Lyon. Il défend sa copine et finit roué de coups à proximité de la place des Terreaux

Au lendemain d'une agression gratuite à proximité de la place des Terreaux à Lyon, un couple de Lyonnais pousse un coup de gueule contre la violence dans la rue. Témoignage.

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Florian, Lyonnais de 33 ans a été roué de coups par un groupe de jeunes vendredi 1er octobre au soir près de la place des Terreaux en plein centre de Lyon. Il voulait juste défendre son amie qui se faisait importuner. (©DR)
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Emma est aujourd’hui terrifiée à l’idée de sortir dans la rue… Vendredi 1er octobre au soir, la jeune Lyonnaise de 26 ans, cheffe de projet dans le marketing, rentre de soirée avec son copain Florian, 33 ans, ainsi qu’un couple d’amis. Dans le 1er arrondissement de Lyon, elle est abordée par un jeune homme, devant le PMU de la place des Terreaux.

« Je marchais avec ma une copine, nos copains respectifs se trouvaient à une trentaine de mètres devant nous, raconte-t-elle à Actu Lyon. J’ai été abordée par deux jeunes hommes que je qualifierais de « racailles ». L’un d’eux m’a accostée et a commencé à me draguer lourdement. »

Emma lui répond qu’elle est accompagnée et devant l’insistance du jeune homme, dont elle estime l’âge à 25 ans environ, elle rappelle que le harcèlement de rue est puni par la loi ».

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Le groupe d’agresseurs grossit à vue d’œil

Pour seule réponse, le jeune hausse un peu plus le ton. Emma se fait traiter de « sale pute » ! Elle accélère le pas, les deux hommes continuent de la suivre. Florian, le petit ami d’Emma, chef de projet en ingénierie, entend l’esclandre. Plutôt costaud, il s’interpose. Le ton monte, quelques coups sont échangés. Mais cela ne met pas fin au harcèlement.

Rue Constantine, les quatre amis continuent d’être suivis. L’agresseur le plus insistant « hurle dans la rue des « Nique-lui bien sa mère à ce fils de p… de blanc !« . « Je pense qu’il faisait ça pour rameuter d’autres jeunes qui zonaient dans le quartier », suppose Emma. De fait, le groupe de poursuivants grossit à vue d’oeil, de deux, il passe à huit.

Pluie de coups

La situation dégénère devant le LCL, à l’angle de la rue Constantine et du quai de la Pêcherie. « Ils ont fait tomber mon copain », poursuit Emma. Une pluie de coups s’abat sur le jeune homme. « Mon mec s’est pris des coups de pied sur le corps et sur la tête ». « Certains le frappaient et je suis sûre qu’ils ne savaient même pas pourquoi. C’était un véritable effet de meute, un acharnement gratuit », estime Emma.

Une fois le passage à tabac accompli, le groupe d’agresseurs se disperse aussi vite qu’il s’était formé.

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Les amis d’Emma appellent la police. En vain. « Ils n’arrivaient pas. Je les ai rappelés au bout de 20 minutes, précise Emma. Cinq minutes à attendre avant d’avoir une réponse au bout du fil. Les pompiers étaient déjà sur place ».

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Amertume et incompréhension

Une fois arrivés, 35 minutes après l'agression, j'ai demandé aux trois policiers que l'on monte dans leur voiture pour retrouver nos agresseurs qui ne devaient pas être bien loin mais ils n'ont pas voulu, déplore la jeune Lyonnaise. Ils m'ont dit qu'ils ne prenaient personne dans leur véhicule et ils se sont contentés d'une description.

EmmaPetite amie de Florian

Au surlendemain de cette triste soirée, Emma est toujours et se sent amère. Florian, lui, s’en sort avec de multiples hématomes, un beau coquard, une arcade ouverte et un sérieux mal de tête. « Il aurait été moins baraqué, cela aurait pu être plus grave, estime Emma. Il a encaissé les coups et a su se protéger avec les bras ».

« Les policiers n’ont pas pris notre plainte en direct, ils nous ont invités à le faire ultérieurement, regrette la Lyonnaise. J’ai l’impression, à les entendre, qu’il y avait une très grande lassitude chez eux. Les pompiers nous ont dit que ça arrivait quasiment tous les soirs. En partant, les policiers nous ont lancé : « Comme ça, vous savez pour qui voter ! »

« Comme ça, vous savez pour qui voter l’an prochain ! »

Une remarque qui fait réagir Emma. « ça me fait de la peine, ce n’est pas dans mes valeurs, mais ça en dit long sur l’état d’esprit des policiers ». La jeune femme poursuit :  « Quand je raconte que je ne me sens pas en sécurité dans ma ville, je me fais taxer d’extrême droite. Mais je ne fais pas de politique et je ne suis pas raciste. En revanche, quand j’entends les propos du mec qui a agressé mon copain en le traitant de fils de p… de blanc, ça c’est du racisme ».

Son petit ami Florian n’en est pas à sa première agression. Il y a quatre ans, il avait déjà été agressé par un groupe de jeunes place des Terreaux. « A l’époque, il avait déposé plainte, tout comme il va retourner le faire ce lundi, ajoute Emma. On lui avait expliqué que les caméras de vidéosurveillance étaient de trop mauvaise qualité pour identifier qui que ce soit et au final, les agresseurs n’ont jamais été retrouvés. C’est à croire que porter plainte ne sert à rien ».

« Je ne me sens plus la bienvenue dans ma propre ville »

Et Emma fait ce constat glaçant au lendemain de cette agression qu’actu Lyon s’est fait confirmer auprès de la mairie du 2e et de la police nationale : « Je ne me sens plus la bienvenue dans ma propre ville ». Cette impression est venue progressivement mais, selon elle, est flagrante « depuis la fin du confinement ».

« Cela fait des années que je sors à Lyon mais quand, avant, cela s’arrêtait à des paroles déplacées, aujourd’hui ce sont des coups. On est monté d’un cran. La violence n’est plus seulement verbale mais elle est devenue physique. Demain, ce sera quoi, des armes à feu ? »

Un Uber pour faire un kilomètre

La jeune femme, explique, comme nombre de ses amies, avoir été contrainte de « cartographier la ville ».

Aujourd'hui, quand je ne suis pas accompagnée, je prends un Uber pour rentrer chez moi quai Saint-Vincent, même si je ne suis qu'à un kilomètre ! Il y a des quartiers de Lyon dans lesquels je m'interdis de mettre les pieds en soirée car je ne m'y sens plus en sécurité du tout. La Guillotière, Bellecour, les quais du Rhône, la place Louis Pradel, la place des Terreaux... Il y a constamment de la faune et des dealers du côté de la rue Sainte-Catherine, des jeunes qui viennent intentionnellement pour chercher la merde. Les pentes de la Croix Rousse ? ça reste acceptable mais pour combien de temps ? A Vaise, qui n'est pourtant pas hyper réputé, je me sens plus en sécurité, c'est cosmopolite tout en étant plus familial, il n'y a pas le même état d'esprit.

EmmaLyonnaise domiciliée dans le 1er arrondissement

Pas assez de policiers le soir

Pour Emma, le problème réside en partie dans le fait « qu’il n’y a pas assez de présence policière le soir dans le centre de Lyon ». « Il y a des patrouilles en voiture, explique-t-elle, mais on les voit arriver à 100 mètres. Il devrait y avoir constamment quatre ou cinq policiers à pied place des Terreaux, ce serait bien plus dissuasif. Quand j’entends le maire de Lyon Grégory Doucet dire qu’il ne souhaite pas voir trop de forces de l’ordre dans les rues, ça me fait halluciner ! Parce qu’au final, il entretient cette insécurité et fait le jeu des extrêmes ! »

L’autre point regrettable, selon la jeune femme et son ami : « L’individualisme ». « J’ai observé la solidarité et l’esprit de corps qui existe entre ces petits voyous, elle n’existe pas chez les gens lambda. Quand mon copain s’est fait agresser, il y a eu des cris, des tas de gens ont vu ce qu’il se passait mais personne n’a bougé. En ne faisant rien, les Lyonnais, de toutes les couleurs, ne font que légitimer et acceptent passivement ce qu’il se passe. Une simple attention de quelques-uns portée à ce qui nous arrivait aurait pu être dissuasive ».

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