Pour protéger leur propriété en bord de mer des tempêtes, des résidents ont investi des centaines de milliers de dollars pour construire un mur de sept mètres de haut. Quitte à dénaturer et fragiliser la plage publique, dénoncent les opposants au projet. Si les populations les plus riches sont les plus responsables du réchauffement climatique, elles sont aussi celles qui peuvent le plus facilement s'adapter à ses conséquences. 

La plage de Collaroy, à Sydney en Australie se fracture. Un mur de sept mètres de haut est actuellement en cours de construction sur le rivage australien. D’un côté, 49 riches propriétés menacées par les tempêtes et l’érosion de la côte. De l’autre, la plage, et les autres résidents, dont certains s’offusquent de voir le rivage dénaturé alors que les premières pierres du rempart de 1,3 kilomètre de long ont été posées en décembre 2020.
Pour engager la construction du chantier, chacun des propriétaires a déboursé 300 000 dollars, rapporte le quotidien britannique Guardian qui a chroniqué l’affaire. De quoi assurer 80% du coût total. Le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud et le Conseil des plages du Nord se sont engagés à compléter la facture.
L’enjeu est sérieux, la côte étant particulièrement vulnérable. Cinq ans plus tôt, une tempête monstrueuse a englouti le rivage, dévasté les côtes, et laissé de nombreuses maisons et piscines privées au bord d’un gouffre. Depuis, deux autres tempêtes ont frappé la zone.  Avec un rempart en contrebas, les résidents espèrent limiter les dégâts.  D’autant plus qu’avec le réchauffement climatique, les tempêtes risquent de se multiplier à l’avenir, et la montée du niveau de la mer s’accélère. Selon le dernier rapport du GIEC, la hausse du niveau des océans pourrait atteindre un mètre à la fin du siècle dans le cadre du pire scénario.

Mécontentement 


Mais la construction du mur s’attire les foudres d’une autre partie des habitants de Sydney et des ONG comme la fondation Surfrider qui crient à l’injustice. Ils dénoncent un projet sacrifiant la plage publique au profit de la protection d’une minorité aisée.
Outre l’aspect esthétique décrié, le mur pourrait avoir un véritable impact sur la vie du rivage, expliquent les opposants. Les plages sont des écosystèmes qui évoluent avec leur environnement et la construction menace de perturber les processus naturels, comme celui qui permet au sable de se déplacer. "En cas de vagues plus importantes ou de tempêtes, le sable risque de partir"  sans avoir de possibilité de revenir naturellement, a détaillé au média australien 9News le professeur Andy Short, géoscientifique à l’Université de Sydney. "Il n’y aura plus à la fin qu’une digue, sans plage du tout", a-t-il ajouté. Pour conserver la plage, il serait alors nécessaire de remplacer le sable artificiellement. 

" Apartheid climatique "


Cette inégalité à pouvoir faire face aux conséquences du réchauffement climatique est considérée comme un "appartheid climatique" selon  l’ONU. "Une dépendance excessive au secteur privé pourrait conduire à un scénario d’apartheid climatique dans lequel les riches paient pour échapper au réchauffement, à la faim, aux conflits, tandis que le reste du monde souffrirait", expliquait en juin 2019 le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté, Philip Alston.
Une situation considérée comme d’autant plus injuste que les personnes les plus riches sont les plus responsables du réchauffement climatique. Selon la dernière étude du  World Inequality Lab publié mi-octobre, les 10% de la population les plus aisées de la planète sont à l’origine de la moitié des émissions de CO2.
Pauline Fricot, @PaulineFricot

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