Aquilino Morelle, proche conseiller de Hollande, accusé de conflits d'intérêts

 

Aquilino Morelle, proche conseiller de Hollande, accusé de conflits d'intérêts

    C'est un portrait au vitriol d'Aquilino Morelle, actuel conseiller politique de François Hollande, que dresse ce jeudi Mediapart, au terme d'une longue enquête de «six semaines». L'homme, qui écrivait également les discours de Lionel Jospin lors de son passage à Matignon, y est décrit comme un «petit marquis» au Palais de l'Elysée.

    Derrière l'icône de la méritocratie à la française, «fils d'immigrés espagnols» incarnant l'aile gauche du PS et surfant sur l'«image d'un médecin intègre» depuis son rapport accablant sur le Mediator, se cache un Aquilino Morelle aux nombreuses parts d'ombre, «qui a beaucoup menti», selon Mediapart.

    Au coeur de l'enquête, ses liens troubles avec l'industrie pharmaceutique. Sont évoqués également le recours à un nègre pour écrire ses discours, ses abus de privilèges et même les séances de cirage de ses chaussures Weston. Le conseiller assure qu'il ne s'agit que d'«affirmations dénuées de tout fondement, qui visent uniquement à me salir». Selon lui, «il arrive dans la vie politique que certaines personnes aient intérêt à jeter la suspicion sur une autre».

    Ses travaux secrets pour les labos pharmaceutiques. Enarque, Aquilino Morelle intègre en 1992 le corps des inspecteurs de l'IGAS (Inspection générale des affaires sanitaires). Mais, en 2007, il entame en parallèle une collaboration avec Lundbeck, un laboratoire danois qui lui aurait rapporté 12 500 euros hors taxe. Ce qui est rigoureusement interdit par la loi qui stipule que «les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative, de quelque nature que ce soit».

    Seuls «l'expertise, la consultation, les activités littéraires et scientifiques et les enseignements peuvent être autorisés», assure l'IGAS, interrogée par Mediapart. Cette dernière a uniquement donné son feu vert pour que le conseiller puisse donner des cours à la Sorbonne. Mais pas de trace d'une autorisation pour travailler avec un laboratoire privé, que le chef de l'IGAS de l'époque, André Nutte, «ne se souvient pas avoir signée». Cette activité non déclarée pourrait donc s'apparenter à une prise illégale d'intérêts, un délit puni de 75 000 euros d'amende et de 5 ans de prison.

    Interrogé par Mediapart, un dirigeant de Lundbeck confirme les bons services rendus par Aquilino Morelle : «Il nous a ouvert des portes. Et c'est un enjeu majeur : nous permettre d'aller défendre notre dossier auprès de la bonne personne.» Selon le site, le conseiller aurait ensuite approché d'autres laboratoires comme Sanofi et même Servier, (avant le scandale et son fameux rapport), ce que les intéressés ont confirmé. En vain.

    Dans un «droit de réponse» publié sur sa page Facebook, Aquilino Morelle estime avoir respecté les règles : «En tant que fonctionnaire, un certain nombre d'activités annexes sont autorisées par la loi, dont l'enseignement et le conseil. C'est dans ce cadre que j'ai accepté le contrat ponctuel avec le laboratoire Lündbeck (15 octobre / 31 décembre 2007). (...) Ces activités ont dû être déclarées à l'IGAS. Je n'ai pas retrouvé la trace de cette démarche en dépit de mes recherches.» «A aucun moment je n'ai donc été en situation de conflit d'intérêts», affirme-t-il.

    Une version contredite par André Nutte, chef de l'Igas au moment des faits. « Je n'ai pas mémoire d'avoir donné quelque autorisation que ce soit. On ne peut pas avoir une mission d'inspection et de contrôle et apporter une prestation d'assistance à une entreprise qui fait partie du contrôle. On peut parler de conflit d'intérêt ou au moins évoquer la notion, c'est la moindre des choses», a-t-il estimé au micro de RTL.

    Le nègre derrière la plume. Officiellement, les discours de François Hollande sont l'oeuvre d'Aquilino Morelle depuis son accession à l'Elysée en mai 2012. En réalité, le conseiller utilisait un nègre pour les écrire, l'ancienne plume Paul Bernard, affirme Mediapart. «Alerté, le président a fini par sortir le nègre des griffes du conseiller en décembre 2012», assure le site.

    Ses abus de privilèges. Mediapart affirme que le conseiller de François Hollande dispose de deux chauffeurs personnels, exclusivement à sa disposition. Ainsi, tous les mardis, l'un d'entre eux emmène «son fils pour des activités personnelles dans le XVe arrondissement». On apprend également qu'il demande à ses secrétaires de gérer les conflits avec les locataires des nombreux biens immobiliers qu'il possède, de s'absenter régulièrement du bureau pour des séances de «sauna, hammam ou gommage» et d'apprécier sans modération les grands crus de la cave de l'Elysée.

    Cirages de pompes à l'hôtel Marigny. La scène est contée au début de l'enquête. Tous les deux mois, un cireur se rend à l'Elysée pour cirer les chaussures d'Aquilino Morelle. «Des souliers de luxe sur mesure. Des Davison, des Westonâ?¦ Des chaussures de plein cuir toujours du même style», affirme à Mediapart David Ysebaert, l'homme qui en prend soin. A deux reprises, le conseiller a même fait privatiser un salon de l'hôtel Marigny, affirme-t-il. «Il était au téléphone, en chaussettes, au milieu de cette salle immense. Et moi j'étais face à lui en train de lui cirer ses souliers.» Joint par divers médias à la suite de cette interview, le fameux cireur de souliers a expliqué avoir eu un échange musclé avec le conseiller ce jeudi au téléphone.