Les migrants bloqués depuis deux mois à la frontière avec la Biélorussie, près du village de Usnarz Gorny, ont été arrêtés et gazés après avoir tenté de traverser la frontière. Crédit : Capture d'écran / Twitter
Les migrants bloqués depuis deux mois à la frontière avec la Biélorussie, près du village de Usnarz Gorny, ont été arrêtés et gazés après avoir tenté de traverser la frontière. Crédit : Capture d'écran / Twitter

Une quinzaine de migrants, bloqués depuis plus de deux mois près du village frontalier d'Usnarz Gorny, ont tenté d'entrer en Pologne après avoir détruit une partie de la clôture de fils barbelés qui les sépare de la Biélorussie. La réaction des garde-frontières polonais ne s'est pas fait attendre : les exilés ont été immédiatement arrêtés, traînés dans la boue et gazés.

Cela fait plus de deux mois qu’ils tentent de survivre sur cette zone en pleine nature, à la lisière d’une forêt. Près du village polonais d'Usnarz Gorny, un groupe d’une trentaine de migrants patientent entre des officiers biélorusses armés et des soldats polonais. Les conditions de vie sont très difficiles : les températures baissent un peu plus chaque jour, et l’état d’urgence, instauré sur la zone depuis le 2 septembre, empêche les ONG de leur porter secours. Seule la Croix-Rouge est autorisée à distribuer quelques vivres.

Ce mercredi 20 octobre, certains ont décidé coûte que coûte de traverser la frontière. Sur une vidéo fournie par les garde-frontières biélorusses et reprise par la presse polonaise, on peut voir quelques personnes lancer un tronc d’arbre sur la clôture de fils barbelés, installée cet été. Sous le poids de l’arbre, le mur s’effondre. Plusieurs exilés, emmitouflés dans des manteaux et transportant quelques affaires, accourent alors pour passer de l’autre côté.

Peine perdue. Des soldats les attendent juste de l’autre côté. En violation du droit international, les personnes sont arrêtées, certaines sont traînées dans la boue. Dans sa main, un des militaires tient ce qui semble être une bombe lacrymogène, et la pulvérise directement au visage d’un exilé. "Ils ont pris Mariam. Et Gul. Et les autres. Ils les ont emmenés dans la forêt biélorusse glacée, déplore l’association Fundacja Ocalenie sur les réseaux sociaux. Nous ne savons pas où ils sont, comment ils se sentent. Nous ne savons pas s'ils sont blessés […]. Nous ne savons pas non plus si nous pourrons rester en contact avec eux. C'est une honte".

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D’après l’ONG, 17 personnes ont été arrêtées pendant l’intervention. Les autres personnes du groupe, "gazées par les soldats, sont restées de l’autre côté de la clôture", indique l’organisation polonaise.


Le groupe de migrants est bloqué tout près du village polonais de Usnarz Grozny depuis plus de deux mois.
Le groupe de migrants est bloqué tout près du village polonais de Usnarz Grozny depuis plus de deux mois.


Depuis que le groupe a été intercepté, mi-août, le gouvernement polonais maintient que ces personnes se trouvent du côté biélorusse de la frontière, et que Minsk est le seul responsable de cette situation. En attendant, l'état de santé de la majorité des exilés, qui "mangent du pain sec donné par les garde-frontières et boivent l'eau sale d’un canal", se détériore de jour en jour.

"Elle gisait ensanglantée, sur un sac de couchage"

Ces arrestations ont été menées alors même que le ministre de la Défense polonais annonçait, aujourd'hui, que 6 000 militaires au total avaient été déployés à la frontière, sous couvert de sécurité. Et ce, en plus des garde-frontières déjà présents sur la zone, des fils barbelés, et du futur mur en béton dont la construction a été approuvée par le Parlement.


Des gardes-frontières polonais se tiennent à côté du groupe de migrants bloqués à la frontière, le 1er septembre 2021. Crédit : Reuters
Des gardes-frontières polonais se tiennent à côté du groupe de migrants bloqués à la frontière, le 1er septembre 2021. Crédit : Reuters


Cette ultra-militarisation de la frontière rend les conditions de vie des migrants, répartis tout au long de la frontière avec la Biélorussie, de plus en plus déplorables. Ce mercredi matin, une patrouille des garde-frontières a rencontré un groupe d'une dizaine de personnes dans la forêt, près de Kuznica, au nord. "Parmi elles, gisait, sur un sac de couchage, une femme ensanglantée, raconte le média TokFM. Il s'est avéré qu'elle venait de donner naissance à un enfant".

La maman originaire d’Irak et son bébé ont été emmenés in extremis à l’hôpital de Sokolka pour recevoir des soins. D’après les autorités, le nouveau-né a des problèmes de respiration et de circulation sanguine.

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Pour les ONG présentes sur place, le pire est pourtant à venir avec l’arrivée de l’hiver. En quelques semaines, sept candidats à l’exil ont déjà perdu la vie. Certains sont morts de faim. Dimanche, lors d’une manifestation organisée à Varsovie contre les refoulements illégaux, une militante de Fundacja Ocalenie a pris la parole : "Ils meurent, bien qu’aucune guerre n'ait éclaté […] Il n'y a pas eu de tremblement de terre, d'incendie, ni d'inondations, a-t-elle déploré. Ils meurent seuls, comme ce Syrien de 24 ans, dont le corps a été retrouvé il y a plusieurs jours".

 

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