« Salle de shoot » à Lille : pourquoi elle n'ouvrira finalement pas (pour le moment)

Martine Aubry a annoncé, le 26 octobre 2021, que la salle de consommation à moindre risque prévue à Lille ne pourrait pas ouvrir dans l'immédiat, sur fond d'opposition politique.

La salle de consommation à moindre risque (
La salle de consommation à moindre risque (« salle de shoot ») prévue à Lille ne peut toujours pas ouvrir pour le moment. En cause, selon Martine Aubry, l’opposition ferme de Gérald Darmanin. (©Adobe Stock/Illustration)
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C’est avec « beaucoup de tristesse » mais aussi une certaine colère que Martine Aubry a annoncé, mardi 26 octobre 2021, que l’ouverture à Lille d’une salle de consommation à moindre risque (« salle de shoot ») pour les toxicomanes n’aurait pas lieu, dans l’immédiat. Le maire de Lille dénonce des manœuvres politiques de Gérald Darmanin pour empêcher l’ouverture de ce lieu.

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Un lieu trouvé « remplissant tous les critères »

Depuis 2016 et une loi permettant l’expérimentation de ces salles de consommation sûres pour les toxicomanes, Martine Aubry avait annoncé son envie d’en voir une s’installer à Lille.

Lors de sa conférence de presse ce mardi, l’édile socialiste a détaillé toutes les étapes du projet ces dernières années pour aboutir à un lieu qui semblait idéal, le 54 boulevard de Metz.

« Ce lieu remplissait tous les critères de la loi », assure Martine Aubry, à savoir : proximité des lieux de consommation (au carrefour des quartiers sud de Lille), peu de riverains aux alentours, possibilité d’une zone blanche (où les toxicomanes ne peuvent être contrôlés par la police) restreinte, un mur d’enceinte permettant d’éviter des problèmes sur la voie publique. Point bonus, le site était adjacent au centre d’addictologie du CHU.

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Ferme opposition de Gérald Darmanin

« Tout était prêt début octobre », insiste le maire de Lille en montrant les clichés des bâtiments installés, des salles de consommation et de repos. « On a 12 contrats sous le coude pour les personnes qui doivent y travailler », complète Martine Aubry. Mais pourtant, ces lieux ne vont pas ouvrir, du moins pas pour le moment.

En cause selon Martine Aubry, l’opposition affichée de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, au projet, soutenu par le Premier ministre Jean Castex, contre l’avis même du ministre de la Santé Olivier Véran. Et ce, malgré le rapport favorable de l’Inserm sur les salles expérimentées à Strasbourg et Paris.

En septembre, le dossier complet est envoyé, ne reste plus à Olivier Véran que de prendre l’arrêté pour autoriser l’ouverture. « Là, le processus s’enraye », relate Martine Aubry. Il est demandé au préfet du Nord de proposer un nouveau lieu.

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D’abord, un site rue Verte à Hellemmes est suggéré, « mais il ne répondait pas du tout aux critères ». La semaine dernière puis hier soir, par courrier du Premier ministre, nouvelle proposition : installer la « salle de shoot », éventuellement de façon provisoire, sur le site de la friche Saint-Sauveur.

« J’étais totalement stupéfaite », réagit Martine Aubry. En effet, à la suite de la récente décision du tribunal administratif s’agissant du projet urbain sur la friche, « aucun permis de construire ne peut y être délivré. Juridiquement, c’est impossible d’y installer la salle de consommation à moindre risque ». Sans compter que, selon le maire de Lille, Saint-Sauveur ne répond pas aux critères de la loi permettant l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque. 

L'opposition macroniste soutient Gérald Darmanin, les écolos dénoncent le blocage

Dans un communiqué, le groupe municipal d'opposition Faire respirer Lille, mené par Violette Spillebout (LREM) défend la position de Gérald Darmanin et fustige celle de Martine Aubry.

« Il ne suffit pas de penser avoir raison pour mener à bien un projet. Martine Aubry fait perdre du temps aux Lillois sur de nombreux dossiers ; le problème de méthode est récurrent. Elle accumule les échecs au détriment des Lillois », écrit Violette Spillebout.

Et Bernard Charles (Modem), de reconnaître la «  nécessité » d'une salle de consommation à moindre risque tout en dénonçant un manque de conviction et de concertation.

Les élus du groupe d'opposition estime que le lieu d'implantation choisi n'était pas le bon, pointant les efforts déployés ces derniers mois pour lutter contre le deal dans le quartier de Faubourg de Béthune.
Tout en se gardant de commenter la proposition du Premier ministre d'implanter la salle à Saint-Sauveur, Faire respirer Lille estime que « la Ville doit ici reprendre sa copie et travailler avec tous sans délai ».

Du côté de l'autre groupe d'opposition, Lille Verte, on déplore «  le blocage de l'État ». Les élus écolos réaffirment leur « plein soutien au projet » et qualifient de « pas réaliste » la proposition d'implantation à Saint-Sauveur.

« Nous ne comprenons pas que l'État s'y oppose par une pirouette tout en s'enfermant dans une vision uniquement répressive. L'État fuit ses responsabilités avec une proposition inapplicable », poursuivent les élus.

« Un immense gâchis » pour Martine Aubry

« J’étais estomaquée. On a là Gérald Darmanin qui refuse d’appliquer la loi », accuse Martine Aubry. « C’est un immense gâchis. »

C'est une décision politique parce qu'on a un ministre de l'Intérieur qui sert de porte-drapeau au président pour courir derrière la droite et l'extrême-droite.

Martine AubryMaire (PS) de Lille

Promettant de « ne pas lâcher », Martine Aubry s’est tout de même affichée dépitée et peu optimiste quant à la possibilité d’ouvrir prochainement cette salle. « On a mis quatre ans à trouver ce lieu, pour moi, il n’y en a pas d’autres possibles. » Et de renvoyer désormais la balle dans le camp du gouvernement.

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