L’anti Sartre : épisode • 1/4 du podcast Raymond Aron, sans modération

Aron et Sartre le 20 juin 1979 ©AFP - Michel Clément
Aron et Sartre le 20 juin 1979 ©AFP - Michel Clément
Aron et Sartre le 20 juin 1979 ©AFP - Michel Clément
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Raymond Aron aurait souhaité être champion de tennis... pourtant, il est devenu sociologue, éditorialiste, et philosophe. Et toute sa vie, il emprunta une voie : celle de la modération. Mais peut-on être immodérément modéré, tout en étant engagé dans son temps ?

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Le 14 mars 1905, dans une famille de la moyenne bourgeoisie intellectuelle, naît le petit Raymond, celui que certains, des années plus tard, une fois devenu le grand Aron, n'hésiteront pas à ranger dans la catégorie "réac de droite", ou plus gentiment,  à critiquer pour son manque de laisser-aller.
Difficile pourtant de taxer Aron de constipation tant il a écrit, de l'histoire à la guerre, tant il s'est exprimé, sur le progrès ou la liberté, sans éviter les désaccords avec ses contemporains.
Toutefois, malgré ses presque 40 livres, ses dizaines d'années de journalisme, ses polémiques sur le totalitarisme communiste, mai 68 ou l'Algérie, Raymond Aron garde cette image en creux, en deçà, passive et faussée, désengagée, loin du fracassant Jean-Paul Sartre ou du pondéré Albert Camus.
Mais alors que la radicalité et sa non moins conforme alliée, la nuance, ont envahi le débat public, se trouve peut-être une autre voie, méjugée, celle tracée par Raymond Aron : la modération. Coûte que coûte. Au risque d'être inclassable. Mais après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas être immodérément modéré ?

L'invité du jour :

Pierre Bouretz, philosophe et directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, travaille au centre Raymond Aron

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Un inclassable penseur ?

Je pense que Raymond Aron était au fond plus philosophe que sociologue, et il était de droite, mais de quel type de droite ? Parce qu'il a quand même toujours eu des relations assez difficiles avec de Gaulle, et même déjà à Londres pendant la guerre. Il est inclassable... Et je me méfierais un peu de la notion de modération, parce qu'il savait prendre des positions d'engagement très fort dans des contextes très difficiles : comme son engagement pendant les années de la guerre froide, son engagement dans ce livre de philosophie qui s'appelle "L'opium des intellectuels".  
Pierre Bouretz

Un observateur de la réalité

Sartre a dit à Aron : "Tu as toujours peur de déconner", et au fond ça résume probablement assez bien la posture intellectuelle et politique de Raymond Aron dans un siècle où tant de gens ont dit des sottises, à commencer par Sartre lui-même. Il y a une formule de François Furet qui parle de sa magistrature analytique : Aron, personne ne le contestera, a exercé une magistrature intellectuelle très puissante, il a refusé la magistrature prophétique qu'incarnait Sartre, qu'ont incarné d'autres personnages de son temps, mais il n'était pas non plus un moraliste, il ne défendait pas un point de vue moral un peu tiède, sa magistrature, c'était une magistrature analytique, il n'a jamais cédé sur l'idée qu'il fallait commencer par analyser les réalités avant de tenir un discours sur ces réalités.  
Pierre Bouretz

Textes lus par François Raison :

  • Raymond Aron, Le Spectateur engagé, entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, éditions Julliard, 1981
  • Raymond Aron, L’Opium des intellectuels, chapitre IX “Les intellectuels en quête d’une religion”, “Destin des intellectuels”, 1955

Sons diffusés :

  • Mix de début d'émission par Louise André avec : une archive de Raymond Aron du 4 mai 1971 ; extrait du film Milou en mai (1990) de Louis Malle ; archive de Raymond Aron, 23 septembre 1983, dans l'émission Apostrophes, Antenne 2 ; musique de Thelonious Monk, Nice work if you can get it
  • Archives de Raymond Aron, 23 juin 1969, dans l'émission Radioscopie, France Inter
  • Archive de Dominique Schnapper, fille de Raymond Aron, Les Chemins de la philosophie, France Culture, octobre 2021
  • Archive de Raymond Aron, 12 décembre 1975, dans l'émission Parti pris, France Culture
  • Chanson des T-Rex, The Children of the Revolution
  • Archive de Jean-Paul Sartre, 1er janvier 1975, “Jean-Paul Sartre, autoportrait à 70 ans”, dans Les chemins de la connaissance, France Culture
  • Chanson de fin : Philippe Clay, Mes universités

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