Société – Genève va légiférer contre les «thérapies de conversion»

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SociétéGenève va légiférer contre les «thérapies de conversion»

L’Exécutif genevois va rédiger une loi pour interdire les pratiques visant à «guérir» de l’homosexualité ou à «réorienter» un genre.

En Suisse, 14’000 personnes auraient suivi une «thérapie».

En Suisse, 14’000 personnes auraient suivi une «thérapie».

imago images / Geisser

Une semaine après le vote sur le mariage pour tous, un autre dossier sur le front de la cause arc-en-ciel avance. Le Conseil d’État genevois a confirmé son intention de légiférer sur les «thérapies de conversion». Il a rendu son rapport destiné au Grand Conseil sur une motion plébiscitée en mars. Celle-ci demandait notamment d’«interdire toutes les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre sur le territoire genevois.»

«L’homosexualité n’est pas une maladie»

«L’homosexualité n’est pas une maladie et ne nécessite aucune thérapie, statue le gouvernement. Pourtant, il existe encore aujourd’hui en Suisse des personnes prétendant pouvoir guérir l’homosexualité et qui proposent des thérapies de conversion et des thérapies de réorientation sexuelle.» L’Exécutif cantonal rappelle que le Conseil fédéral, en réponse à une motion en septembre 2019, avait indiqué qu’il condamnait fermement ces pratiques, mais n’entendait «pas légiférer sur la question». Entretemps, l’Allemagne a interdit ces «thérapies» pour les mineurs, ce qui a eu «pour conséquence de déplacer vers la Suisse les principales organisations les pratiquant.»

Outre le projet de loi, le Conseil d’État s’assurera aussi de l’existence d’espaces de reconstruction «pour les personnes qui auront eu à subir de telles pratiques». Enfin, comme le réclamait la motion, l’Exécutif adressera un courrier aux autorités fédérales et aux autres cantons, «afin de faire en sorte que cette interdiction puisse s’étendre à l’ensemble du territoire suisse».

Premier canton à interdire

L’auteur de la motion, le Vert Yves de Matteis, se dit «très content» que Genève devienne «vraisemblablement le premier canton à interdire ces pratiques»: «C’est bien aussi qu’il soutienne les structures qui s’occupent des victimes, souligne-t-il. Il y a des cas extrêmement lourds, des personnes qui ont suivi des séances hebdomadaires pendant des années, on n’en sort pas indemne. Pour certaines personnes, c’était il y a 20 ou 30 ans. C’est important qu’elles puissent se reconstruire.»

Fondateur en 2016 d’une structure de soutien, Adrian Stiefel, chargé de ministère et responsable de l’Antenne LGBTI Genève, bureau cantonal de l’Église protestante de Genève, avait notamment été auditionné dans le cadre des travaux parlementaires sur la motion: «J’ai moi-même vécu une de ces thérapies et j'accompagne des personnes qui sont passées par là. Cela entraîne une dévalorisation personnelle et une destruction identitaire profonde.»

Problème «protéiforme»

Tout comme Yves de Matteis, Adrian Stiefel relève qu’une des propositions de la motion, dont l’Exécutif ne parle pas dans son rapport, était la création d’un groupe de travail pluridisciplinaire «pour mieux définir la question de ces prétendues thérapies et mieux cerner un problème protéiforme»: «Ces pratiques ne sont pas toujours formalisées dans le cadre d’une thérapie, mais existent aussi dans un contexte religieux communautaire, par exemple lors de prières avec un pasteur, explique-t-il. Les dégâts d’un point de vue identitaire sont les mêmes que lors d’une thérapie de conversion. J’espère que le Conseil d’État va suivre cette recommandation.»

«Il aurait été bien de réunir toutes les personnes impliquées dans cette problématique, qui est complexe et qui touche à la santé mais aussi à un volet religieux, déclare Yves de Matteis. Mais cela n’empêche pas le Conseil d’État de consulter de manière ponctuelle les personnes que nous avions réunies sur une liste.»

Projet similaire dans le canton de Vaud

Le rapport est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine session du Grand Conseil, qui a lieu jeudi et vendredi. Quant à l’adoption concrète d’une loi, il faudra attendre plusieurs mois au moins. À noter que, dans le canton de Vaud, une motion similaire, déposée par le socialiste Julien Eggenberger, a été soutenue par une quarantaine de députés et renvoyée en commission en mars.

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