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Cameroun : un gendarme lynché par une foule en furie après avoir abattu une fillette de 4 ans

Une fillette de quatre ans a été tuée par un gendarme le 14 octobre à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun. Elle a été touchée par une balle après que l’officier a tiré sur un véhicule dont le conducteur refusait de s’arrêter pour un contrôle. Après l’incident, le gendarme a été lynché à mort par une foule en colère. Les contrôles sont monnaie courante dans cette région anglophone du Cameroun où un conflit armé oppose les séparatistes anglophones de l’Ambazonie aux forces gouvernementales.

Des personnes rassemblées pour protester après le décès d'une fillette de quatre ans abattue par un gendarme à Buea, au Cameroun, le 14 octobre 2021.
Des personnes rassemblées pour protester après le décès d'une fillette de quatre ans abattue par un gendarme à Buea, au Cameroun, le 14 octobre 2021. © Twitter
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Une foule de personnes ont marché dans les rues de Buea en agitant des branches. En première ligne, un homme tient le corps de la jeune Caro Louise Ndialle, qui a reçu une balle dans la tête par un gendarme qui se trouvait sur un poste de contrôle le long de la route. Les vidéos de la foule en colère ont été partagées sur les réseaux sociaux.

Selon l'oncle de la jeune fille, joint par la rédaction des Observateurs de France 24, Caro Louise Ndialle était avec deux autres enfants dans une voiture, sur le chemin de l'école, avec sa mère et un chauffeur. Lorsqu'on lui a ordonné de s'arrêter au poste de contrôle et de fournir des documents, le conducteur est sorti de la voiture et a tenté de négocier avec les agents, affirmant que les enfants étaient en retard pour l'école. Mais lorsqu'il est remonté dans la voiture, l'un des agents a ouvert le feu. Le gendarme a ensuite été lynché à mort par la foule en colère. Des vidéos montrant le gendarme, la foule et la fillette tuée circulent en ligne.

"Quand les gens ont appris qu’un enfant avait été tué, ils sont venus de partout"

Matthew (nom d'emprunt) est un journaliste vivant à Buea qui s'est rendu sur les lieux du drame après avoir appris la mort de l'enfant. Il nous a parlé sous couvert d'anonymat, craignant les représailles de la police.

Quand je suis arrivé sur les lieux, j'ai vu le véhicule dans lequel la petite fille a été abattue. J'ai vu le gendarme. Il était déjà mort. Son corps gisait dans le caniveau avec des pierres tout autour. Une foule était venue le tuer immédiatement car l'endroit où la scène s'est produite est très fréquenté - il y a beaucoup de constructions et un terrain de football - le matin, il y a toujours beaucoup de monde. Quand ils ont appris qu'un enfant avait été tué, les gens sont venus de partout vers l'officier. Ils l'ont battu à coups de pierres et ont pris son arme.

La foule qui a tué le gendarme avait pris le corps de la fillette et défilait avec dans les rues. Les gens étaient tellement en colère qu’ils ont voulu emmener le cadavre au bureau du gouverneur. Ils ont commencé à bloquer les rues et à perturber la circulation. Tout le monde tenait des branches vertes, ou quelque chose de vert, parce que le vert ici signifie la paix.

Les manifestants sont arrivés avec le corps de l’enfant au bureau du gouverneur, qui a tenté de les calmer en promettant que sa mort ne restera pas impunie.

Witty Mistrel, l’oncle de la jeune fille, s'est rendu à Buea après avoir appris sa mort. Il a rencontré la foule dans la rue pour tenter de ramener son corps à la maison.

Je suis allé parler à [la foule] mais personne ne m’a écouté. Tout le monde chantait et protestait. Je les ai suivis jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent puis je suis allé parler à la personne qui portait l'enfant. J'ai demandé à prendre l'enfant. Nous voulions prendre son corps avant qu'ils ne poursuivent leur émeute. Mais tout le monde a dit "Non, nous ne pouvons pas laisser partir l'enfant". Nous les avons suivis toute la journée, suppliant de prendre l'enfant, mais il n'y avait aucun moyen de l'avoir. Finalement, nous leur avons dit que nous devions emmener le corps à l'église et ils ont accepté.

Les gens étaient en colère et ils ont estimé que c'était une opportunité pour eux de montrer leur colère au monde. C'est pourquoi tout le monde était dans la rue. Nous avons de la chance qu'il n'y ait pas eu de combats, pas de destructions. Tout le monde était juste là pour manifester et pleurer pour notre bébé.

"La colère a été accumulée depuis si longtemps"

La ville de Buea est l’un des théâtres des tensions dans la "crise anglophone" au Cameroun. Depuis près de cinq ans, des séparatistes anglophones qui se sentent marginalisés par la majorité francophone du pays, se battent pour créer un État séparatiste appelé Ambazonie.

Les anglophones représentent environ un cinquième de la population camerounaise, évaluée à 25 millions de personnes en 2019 selon les données de la Banque Mondiale. Plus de 3 000 personnes ont été tuées dans le conflit, lequel a causé le déplacement d’un million de personnes. Les séparatistes et l'État camerounais sont accusés d'avoir commis de nombreuses exactions.

Selon Matthew, la mort de la fillette est un incident qui a pris une proportion majeure en raison de cette crise en cours au Cameroun.

C'est, dans tous les sens, lié à la crise anglophone. Les points de contrôle de la gendarmerie, de la police et de l’armée sont partout dans cette région à cause de la crise. Depuis le début de la crise, leur nombre a augmenté. Les forces de sécurité peuvent décider des endroits où elles vont arrêter les voitures et vérifier les documents. Vous pouvez sortir et être contrôlé à moins d'un kilomètre de chez vous. Ils vérifient vos papiers et essaient d'obtenir de l'argent comme pot-de-vin, 500 ou 1 000 francs [environ 0,75 à 1,50 euros]. La corruption est un défi majeur.

Quelques pas après, ils peuvent vous arrêter à nouveau sur la route pour vérifier les mêmes documents. C'est frustrant. Et si vous ne vous conformez pas, ils peuvent mettre votre voiture en fourrière ou vous suivre avec leurs vélos ou leurs camionnettes. Mais ils n'ouvrent généralement pas le feu. La colère et la frustration des gens sont dues à la crise. Quand ils marchaient, ils étaient en colère, ils disaient qu’il fallait retirer les policiers. Les forces de l'ordre ont l'habitude de harceler les gens. La population en a donc profité pour exprimer sa frustration, cette colère accumulée depuis si longtemps.

Dans un communiqué, le ministère de la Défense a estimé que l’officier avait eu une "réaction inappropriée, inadaptée aux circonstances et clairement disproportionnée par rapport au comportement irrévérencieux du conducteur". Une enquête a été ouverte sur la mort de la jeune fille et du gendarme.

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