Trop de vaccins au Nord, pas assez au Sud : fou, répugnant, dangereux selon l'OMS et le FMI

Vaccination au Népal : Alors que dans les pays pauvres, moins de 5% de la population est vaccinée, au Nord on accumule des stocks de vaccins au cas où... ©Maxppp - NARENDRA SHRESTHA
Vaccination au Népal : Alors que dans les pays pauvres, moins de 5% de la population est vaccinée, au Nord on accumule des stocks de vaccins au cas où... ©Maxppp - NARENDRA SHRESTHA
Vaccination au Népal : Alors que dans les pays pauvres, moins de 5% de la population est vaccinée, au Nord on accumule des stocks de vaccins au cas où... ©Maxppp - NARENDRA SHRESTHA
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Les inégalités vont encore s’accroître avec la pandémie. Au Nord, 60% de la population est vaccinée 5% au Sud. Les promesses de dons de vaccins faites sous le programme COVAX ne sont pas respectées : "Répugnant et fou sur le plan moral et épidémiologique " s'indigne l'OMS, "dangereux" alerte le FMI.

The dangerous divergences in economic prospect remains a major concern. Gita Gopinath, économiste en chef du FMI

Les divergences des perspectives économiques restent une préoccupation majeure, prévient cette semaine la cheffe économiste du FMI en présentant les prévisions mondiales de l'institution. 

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En langage non macro-économique, on dirait : les inégalités entre les économies du monde vont augmenter et c’est un grave problème. 

A l’appui de cette inquiétude, il y a cette prévision : en 2024, le produit intérieur brut des économies avancées dépassera de quasi 1% le niveau qu’il avait avant la pandémie, dans les pays émergents et en développement (Chine mise à part), il sera inférieur de 5,5%. Autrement dit, au Nord, on aura quasi effacé les effets économiques de la pandémie, alors qu’au Sud, on sera toujours en plein dedans. 

La raison est simple, elle était prévisible : inégalité vaccinale. En language FMI on dit :  « Great vaccine divide »

Theses divergences are a consequence of the great vaccine divide and large disparities on policy support. Gita Gopinath, l'économiste en chef du FMI. 

Au début de la pandémie, la source d'inégalité entre Nord et Sud était monétaire. D’un côté, les pays capables de financer leurs dépenses covid quoi qu’il en coûte grâce à la planche à billet, (dans ce groupe on trouve essentiellement les Etats Unis, les pays de la zone euro, la Grande Bretagne et le Japon, de l’autre, les pays acculés à faire du déficit, demander l’aide du FMI, voire incapable de faire face. 

A lire/ écouter : Faillite des pays pauvres : la crise qui vient 

Maintenant qu’il y a des vaccins, ils sont la nouvelle source d'inégalité. Au nord 60% des habitants sont vaccinés, dans les pays pauvres 5% selon le FMI, 1,6% selon l’OMC. Cette sous vaccination conduit donc le FMI à anticiper pour ces pays un chemin bien plus long vers la résilience (pour employer le mot à la mode). 

Que l’inégalité vaccinale, s’ajouterait aux inégalités existantes, on le savait avant même que les vaccins anti-covid ne soient découverts. Dès juin 2020, l’alliance du vaccin, une organisation internationale créée en 2000, mobilise chef d’Etat, labo pharmaceutique et institutions internationale et lance COVAX pour grouper les achats des pays pauvres et recevoir des dons des pays riches. 

Des promesses non tenues

Les engagements font flores, on dit ce processus révolutionnaire, on s’applaudit... avant de déchanter aujourd'hui face à la réalité des chiffres. De plus en plus, on va jusqu'à parler "d’apartheid vaccinal". Ici, une déclaration du réseau des ATTAC.   Ici un bon document avec de nombreux chiffres.  

Moins de 15% des promesses de doses ont été livrées par les pays du G7
Moins de 15% des promesses de doses ont été livrées par les pays du G7
- Airfinity

Un milliards de doses…  avaient promis les pays les plus riches. Mais à ce jour, ils n’en ont délivré que 15%. Nous donnerons la priorité à Covax, avaient assuré les fabricants de vaccins, mais sur les quasi 6 milliards de doses administrées, 80% l’ont été dans les pays riches. 

Ecarts entre les promesses de dons de doses et les livraisons par pays ou zone (septembre 2021).
Ecarts entre les promesses de dons de doses et les livraisons par pays ou zone (septembre 2021).
- Airfinity

"Finies les promesses" exhortaient déjà la directrice de l’OMC en septembre, "on veut des vaccins"

Now is the time for true leadership, not empty promises. L'heure est venue d'un véritable leadership, et non de promesses creuses. Ngozi Okonjo-Iweala, la directrice générale de l'OMC. 

"Assez parlé, il est temps de passer à l'action", déclare le directeur de l'Organisation Mondiale de la santé dans un tweet posté mardi, à l'ouverture d'un sommet des ministres du commerce du G20 en Italie. 

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Vacciner 40% de la population mondiale d’ici fin 2021, et 70% d’ici 2022, le Dr Tedros y croit encore... 

Pour atteindre cet objectif, il faut 11 milliards de doses de vaccins. Le problème ce n’est pas la production, mais la répartition. Dr Tedros, directeur général de l’OMS. 

Promesses non tenues, nationalisme vaccinal, diplomatie du vaccin, qui écarte des dons les pays sans intérêt sur le plan géopolitique, vente au plus offrant : la solidarité affichée face au Covid bute sur ces écueils depuis un an. 

Or deux autres défis la mettent à l’épreuve : le transport maritime mondial est perturbé, et l’ Unicef qui chargé d’acheminer les vaccins Covax (mais aussi l’équipement afférent comme les supercongélateurs) jongle avec des contraintes inédites, et deuxième défis : les stocks que font les pays riches au cas où…

En vert, les pays qui ont commandé assez de doses pour 4 fois leur population, en jaune 100%, en rouge pour 0 à 20% de leur population, orange entre 20 et 100.
En vert, les pays qui ont commandé assez de doses pour 4 fois leur population, en jaune 100%, en rouge pour 0 à 20% de leur population, orange entre 20 et 100.
- launchandscalefaster.org

Des récentes projections montrent que les pays hautement vaccinés ont actuellement 300 millions de vaccins en stock et ce sera plus d'un milliard d'ici la fin de l'année. À une époque de pénurie de vaccins sur le continent africain et dans de nombreux autres pays à revenu faible et intermédiaire inférieur, c'est moralement répugnant, et fou sur le plan épidémiologique. Le directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé dans Five steps to to solving the vaccine inequity crisis.  

Mais on le sait maintenant, les milliards de croissance perdus ne font pas le poids face au risque sanitaire. «   Il faut revoir Covax, et intégrer le nationalisme vaccinal dans sa conception » propose un think tank (cofinancé par la fondation Bill et Melinda Gates). 

Un aveu d'échec sans doute impossible à assumer pour les grandes puissances, qui, plus surement ajouteront aux promesses non tenues, la promesse de les tenir dans l'avenir. 

Les ministres du commerce du G20 réunis cette semaine à Italie, ont pris l’engagement de promouvoir une "distribution équitable" des vaccins anti-Covid en levant notamment les "restrictions à l'exportation" et à œuvrer en faveur d'un "système commercial multilatéral et transparent". Les chefs d’Etat réunis prochainement à Rome en octobre ne les démentiront sans doute pas.  

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