Mars : il y a 3,6 milliards d’années, ce cratère était un grand lac de 35 km de diamètre

Les résultats des premières données envoyées par le rover Perseverance en mission sur Mars prouvent que le cratère Jezero a bien été un lac, il y a 3,6 milliards d'années.

De Margot Hinry
Publication 15 oct. 2021, 10:44 CEST
La couleur ajoutée à cette image permet de faire ressortir clairement le bord du cratère et ...

La couleur ajoutée à cette image permet de faire ressortir clairement le bord du cratère et de repérer plus facilement le rivage d'un lac qui s'est asséché il y a des milliards d'années.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Msss, Jhuapl, Esa

En 2020, le rover Perseverance a été transporté sur Mars dans le cadre de la mission « MARS 2020 » de la NASA en collaboration avec une équipe internationale. Cette mission a deux objectifs. D'une part, comprendre le climat ancien ainsi que la géologie de la planète rouge. D'autre part, essayer de trouver des traces « de vies passées qui pourraient être encore préservées » explique Nicolas Mangold, auteur de l’article portant sur les résultats de recherches et directeur de recherche au CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique (LPG).

Pour ce faire, le rover doit prélever des échantillons de roches à des fins d'observation et d'analyse. Une mission conjointe entre les États-Unis et l’Europe afin de rapporter sur Terre une quarantaine d’échantillons est en cours de préparation et prévue pour le début des années 2030. Ce seront les premiers échantillons martiens jamais rapportés sur notre planète.

Le choix de Jezero est le fruit d’études de terrain menées pendant plusieurs années par les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory de la NASA. Sa richesse géologique et son passé liquide en ont fait le candidat idéal pour accueillir le rover Perseverance. Jezero a été formé par une météorite il y a environ 4 milliards d'années. L’impact provoqua une dépression de 45 km de diamètre dans l'océan qui recouvrait autrefois le pôle Nord de Mars.

 

UN LAC IL Y A 3,6 MILLIARDS D’ANNÉES

Les scientifiques ont un temps douté de la présence d’un ancien lac au sein du cratère Jezero. Comme l’explique Nicolas Mangold, les premières images envoyées par Perseverance qui avait atterri à deux kilomètres de sa cible initiale, laissaient apparaître des gros blocs rocheux, qui permettaient de comprendre que l'ancien cours d'eau avait connu des épisodes « extrêmement mouvementés ». Pourtant, ces roches ne devraient pas se trouver là, au fond d'un delta. « Cette première observation nous a complètement chahutés. Cela remettait en cause la présence d’un lac » confie Nicolas Mangold.

Les recherches ont continué, jusqu’à l’observation de la butte de Kodiak. « C’est une butte qui faisait partie de ce delta, mais qui a été isolée par l’érosion. Elle nous montre des dépôts vraiment percutants. Là, [c’était] vraiment ce à quoi l’on s’attendait : l’endroit où l'eau de rivière arrive au fond du lac et dépose ses sédiments. À cet endroit, la stratigraphie est unique sur Mars. Jamais on a vu ce type de stratigraphie, qui ne laisse aucune place à l’interprétation ».

« On est à environ 100 mètres sous l’arrivée de la rivière » explique le scientifique. Le lac est 100 mètres plus bas que ce que prévoyaient les calculs des scientifiques, pour une profondeur de plusieurs dizaines de mètres. Le lac du cratère Jezero aurait mesuré 35 kilomètres de diamètres, au lieu des 40 kilomètres annoncés. « Ce ne sont pas des différences énormes, mais cela a quand même eu des conséquences [sur nos recherches]. Le lac tel qu’on l’observe aujourd'hui n’a pas de raisons d’avoir été ouvert vers l’extérieur. Un lac fermé, ça a des implications sur ce que l’on va observer ensuite avec le rover ».

Le lac aurait disparu suite à un changement hydrologique planétaire très violent. Les experts n'en connaissent pour l'instant pas la cause, mais savent qu’il a marqué la fin de l’activité hydrologique au sein du cratère Jezero.

La présence des fameux blocs rocheux présents au fond du delta qui avaient semé le doute s’explique par des épisodes de fortes pluies ayant eu lieu après la disparition du lac. « Après l’activité du lac, il y avait des pluies à hautes énergies avec un fort débit qui ont emporté ces blocs rocheux » confirme Nicolas Mangold.

Fournie par l'expérience d'imagerie haute résolution (HiRISE) à bord de l'orbiteur Mars Reconnaissance de la NASA, cette image aérienne capture une partie du cratère Jezero de Mars. Le point jaune en bas à droite indique l'emplacement du rover Persévérance de la NASA. Le reste du delta du cratère Jezero, que l'équipe scientifique appelle "Kodiak", se trouve en bas à gauche. Les longues pentes raides, appelées cicatrices, le long du delta sont en haut à gauche, marquées de A à D.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, University of Arizona, Usgs

OBSERVER LES PLUS PETITS DETAILS

Perseverance va chercher de la matière organique dans les sédiments pour ensuite les échantillonner et pouvoir les rapporter sur Terre dans le cadre de missions futures. « Trouver la vie qui a pu se former dans le lac, c’est un degré de complexité qui est largement supérieur à celui d'aller chercher la matière organique préservée dans les sédiments ». Malgré ses sept instruments embarqués et ses vingt caméras, il est très délicat de déterminer si oui ou non il y a eu de la vie dans ce lac, selon Nicolas Mangold.

Après cette découverte, le rover va explorer plus avant le fond du cratère Jezero « Il faut comprendre ces roches-là, […] avant d’aller plus loin sur le delta » explique le scientifique.  

Quand les roches auront été étudiées, le rover pourra partir à la conquête du cratère de bas en haut « pour explorer toutes les strates du delta ».

 

SUPERCAM A ÉTÉ PENSÉE PAR UNE ÉQUIPE FRANÇAISE

Pourquoi avoir installé autant de caméras ? « Les caméras, ce sont nos yeux. Il faut que l’on puisse voir à différentes échelles » affirme Nicolas Mangold.

Certains instruments sont positionnés au bout du bras de Perseverance « ils vont vraiment au contact, ils vont observer avec des résolutions de 10, 15, 20 [micromètres] » détaille Sylvestre Maurice, astrophysicien à l'université de Toulouse (CNES, CNRS).

Parfois, ce sont plutôt des caméras qui permettent d’observer à distance, comme les MasCam et SuperCam « elles regardent très loin, au bord du cratère ou à 2 ou 3 mètres, jusqu’au centimètre, voire millimètre ». Il y a aussi une caméra d’environnement qui sert de relai des données météo, et une autre qui sert de radar permettant d’estimer ce qu’il se passe autour du rover.

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    La caméra SuperCam a été pensée et conceptualisée par une équipe française de 300 personnes. Elle se compose de cinq techniques différentes lui permettant d’avoir un champ d’action très variée. « C’est un instrument qui est basé sur des lasers. Lasers rouges, lasers verts, il fait plein de choses et est un peu le couteau suisse français de la mission ! » explique le co-responsable scientifique de la caméra.

    Un des éléments novateurs de SuperCam est le microphone qui capte les sons de la planète rouge. C’est le premier à avoir été installé ; il permet aux Terriens d’entendre ce qu’il se passe sur la planète rouge et d’imaginer comment leur propre voix pourrait retentir sur place.

    « La mission est construite autour du retour d’échantillons. […] On en a fait trois jusqu’à présent. [On dispose] dans un tube des échantillons d’une dizaine de grammes. On va en faire une quarantaine, puis ils seront rapportés sur Terre un jour ». Afin de déterminer quels échantillons seront sélectionnés, SuperCam fait elle-même le travail de sélection et de contexte pour comprendre d’où provient cette pierre et quel est son environnement.

    SuperCam est en fait la version moderne de la caméra installée sur le rover Curiosity, en mission sur Mars depuis 2012. « En 2000, on est deux, on dessine sur un bout de papier. Après, on essaye de convaincre les agences, les labos, etc… Et puis in fine, cela a plutôt bien marché, même très bien ! Alors en 2014, on en a dessiné un autre qui était SuperCam » se souvient Sylvestre Maurice. La caméra est reproduite à l’identique, mais modernisée, « en ajoutant un autre laser pour faire vibrer les molécules. Puis on a ajouté l’infrarouge, qui est une sorte de signature thermique, ainsi que le microphone ».

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