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Port du hijab : Sandrine Rousseau reconnaît plus facilement ses privilèges que ses contradictions
Sandrine Rousseau lors du débat organisé par LCI, le 22 septembre 2021.
Stéphane de Sakutin / AFP

Port du hijab : Sandrine Rousseau reconnaît plus facilement ses privilèges que ses contradictions

Embouteillage à l'intersection

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Féministe… jusqu'à un certain point. Sur le plateau de la chaîne LCP, Sandrine Rousseau s'est opposée à l'enseignante Fatiha Boudjahlat, sur la question du port du hijab, après la récente campagne lancée par le Conseil de l'Europe. Un vrai numéro d'équilibriste.

Une déconstruction difficile et un féminisme équilibriste. Sur LCP, jeudi 4 novembre, l'ex-candidate à la primaire écolo, Sandrine Rousseau, s'est opposée à Fatiha Boudjahlat, enseignante, écrivaine et essayiste sur la question du port du hijab. L'échange tendu a débuté lorsque l'enseignante, connue pour ses positions laïques, s'est indignée de la récente campagne lancée par le Conseil de l'Europe sur le hijab, dont l'un de slogans proclame : « Ma liberté est dans le hijab ».

Pour Fatiha Boudjahlat, le voile est un symbole « rétrograde et sexiste » et la campagne du Conseil de l'Europe a quelque chose « d'orwellien ». « Avant on disait "Je suis libre de porter le hijab" et aujourd'hui on dit "Ma liberté est dans le hijab, ma beauté est dans le hijab". Cette campagne brasse les éléments de communications "girly" et les éléments de langage des islamistes. Tout ça pour normaliser une pratique patriarcale, rétrograde et sexiste », estime-t-elle. Tout en rappelant que le port du voile est « tout à fait légitime – ma mère porte le foulard, mes nièces portent le foulard… », l'essayiste explique que « la religion ce n'est pas l'identité irréductible des femmes, la religion est un choix et le degré de pratique religieuse est un autre choix. »

L'une des affiches de la campagne, retirée depuis par le Conseil de l'Europe
DR

Des arguments auxquels Sandrine Rousseau est restée sourde, fondant son intervention sur le droit des femmes à s'habiller comme elles veulent. « Ça me désespère que le corps des femmes et la manière dont elles habillent leur corps soient encore un sujet. » Sans s'intéresser à qui se trouvait derrière cette campagne.

Or, comme l'a montré Marianne dans une enquête publiée mercredi, cette campagne a notamment été organisée par Femyso, une organisation proche de l'UOIE, qui gravite dans la galaxie des Frères musulmans. Et lorsque Fatiha Boudjahlat lui fait remarquer que ces affiches font le jeu des islamistes, Sandrine Rousseau choisit de ne pas en dire un mot, comme s'ils n'existaient pas. Une « invisibilisation » commode…

Critiquer le patriarcat, c'est le servir

Plutôt que de parler des forces à l'œuvre, l'ex-candidate écolo préfère regretter que ce débat se fasse sans les personnes concernées. « En plus on parle de cela sans ces femmes, c'est une invisibilisation qui défie l'entendement », lance-t-elle. Mais une invisibilisation de qui ? Car face à elle, sur le plateau, c'est bien une femme, musulmane par ailleurs, qui lui porte la contradiction.

Certes, l'écologiste concède que « les religions veulent contrôler le corps des femmes. Que oui, les religions sont patriarcales. » Mais sans aller au bout de son propos. Un contrôle par quel biais ? Le voile, peut-être ? On n'en saura pas plus. L'ex-candidate poursuit : « L'idée de cette campagne, c'est de dire qu'on peut porter ce qu'on veut en Europe. Moi je considère que c'est un beau message ». Avant de se livrer à une cascade que « Jean-Pierre Belmondo » n'aurait pas su reproduire : « Chaque fois qu'on parle du corps des femmes, à chaque fois qu'on parle de comment on doit l'habiller, on sert le patriarcat. » Ce qui veut donc dire que lorsque Fatiha Boudjahlat critique le port du hijab, considérant qu'il s'agit d'un instrument au service du patriarcat, Sandrine Rousseau considère qu'elle sert… le patriarcat.

Aveugle aux enjeux du voilement

« Madame, essayez de déconstruire votre privilège de bourgeoise blanche, lui lance, non sans malice, l'essayiste. Vous défendez pour vous un degré de dignité total et pour les femmes qui ne sont pas comme vous, les femmes comme moi, vous dites "c'est bon, restez à votre place dictée par le patriarcat religieux". » La déconstruction ? Un argument « trop facile », selon Sandrine Rousseau. Ce n'était pourtant pas « trop facile », lui rappelle son interlocutrice, lors de la primaire EELV, alors qu'elle était opposée à Yannick Jadot. « Je ne fais pas confiance à des hommes ou femmes qui n'ont pas fait le chemin de la déconstruction », expliquait-elle lors du débat organisé par LCI.

Sandrine Rousseau ne dira rien non plus de la pression qui s'exerce sur celles qui voudraient retirer leur voile. En fin d'intervention, elle estimera simplement que toute femme est libre de le porter et de l'enlever. Une « liberté » dont Fatiha Boudjahlat doute sincèrement. « Vous ne connaissez pas ce monde-là, vous n'allez pas m'apprendre ce que c'est que cette culture, c'est la mienne », reprend l'écrivaine. « Vous êtes libres de porter ce que vous voulez, comme vous voulez, dans l'espace que vous voulez, et c'est ça la liberté des femmes, parce que c'est ça, profondément, l'émancipation, de pouvoir un jour le porter et le lendemain de ne plus le porter », répète inlassablement Sandrine Rousseau. « Ça n'arrive jamais et les femmes sont en danger quand elles l'enlèvent mais ça, vous ne le savez pas, vu vos fréquentations bourgeoises et blanches », martèle en réponse Fatiha Boudjahlat.

Quelques heures plus tard, voyant la vidéo du débat se propager sur Twitter, Sandrine Rousseau a réagi sur le réseau social… pour « checker ses privilèges », selon la novlangue en vigueur. Plus facile que d'admettre les contradictions de son discours ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne