Inceste : la Ciivise recommande de croire la parole des mères et des enfants

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La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants rend ses trois premières propositions. Parmi elles, la suspension automatique de l'autorité parentale en cas de condamnation pour inceste. Elle a recueilli plus de 5000 témoignages.

Lancée en mars 2021, elle a déjà reçu plus de 5000 témoignages. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) rend ce mercredi 27 octobre ses trois premières propositions pour lutter plus efficacement contre ce fléau, consultables sur son site Internet

La Ciivise a été créée à la demande du président de la République Emmanuel Macron, à la suite du mouvement #MeTooInceste, démarré en France avec la publication retentissante du livre La familia grande de Camille Kouchner, dans laquelle elle accuse son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d'inceste sur son frère jumeau. Présidée par Edouard Durand, juge des enfants et Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru, la Ciivise a deux ans pour formuler des recommandations. 

22.000 enfants incestés par leur père chaque année en France

Ce premier rapport du Ciivise formule un constat : environ 22.000 enfants sont victimes, chaque année, de violences sexuelles incestueuses de la part de leur père.

"La protection effective des enfants se heurte au fait que 70% des plaintes pour violences sexuelles font l’objet d’un classement sans suite", note cependant la commission, qui dit vouloir "comprendre les causes de ce taux très important."

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Un premier cri d'alarme est tiré : les mères dont l'enfant accuse le père d'inceste, notamment dans les cas de séparation, sont trop souvent accusées de manipuler l'enfant. "La quasi-totalité des messages qui ont été adressés à la CIIVISE sont des appels à l’aide de la part de mères, très majoritairement, – dont l’enfant a révélé des violences sexuelles de la part de son père", remarque la commission. "Ces mères se retrouvent mises en cause et accusées d’avoir manipulé leur enfant, le plus souvent dans un contexte de séparation", conteste-t-elle.

Ne plus accuser les mères de manipuler leur enfant

"En 2019, selon les données du Ministère de la Justice, parmi les condamnations prononcées pour non-représentation d’enfants, 80% concernaient des mères", relève la Ciivise. 

La commission dénonce que ces mères portant plainte pour violences sexuelles à la suite des révélations de leurs enfants sont ensuite "condamnées pour non-représentation d’enfant ou [se voient] retirer la garde au profit de leur père." "Cette réalité interroge l’autorité judiciaire dans sa capacité à protéger les enfants efficacement, et interroge ainsi la société dans son ensemble", conclut-elle. Ces poursuites "traduisent la difficulté de la société et des professionnels à prendre au sérieux la parole des enfants et celle des mères", analyse la Ciivise.

Les fausses dénonciations de maltraitances sont marginales dans un contexte de séparation parentale.

À ce titre, la Ciivise dénonce le concept d'"aliénation parentale", voulant que le parent qui vit avec l'enfant, le plus souvent la mère, le manipule pour le "monter" contre l'autre parent lors d'une rupture. La commission regrette qu'il soit pris au sérieux par les experts médicaux et judiciaires, alors qu'il n'a "aucun fondement scientifique". "Les études scientifiques disponibles démontrent au contraire que les fausses dénonciations de maltraitances sont marginales dans un contexte de séparation parentale", martèle la Ciivise.

Elle rappelle d'ailleurs le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), du Conseil de l’Europe, a mis en garde la France contre ce concept d'aliénation parentale en 2019.

En se basant sur l'urgence à croire les mères et leur enfant en cas d'accusation d'inceste envers le père, la Ciivise formule trois propositions.

Suspendre les poursuites pour non-présentation d'enfant en cas d'enquête pour inceste

La première proposition consiste à suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.

Elle vise à "assurer la sécurité du parent protecteur" : "Il faut protéger la mère pour protéger l'enfant", soutient la Ciivise, pour qui "croire l'enfant est surtout un principe de précaution". 

"Si chaque récit de violences sexuelles porté à la connaissance de la commission est unique, la stratégie de l’agresseur est toujours la même : isoler sa proie, créer un climat de peur, passer à l’acte, inverser la culpabilité, imposer le silence, rechercher des alliés et assurer son impunité", rappelle la Ciivise. 

La stratégie de l’agresseur est toujours la même : isoler sa proie, créer un climat de peur, passer à l’acte, inverser la culpabilité, imposer le silence.

Suspendre l'autorité parentale et les droits de visite en cas de poursuites pour inceste

La deuxième proposition est d'"assurer la sécurité de l'enfant dès les premières révélations". En clair, cela consiste à suspendre le droit de l'exercice de l'autorité parentale, des droits de visite et d'hébergement du parent est poursuivi pour inceste. Pour la commission, c'est le seul moyen de "générer de la sécurité pour l’enfant".

"Lorsqu’un parent est déclaré coupable de violences sexuelles incestueuses sur son enfant, il est établi qu’il ne respecte pas les devoirs attachés à l’autorité parentale", écrit la Ciivise. 

Retirer automatiquement l'autorité parentale en cas de condamnation pour inceste

Enfin, la Ciivise préconise de retirer systématiquement l'autorité parentale, les droits de visite et d'hébergement pour un parent condamné pour viol ou agression sexuelle incestueux. 

Pour la commission, la protection de l'enfant ne doit pas s'interrompre s'il y a un classement sans suite. "La Ciivise insiste sur le fait que, même lorsque l’enquête pénale aboutit à un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, la protection de l’enfant qui a dénoncé des violences sexuelles incestueuses doit primer sur toute autre considération, jusque dans le traitement judiciaire des rencontres père-enfant", recommande-t-elle. 

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