A Hassakeh, le transport de bidons d'eau est une scène courante et une tâche quotidienne pour les enfants. Natalie Bekdache/CICR

Crise de l’eau en Syrie : 40% d’eau potable en moins en dix ans

Le conflit qui ravage la Syrie depuis plus de dix ans a massivement provoqué la destruction des réseaux d’eau dans tout le pays. Résultat, les ressources en eau potable ont diminué de 40%, entravant l’accès de millions de personnes à ce bien vital.
Article 04 octobre 2021 Syrie

Le conflit qui ravage la Syrie depuis plus de dix ans a gravement entravé l'accès à des biens et services essentiels, notamment à l'eau potable. Avant 2010, 98% des habitants des villes et 92% des habitants des communautés rurales avaient un accès sûr à l'eau salubre. La situation a bien changé : aujourd'hui, seule la moitié des systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement fonctionnent encore correctement en Syrie.

Un ensemble de facteurs complexes et enchevêtrés sont à l'origine de cette crise de l'eau, mais ce qui est certain, c'est qu'ils découlent tous directement ou indirectement du conflit. Les réseaux ont été endommagés dans les combats ou n'ont pas été suffisamment entretenus. Dans certains cas, les services de distribution ont perdu entre 30% et 40% de leur personnel technique et ingénieurs, dont bon nombre ont quitté le pays ou ont pris leur retraite sans pouvoir assurer la formation de leurs jeunes successeurs

 

« Les grandes installations de distribution d'eau potable, très centralisées, qui forment les huit principaux réseaux d'approvisionnement en eau de la Syrie, ont été gravement endommagées dans les hostilités. N'ayant pas été suffisamment utilisées et entretenues, elles se sont encore détériorées davantage ces dix dernières années. En cause également, le manque de pièces de rechange et de personnel compétent »,

— Christophe Martin, chef de la délégation du CICR en Syrie.

Tawfik, 60 ans, à un point de distribution d'eau apportée par camion à Hassakeh.
Natalie Bekdache/CICR

Les systèmes locaux fournissant des services essentiels, tels que l'accès à l'eau, à l'électricité et aux soins de santé, sont tous reliés. La moindre défaillance dans l'un d'eux entraîne des répercussions sur les autres. L'absence d'électricité entrave l'accès à l'eau, ce qui compromet le fonctionnement des structures de santé. Toutes les infrastructures d'approvisionnement en eau dépendent de l'électricité, or la capacité de production électrique a chuté de 60% à 70%.

La pénurie d'eau a renforcé l'instabilité, en particulier dans les zones fortement touchées par le conflit, comme le nord-est, qui continue d'accueillir un nombre important de personnes ayant fui les zones en proie aux hostilités, en plus des réfugiés irakiens présents de longue date et des femmes et des enfants de plus de 60 pays bloqués dans des camps comme Al-Hol.

 

Tawfik, 60 ans, originaire de Hassaké, explique que la majorité des habitants de son gouvernorat et lui-même ont besoin d'eau de toute urgence. « Quand on creuse des puits, on tombe sur de l'eau contaminée par les eaux usées. On ne peut rien faire de cette eau, ni la boire, ni l'utiliser pour les activités domestiques », indique-t-il.

Natalie Bekdache/CICR

Dans le gouvernorat d'Hassaké (nord-est de la Syrie), au moins 700 000 personnes sont quotidiennement touchées par des pénuries d'eau.

« Les réservoirs d'eau ne couvrent qu'une part infime des besoins, surtout pendant l'été. Il faut un débit constant. Sans eau, pas de vie ! » .

— Mahmoud, un jeune homme d'Hassaké.

En Syrie, les ressources en eau commençaient déjà à manquer avant le conflit à cause des changements climatiques.

Rappelons que les pays en proie à un conflit subissent beaucoup plus intensément les effets des changements climatiques que les pays en paix. Si le conflit qui ravage la Syrie eu des répercussions économiques et humaines dévastatrices, il a également gravement endommagé l'environnement.

Par exemple, depuis la destruction des usines de traitement de l'eau à Damas et Alep en 2012, les eaux usées sont déversées dans la nature sans être traitées. Elles contaminent les sources d'eaux souterraines, ce qui représente un véritable danger pour la santé publique.

Avant 2010 : 98 % des habitants des villes et 92 % des habitants des communautés rurales avaient un accès fiable à l'eau potable.

Aujourd'hui : seulement 50 % des systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement fonctionnent correctement dans toute la Syrie.

La centrale électrique d'Alep a été dévastée elle aussi, et il faudrait compter pas moins de cinq ans pour la réhabiliter de façon stable.

En Syrie, comme dans la plupart des régions touchées par un conflit, les changements climatiques et la dégradation de l'environnement sont exacerbés par les conséquences de la violence. Parmi les effets les plus visibles, la baisse de la qualité et de la quantité d'eau disponible.

« Il n'est pas question d'une division politique sur la question de la reconstruction, il s'agit avant tout de trouver des solutions concrètes aux problèmes d'hygiène, d'accès à l'eau, l'éducation, la santé et l'électricité de base, et d'assurer un revenu de base pour toutes ces personnes »,

— Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d'un récent déplacement en Syrie.

Ces dix dernières années, le CICR a mis en œuvre des milliers de projets d'ingénierie, tant pour faire face aux urgences que pour aider durablement les prestataires de services locaux à enrayer la baisse de la fourniture de services.

Au cours du premier semestre de 2021, le CICR et le Croissant-Rouge arabe syrien ont mené à bien des centaines de projets, notamment la réparation de plusieurs stations de pompage dans les zones les plus meurtries par le conflit, qui ont permis à 15 millions de personnes d'avoir accès à l'eau potable.

Dans un contexte profondément touché par une économie en déclin, où 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, plusieurs projets ont également permis à des centaines d'agriculteurs d'irriguer leurs terres, venant ainsi soutenir un secteur représentant l'une des principales sources de revenus du pays.

Le CICR a toujours appelé à la protection et à la préservation des infrastructures essentielles, conformément au droit international humanitaire. Or aujourd'hui, les défis sans précédent qu'il convient de relever pour répondre à cet impératif humanitaire exigent que davantage d'acteurs se mobilisent, tant sur le plan financier que politique, notamment des organisations humanitaires, des agences de développement et des acteurs du secteur privé.

Informations complémentaires :

Adnan Hezam (Damas) : ahizam@icrc.org ou +963930336718
Imene Trabelsi (Beyrouth) : itrabelsi@icrc.org ou +961 3 13 83 53
Jason Straziuso (Genève) : jstraziuso@icrc.org ou +41227302077