’est-ce que le proto ?

Le protoxyde d’azote – plus communément appelé gaz hilarant – est un gaz que l’on retrouve dans certains produits alimentaires comme les siphons de chantilly. Il peut aussi se trouver en cartouches ou en bonbonnes. De moins en moins utilisé en médecine, il reste employé pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques

Depuis plusieurs années, son usage alimentaire ou médical a été détourné en usage festif notamment par les collégiens, lycéens et étudiants. En inhalant ce gaz, ces jeunes recherchent un effet euphorisant le temps de quelques secondes.

Selon l’Association française des centres d’addictovigilance, dans 50 % des cas, la consommation est quotidienne et peut parfois atteindre "plusieurs dizaines de bouteilles par jour". L’âge moyen du consommateur de protoxyde d’azote est de 25 ans, précise Santé Publique France.

Quels sont les risques de l'usage détourné du protoxyde d'azote ?

Inhaler ce gaz est très mauvais pour la santé. Il peut provoquer des effets indésirables plus ou moins graves : asphyxie, vertiges entrainant une chute, brûlure par le froid du gaz expulsé, désorientation, perte de connaissance. Addictovigilance alerte également quant à une prévalence de symptômes psychiatriques anxieux, thymiques et psychotiques.

Si ces effets sont facilement curables, une consommation régulière et en excès peut avoir un impact important sur l’organisme – notamment au niveau neurologique. Picotements, engourdissements ou faiblesses au niveau des différents membres peuvent être le signe d'une atteinte neurologique.

Une étude néerlandaise publiée le 23 mai 2020 confirme les dommages à long terme du gaz hilarant sur l’organisme. "Bien que cette étude porte sur un échantillon relativement petit (13 patients, ndlr), nous savons que la consommation de gaz hilarant est en augmentation. Nous savons maintenant qu'elle provoque une carence en vitamine B12, qui peut affecter la moelle épinière et entraîner des dommages permanents si elle n'est pas traitée rapidement", explique la Dre Anne Bruijnes, du Zuyderland Medical Center de Heerlen aux Pays-Bas.

La vitamine B12 – indispensable au bon fonctionnement du système nerveux – ne peut plus jouer son rôle, car elle est oxydée et inactivée par le protoxyde d’azote. L'hyperhomocystéinémie provoquée par l'altération de cette vitamine aurait des effets cardiovasculaires graves, et plusieurs cas "d’effets thrombotiques (syndrome coronaire aigu, embolie pulmonaire, thrombose veineuse profonde)" ont été rapportés, informe l'Association française des centres d’addictovigilance.

Les conséquences physiques peuvent aller des troubles de la sensibilité et de la marche aux douleurs chroniques, en passant par l'incontinence.

Effet indirect, la prise de risques associée au protoxyde d’azote a également pour conséquence des accidents de la voie publique potentiellement graves voire fatals.

Une vente plus encadrée

Face à un nombre croissant de jeunes utilisant le gaz hilarant à usage festif, le Parlement a adopté une loi le 25 mai 2021 interdisant la vente de ce produit aux mineurs que ce soit en ligne ou dans les commerces. Désormais, "provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs" est passible d’une amende de 15 000 euros stipule le texte de loi.

Cette loi découle d’un rapport de l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) publié en juillet 2020. Dans ce dernier, il est recommandé  de réglementer l’accès et l’étiquetage du protoxyde d’azote dans les contenants alimentaires, ainsi que d’améliorer la prévention sur les risques de ce produit.

Malheureusement, de nombreux établissements et notamment des boites de nuit proposent encore des ballons gonflés au protoxyde d'azote contre la modique somme de 10 euros lors de soirées. Une vente qui devrait être condamnée, elle aussi.