Éruption du volcan Nyiragongo en RDC : les conditions de vie des sinistrés toujours "tragiques"

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Par Glody Murhabazi

Quatre mois se sont écoulés depuis l'éruption soudaine du volcan Nyiragongo dans l'est de la République démocratique du Congo. Mais plus de 4.000 ménages qui ont vu leurs maisons consumées par la lave vivent toujours dans des conditions "misérables et tragiques".

Ceux qui ont trouvé refuge dans un site installé dans la cour de l'école primaire Kayembe, dans le territoire de Nyiragongo au nord de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, vivent toujours dans des abris de fortune, sans assistance alimentaire et encore moins sanitaire du gouvernement congolais.

Des familles sont entassées dans des maisonnettes et exposées aux maladies. Huit décès ont été répertoriés parmi ces sinistrés suite aux mauvaises conditions de vie, d'après la société civile locale. Cette dernière regrette l'inaction du gouvernement malgré le déploiement des délégations au lendemain de l'éruption volcanique survenue le 22 mai dernier.

Bien plus, se trouvant abandonnés et livrés à eux-mêmes, ces victimes de la catastrophe naturelle se livreraient maintenant au vol et à la prostitution pour survivre. Au moins cinq mineures sont tombées enceintes et une dizaine de jeunes ont été pris la main dans le sac, déplore la société civile locale qui interpelle les autorités.

"Le gouvernement abandonne ces sinistrés. Leurs conditions de vie ne sont pas totalement bonnes, ça fait même plusieurs jours que certains d'entre eux n'ont pas mangé. Nous comptons aujourd'hui au moins cinq jeunes filles de 14 ans qui sont enceintes et d'autres jeunes se livrent au vol pour survivre", déclare à la RTBF Jean-Claude Mambo Kawaya, président de la société civile du territoire de Nyiragongo.

"Les sinistrés commencent aussi à se battre pour la nourriture. Donc, vous comprendrez que la situation empire", poursuit-il.

Ces habitants qui manquent de tout témoignent que ça fait aujourd’hui deux mois qu’ils n’ont rien reçu de la part du gouvernement. Dans les maisons de fortune, on peut même retrouver des familles de plus de cinq personnes sur un espace d’à peine cinq mètres carrés.

Eliza Kubuya, une sinistrée cantonnée au site Kayembe, et sa famille
Eliza Kubuya, une sinistrée cantonnée au site Kayembe, et sa famille © Glody Murhabazi

"Si je suis ici, c'est parce que ma maison a été consumée par la lave au village Ngangi. Je suis mère de neuf enfants mais ici, je ne peux vivre qu'avec quatre et les cinq autres sont chez ma petite sœur. On se débrouille pour trouver à manger ici, et cela peu importe la nature de la démarche", confie Eliza Kubuya, une sinistrée cantonnée au site Kayembe.

Dans ces petits abris de fortune, plusieurs sinistrés dorment presque à même le sol. Les autorités ne leurs ont pas fourni de matelas alors que les intempéries sont nombreuses dans cette zone proche du Parc National des Virunga.

Quelle solution ?

Plusieurs aides évaluées à des millions de dollars américains ont déjà été mobilisées par le gouvernement à Kinshasa. L’une des dernières aides s'élevant à plus de 300.000 dollars américains a été offerte par la communauté Katangaise, avec à sa tête l’ancien gouverneur de la province du Katanga, Moise Katumbi.

Ce dernier s’est rendu sur place le 27 septembre dernier et a laissé entendre que l’utilisation de ces fonds en faveur des sinistrés n’était pas visible, appelant le gouvernement à plus d’efforts.

"Nous avions donné notre petite participation en termes de solidarité avec nos frères et sœurs du Katanga. Il y a eu une contribution de plus ou moins 300.000 dollars que nous avions donnée et aujourd’hui, j’ai amené des vivres. Ce que j’ai vu là, j’ai eu des larmes aux yeux, je me suis mis à la place de cette jeune maman avec quatre gosses dans une petite maison qui ne fait même pas dix mètres carrés. Donc le gouvernement doit fournir beaucoup d’efforts", a déclaré ce potentiel candidat à l’élection présidentielle de 2023.

 


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La solution désirée par ces milliers de sinistrés serait que le gouvernement les laisse reconstruire dans leurs parcelles, bien que dévastées par la dernière coulée de lave. C’est aussi ce que préconise la société civile, bien que le gouvernement demeure contre cette idée.

"Nous, en tant que société civile, on a donné des propositions et l’une d’entre elles est que le gouvernement laisse ces sinistrés regagner leurs parcelles respectives comme en 2002 par exemple. Aujourd’hui, le gouvernement est en train de retenir ces sinistrés dans les différents sites alors qu’il n’est pas capable de les prendre en charge", déplore Mambo Kawaya Jean-Claude.

Pour sa part, le gouvernement avait formellement interdit la reconstruction sur les sites consumés par la lave et envisagé la création d’une ville parallèle à Goma où ces milliers de personnes seraient délocalisées. Mais jusqu’à ce jour, la population n’a toujours rien vu venir.

Le président de la République, Félix Tshisekedi, a quant à lui chargé le génie militaire de construire des abris provisoires. Plus de 1000 abris ont été construits mais ils ne sont pas encore habitables. Mi-août, un vent violent a emporté une centaine de ces abris provisoires construits en bâches.

Des milliers de foyers s'entassent dans des tentes de fortune
Des milliers de foyers s'entassent dans des tentes de fortune © Glody Murhabazi

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