Solidarité – A Genève, ce resto va avoir du coeur

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SolidaritéA Genève, ce resto va avoir du coeur

Que les clients financent les plats servis à des personnes démunies, tel est le concept du Refettorio qui ouvrira aux Charmilles en janvier prochain. A la baguette, le chef Walter el Nagar.

Laurent Siebenmann
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Laurent Siebenmann

C’est un beau projet, de ceux qui redonnent un peu confiance en l’être humain, en ces temps troublés. A Genève, dans le quartier des Charmilles, le chef gastronomique italo-égyptien Walter el Nagar va ouvrir, en janvier prochain, un restaurant pas comme les autres. Dans cet établissement, le Refettorio, les repas servis aux clients habituels serviront à financer ceux qui seront proposés aux plus démunis. Dans les mêmes conditions agréables, ces derniers seront reçus et choyés par le personnel qui leur servira de succulents plats, histoire d’illuminer, un moment, leur quotidien.

Rue de Lyon, les travaux avancent à grands pas. Walter el Nagar et son associé, Jimmy Thiébaud, jettent un oeil attentif au vas et vient des ouvriers en train de s’afférer dans ces locaux de 400m² dont on commence déjà à deviner l’agencement futur. Sur les grandes baies vitrées, des portraits géants de celles et ceux qui soutiennent bénévolement ce projet ont été collés, comme autant de sourires et de regards bienveillants qui veillent sur le Refettorio dont le grand logo rouge repose devant l’entrée du bâtiment, juste à côté de la Haute école d’art et de design.

Walter el Nagar, ça sera la première fois qu’un Refettorio ouvrira en Suisse. Parlez-nous de ce concept lancé en 2015, en Italie.

C’est le chef triplement étoilé, Massimo Bottura, qui l’a imaginé. Il existe déjà des Refettorio, notamment à Paris, Londres, New York et Mexico. L’idée est à la fois de cuisiner des repas gastronomique dans un lieu agréable, pour les plus démunis, tout en utilisant les surplus de l’industrie alimentaire. Je suis très attaché à cette notion.

En clair, comment cela va-t-il se passer dans votre futur restaurant?

Les plats consommés en journées, par des clients qui les paieront comme dans un restaurant classique, financeront les plats qui seront servis en soirée, aux personnes dans le besoin. Ca sera exactement la même carte. Pourquoi en soirée? Parce que, expérience faite, c’est à ce moment de la journée qu’existe le moins de structures alimentaires leur venant en aide.

Les gens démunis devront-ils montrer patte blanche pour venir manger chez vous le soir?

Non, il n’y aura pas de tri. C’est à travers les associations que les gens pourront réserver leur table, probablement avec un système de bons. L’idée, c’est vraiment de leur offrir un accueil en tous points pareil à un restaurant classique, avec un service agréable. Je veux qu’ils passent un bon moment et qu’ils mangent de bons plats cuisinés. Ne vous y trompez pas, ça n’est pas de la charité ou une soupe populaire: c’est une belle expérience, une soirée sans souci, avec dignité, où les gens vont retrouver le plaisir de la table, que je souhaite leur offrir.

A Genève, vous avez déjà oeuvré pour les plus démunis, avec votre restaurant Le Cinquième Jour.

Oui, c’était un concept assez proche où, durant quatre jours, on servait des repas gastronomiques payants. Et, le cinquième jour, aux personnes dans le besoin. Durant la pandémie, j’ai également servi plus de 30’000 repas gratuits, avec l’aide de bénévoles formidables. Dans le cas du Refettorio, nous servirons 400 repas par semaine. L’idée est d’atteindre environ 20’000 repas gratuits, chaque année.

«A un moment, j’ai ressenti le besoin d’agir», confie le chef italo-égyptien Walter el Nagar.

«A un moment, j’ai ressenti le besoin d’agir», confie le chef italo-égyptien Walter el Nagar.

lematin.ch/Petar Mitrovic

Avec quel budget allez-vous tourner? Car il faut des moyens, pour parvenir à ouvrir cet établissement puis pour le faire fonctionner.

C’est via la fondation Mater que j’ai créée que tout cela s’organise. Sur ce projet, nous avançons avec des fonds privés et publics. Le budget global s’élève à environ 1 million de francs par an. Nous comptons sur 250’000 francs de subventions issues d’institutions publiques et de fondations. Les particuliers sont également les bienvenus!

D’où vous vient cette fibre sociale?

J’enrage de voir des gens dans la misère, alors que nos sociétés regorgent de richesses. Mais je ne suis pas un professionnel de l’aide sociale. J’ai nourri des gens riches, dans de luxueux établissements… Mais, à un moment, j’ai ressenti le besoin d’agir. Et ce que je sais faire, c’est cuisiner. Donc, à mon niveau, c’est par ce truchement que j’essaie d’apporter de la dignité et un peu d’espoir aux gens qui se trouvent dans la précarité. A 40 ans, j’espère avoir, à mon niveau, un impact sur leur situation. Quand vous pensez à toutes ces personnes qui se sont retrouvées précipitées dans la pauvreté et qui faisaient la queue pour simplement avoir à manger, à Genève, vous ne pouvez pas rester les bras croisés.

D’autres Refettorio vont-ils ouvrir, ailleurs, en Suisse? Car, de la pauvreté, il y en a partout dans ce pays.

Nous verrons comment cela se passera à Genève. Mais, en effet, il est envisageable que cette expérience soit reproduite ailleurs, dans d’autres villes suisses.

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