En Afrique seuls 4% des adultes sont totalement vaccinés. Un terrible constat d’échec pour le dispostif Covax lancé il y a plus d’un an. En avril 2020, alors que l’épidémie de vaccin plonge le monde dans la paralysie générale, l’Organisation mondiale de la santé a pris l’initiative d’encourager un accès équitable aux moyens médicaux de lutte contre le Covid-19, et parmi eux le vaccin. L’idée était de mettre en place un mécanisme pour éviter une envolée des prix dans un contexte de crise.

Des bonnes intentions face au protectionnisme des États riches

Depuis sa création, le dispositif a recueilli plus de 9 milliards de dollars. Parmi les principaux donateurs, on retrouve les États-Unis, et de nombreux pays de l’Union Européenne comme la France ou encore l’Espagne.On compte aussi l’apport de fondations issues de la société civile telles que celle de Bill et Melinda Gates ainsi que la fondation de Greta Thunberg. Les intentions qui ont alors opéré à la création du mécanisme Covax étaient plus que louables, mais dans les faits, le mécanisme se grippe.

La situation actuelle est ambiguë d’un côté on a un mécanisme Covax de solidarité internationale et de l’autre on freine les initiatives de levée de brevets.

«Il a fallu attendre l’explosion des cas en Europe pour voir les premiers cas en Afrique», analyse Yap Boum Épidémiologiste représentant d’Epicentre, la branche de recherche de Médecins Sans Frontières pour l’Afrique à Yaoudé au Cameroun. «Toutes les vagues en Afrique viennent d’Europe même l’actuelle troisième vague actuellement en Afrique. Si on n’arrive pas à vacciner le monde entier, on laisse la possibilité de mutants qui pourront échapper aux vaccins actuellement sur le marché.» 

Au début de la pandémie, tous les pays devaient être concernés par le mécanisme de distribution équitable du Covax. La majorité des doses disponibles, rares à l’époque, avaient été pré-commandées par une minorité de pays riches dès février 2021, n’hésitant pas à tourner le dos à l’approche initiée par l’OMS. Covax s’est alors transformé en un mécanisme d’aide destiné uniquement aux pays «à revenu faible et intermédiaire».

Les limites d’une initiative fragile

Le Ghana et la Côte d’Ivoire ont été les deux premiers pays à bénéficier de ce mécanisme en Février 2021. Avec 90% de l’approvisionnement de Covax reposant sur l’Inde (producteur numéro 1 de vaccin avant la crise), la fragilité du système a été mise à nue entre Mars et Août 2021 avec des difficultés d’approvisionnement : l’Inde voyant la situation sanitaire intérieure se dégrader considérablement a interrompu toutes livraisons de vaccins à l’étranger. 451 000 personnes sont décédées des suites du Covid-19 dans le sous-continent. Et sur le continent africain, en plus des limites du dispositif d’approvisionnement, les campagnes nationales subissent les contraintes liées à la propriété intellectuelle.

Les dirigeants du G20 donneront ce qu’ils peuvent donner après avoir protéger leurs intérêts.

«La situation actuelle est ambiguë d’un côté on a un mécanisme Covax de solidarité internationale et de l’autre on freine les initiatives de levée de brevets. Cela reste dans un esprit néo-colonialiste. On doit tendre vers la levée des brevets, les transferts technologiques et en plus de ça un partage équitable des doses disponibles. Ces actions doivent être menées en parallèle. Les États africains et les institutions multilatérales africaines doivent pousser davantage pour qu’on puisse avoir cette indépendance sanitaire et sortir de la position d’attente de l’Occident. Les dirigeants du G20 donneront ce qu’ils peuvent donner après avoir protéger leurs intérêts», souligne Yap Boum, qui a dirigé plusieurs activités de recherche sur les maladies affectant l’Afrique telles que le paludisme, la tuberculose, le VIH, Ebola et Covid-19.

Des brevets toujours privés

De son côté, Emmanuel Macron en mai 2021 s’est dit «tout à fait favorable à ce qu’il y ait cette ouverture de la propriété intellectuelle», alors que son gouvernement, par l’intermédiaire de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, fustigeait jusque-là «une fausse bonne idée». Les négociations pour une levée des brevets sont toujours en cours. Enfin, alors que la France s’est engagée à fournir 60 puis 120 millions de doses dans le cadre du mécanisme Covax, le pays n’avait fourni que 4,3 millions en septembre dernier. Principalement des doses AstraZeneca, qui ne sont plus administrées en priorité dans le pays.

À peine 4 % de la population africaine est vaccinée contre 70% des adultes dans l’Union européenne.

À la fin de l’été, plus de 5 milliards de doses de vaccins avaient été administrées dans le monde. La majorité dans les pays riches. À peine plus de 2% des plus de cinq milliards des doses administrées l’ont été en Afrique. Au total, près de 160 millions de doses ont été reçues en Afrique, et à peine 4 % de la population du continent, est vaccinée contre 70% des adultes dans l’Union européenne. Une inégalité profondément inquiétante quand on connaît la puissance des variants.

À mesure que le temps passe, d’autres inégalités s’ajoutent, notamment entre les pays du continent africain. Alors qu’en moyenne, en Afrique, 4 personnes sur 100 sont entièrement vaccinées, on dénombre plus de 30 pays où moins de 5 personnes sur 100 ont reçu une première dose. Dans le top 5 des pays africains les plus vaccinés figurent trois états insulaires et deux pays d’Afrique du Nord, dont le Maroc qui va lancer sa campagne pour la 3eme dose. Mais dans près de la moitié des pays du continent africain, le pourcentage de personnes ayant reçu un schéma vaccinal complet reste inférieur à 2 %.

Yap Boum note que «Les pays africains ne sont pas resté les bras croisés. Il y a des accords bilatéraux pour pallier au mécanisme Covax, des accords multilatéraux via Africa CDC. C’est une question d’autonomie, et d’indépendance la crise sanitaire rappelle à quel point le continent est dépendant de l’Occident.»

Olorin Maquindus

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