La Croix : Votre sondage montre que les Français souhaitent limiter leur consommation. La moitié d’entre eux se restreint déjà, notamment sur l’achat de vêtements et sur l’énergie. Est-ce une surprise ?

Éric Thuillez : Un peu, dans la mesure où la question de la sobriété est peu traitée par les médias et quasiment absente des tables rondes politiques. Il faut croire qu’une partie des Français est en avance sur nos institutions. La crise du Covid a sans doute joué un rôle dans cette prise de conscience. Certaines personnes ont découvert le temps long et se sont posé des questions sur ce qui était vraiment important. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact des derniers rapports sur l’écologie, tous très alarmants.

DOSSIER. Baskets, smartphones, couches... Comment vraiment consommer responsable ?

Pourtant, le souci de préserver l’environnement n’est pas la première motivation des sondés…

E. T. : L’écologie reste prégnante : pour 29 % des Français, c’est la première raison de moins consommer. Mais pour la majorité d’entre eux, la motivation la plus importante est la recherche d’un mode de vie basé sur la modération. Et, pour le coup, c’est une surprise ! Car notre société continue d’associer la consommation à la réussite.

Pour 30 % des Français, cette idée encore très répandue est même l’un des premiers obstacles à la sobriété. Beaucoup affichent également une volonté de conserver une liberté de consommation et de se faire plaisir, notamment en ce qui concerne les vacances et les loisirs.

Le manque de moyens financiers n’est-il pas lui aussi un frein à la surconsommation ?

E.T. : Il faut faire la distinction entre la sobriété choisie et l’austérité subie. La sobriété nous invite à poser des limites à l’exploitation de la nature, à la recherche de l’intérêt personnel, et à la satisfaction instantanée et infinie de nos désirs. Or notre sondage montre que cette volonté-là existe aussi chez les plus modestes, même quand ils sont par ailleurs empêchés de consommer l’essentiel en raison d’un faible pouvoir d’achat.

S’il y a un fossé, il est générationnel. Les moins de 35 ans et les parents d’enfants sont beaucoup plus familiers de l’autolimitation que les plus de 65 ans.

Reste un domaine dans lequel les jeunes refusent de se limiter : l’usage des réseaux sociaux, en partie peut-être par méconnaissance de l’impact environnemental du numérique. La sobriété représente cependant un enjeu majeur à leurs yeux : 31 % des 25-34 ans considèrent que cela devrait être un des sujets importants de l’élection présidentielle. Avis aux candidats…

(1) « Perception du concept de sobriété et pratiques de consommation ». Étude réalisée en ligne du 6 au 12 mai 2021 sur un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population habitant en France métropolitaine âgée de 16 ans et plus.