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Crise des sous-marin: l'ex-Premier ministre australien accuse son successeur d'avoir trahi un "pays ami"

Kevin Rudd, ex-Premier ministre australien, ne cache pas sa colère contre son successeur qu'il accuse d'avoir "sapé" les relations avec la France et l'UE en donnant une "tournure politique à la sécurité nationale".

Trahison! La France n'est pas la seule à utiliser ce terme pour qualifier la décision de Scott Morrison, premier ministre australien, de rompre le contrat de sous-marins sans en avoir averti au préalable les autorités françaises. Dans une tribune au Guardian, son prédécesseur, Kevin Rudd, a des mots très durs sur ce revirement qui pourrait avoir de néfastes conséquences dans l'indopacifique au moment où la Chine monte en puissance.

Cette longue tribune confirme même les explications du ministère des Armées qui a révélé mardi, lors d'un briefing de mise au point, que la veille de l'annonce de l'annulation du contrat, Canberra avait confirmé par courrier sa pleine satisfaction laissant entendre la poursuite du programme avec Naval Group.

"Pourquoi n'a-t-il pas avisé les Français lors de sa visite à Paris quelques jours après sa rencontre avec Joe Biden et Boris Johnson en juin? Comment a-t-il pu permettre à Marise Payne [ministre des Affaires étrangères, NDR] et Peter Dutton [ministre de la Défense, NDR] de souligner l'importance de l'affaire des sous-marins pour les Français trois semaines seulement avant l'annulation du contrat?", lance Kevin Rudd.

Scott Morrison a "sapé" nos relations avec la France

Ces propos semblent confirmer la mise au point mardi du ministère des Armées dont le porte-parole, Hervé Grandjean, dit avoir reçu un courrier des Australiens le jour même de l'annonce de la rupture des accords pour confirmer la poursuite du chantier avec Naval Group.

Kevin Rudd ne reproche pas à son successeur d'avoir voulu modifier le programme en optant pour des sous-marins nucléaires pour "ajuster les besoins de notre programme de remplacement de sous-marins en fonction de circonstances stratégiques. Il rappelle d'abord que la France sait les construire et déplore la manière. "Le faire sans même la plus élémentaire des courtoisies envers les Français est une tout autre chose", explique Kevin Rudd qui déplore les sommes dépensées par l'Australie et redoute de lourdes conséquences financières.

"Nous aurions pu épargner au contribuable australien les milliards de dollars déjà dépensés (sans parler de la longue procédure judiciaire qui pourrait désormais s'ensuivre si l'Australie est poursuivie en dommages et intérêts par Naval Group)", attaque l'ex-premier ministre en ajoutant que "Morrison aurait pu demander à la France de se soumettre à un nouvel appel d'offres ou à continuer à fournir les coques tandis que les Américains fourniraient la propulsion nucléaire".

Une "diplomatie bâclée"

Kevin Rudd continue ses reproches en accusant Scott Morrison d'avoir "saper l'une de nos relations mondiales les plus durables et les plus importantes, à savoir celles avec la République française" en donnant une "tournure politique à la sécurité nationale".

"Pour ces raisons, il est compréhensible que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ait qualifié cette décision de "coup de poignard dans le dos". Si cela était arrivé en Australie, nous aurions réagi de la même manière car nous nous serions sentis trahis par un ami", affirme Kevin Rudd.

Au-delà des conséquences financières, Kevin Rudd accuse son successeur de mener une "diplomatie bâclée".

"Pour une puissance moyenne comme l'Australie, la destruction de nos relations avec la France risque d'avoir de réelles conséquences à long terme. En tant qu'économie du G7 et du G20, membre permanent du Conseil de sécurité, membre clé de l'OTAN, l'un des deux principaux décideurs au sein de l'UE et puissance du Pacifique, la France a une grande empreinte mondiale et régionale", rappelle Kevin Rudd.

En effet, la crise des sous-marins menace déjà de torpiller l'accord de libre-échange entre l'UE et l'Australie. Mardi à Bruxelles le secrétaire d'Etat allemand aux Affaires européennes, Michael Roth estime qu'il s'agit d'un "signal d'alarme pour tous dans l'UE". La décision de Scott Morrison semble aussi avoir divisée l'Australie.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco