Entre la Russie et l’Otan, les ponts sont coupés. La Russie a suspendu, à compter du 1er novembre, sa mission de représentation auprès de l’Otan et celle de l’Alliance à Moscou. « À la suite de certaines mesures prises par l’Otan, les conditions de base pour un travail en commun ne sont plus là » a expliqué, lundi 18 octobre, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, estimant peu probable « un quelconque changement dans un avenir prévisible ».

Prétexte officiel de cette mesure, le retrait par l’Otan, début octobre, des accréditations à huit membres de la mission russe à Bruxelles accusés d’être des « agents de renseignement russes non déclarés ». Dans la foulée, le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, avait accusé Moscou d'« activités malveillantes » croissantes en Europe.

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La décision russe marque la fin d’une période d’après-guerre froide pendant laquelle l’Alliance et la Russie ont tenté, sans succès, de « normaliser » leurs relations. En 1997, l’Otan, fondée en 1949 pour contrer la menace soviétique, et la Russie avaient créé le Conseil conjoint permanent (CCP), un forum de consultation et de coopération, transformé, en mai 2002, en Conseil Otan-Russie (COR).

En 2014, l’annexion de la Crimée et le soutien russe aux insurgés à l’est de l’Ukraine ont mis fin à toute coopération pratique entre l’Otan et la Russie. Même si le Conseil Otan-Russie s’est réuni sept fois entre 2016 et 2019, les relations n’ont cessé de se dégrader depuis, entre sanctions, expulsions croisées de diplomates, accusations d’ingérence électorale et cyberattaques.

Communication bilatérale

En mars 2018 déjà, l’Otan retirait leurs accréditations à sept membres de la mission russe et les faisait expulser de Belgique à la suite de l’empoisonnement au Royaume-Uni de Sergueï Skripal, un ancien agent double russe, et de sa fille Ioulia. Le nombre des accréditations de la mission russe auprès de l’Otan s’est alors réduit de 30 à 20, puis à 10, le 7 octobre 2021.

Ces fortes tensions n’ont pas empêché le haut commandement militaire russe de rencontrer à plusieurs reprises, dans des pays tiers, des chefs militaires de l’Otan ou du Pentagone. « Le seul canal de communication militaire sera désormais bilatéral entre Russes et Américains » constate Dmitri Trenin, directeur du Centre Carnegie à Moscou. L’Alliance pourra toujours contacter l’ambassadeur russe en Belgique, ironise, de son côté, le chef de la diplomatie russe.

Compétition stratégique

La rupture décidée par Moscou intervient en pleine tournée du secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, en Géorgie, Ukraine et Roumanie, trois pays riverains de la mer Noire, avant une réunion des ministres de la défense de l’Otan, jeudi 21 et vendredi 22 octobre, à Bruxelles.

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Considérée par Moscou comme faisant partie de sa sphère d’influence, la mer Noire, verrou stratégique entre l’Europe et l’Asie, devient le théâtre de tensions croissantes entre la Russie et les pays de l’Otan. « La compétition stratégique s’intensifie », soulignait, la semaine dernière, l’ancien ministre des affaires étrangères roumain Mircea Geoana, secrétaire général adjoint de l’Otan.