Abus sexuels : ce que l’Église envisage en réparation aux victimes

Ce lundi, les évêques s’apprêtent à révéler plusieurs mesures pour lutter contre la pédocriminalité dans l’Église dans la foulée du rapport Sauvé. Parmi elles, l’indemnisation des victimes, estimées à 330 000 depuis les années 1950.

Les évêques de France clôturent ce lundi leur assemblée plénière à Lourdes (Hautes-Pyrénées). AFP/Valentine Chapuis
Les évêques de France clôturent ce lundi leur assemblée plénière à Lourdes (Hautes-Pyrénées). AFP/Valentine Chapuis

    Ils ont reconnu « la responsabilité institutionnelle » de l’Église, dévoilé la photo d’une sculpture d’enfant pleurant, prié et demandé, après le tintement lent du glas, pardon à Dieu sur l’esplanade de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire à Lourdes. Et après ? Les évêques de France clôturent ce lundi leur assemblée plénière, un mois après les révélations retentissantes du rapport de la Ciase sur les abus sexuels dans l’Église catholique en France. Ils doivent dévoiler dans la journée leurs travaux, particulièrement attendus sur la question de l’indemnisation des victimes.

    Sur quoi ont travaillé les évêques ?

    Les quelque 120 prélats réunis sept jours dans la cité mariale ont consacré environ 40 % de leurs travaux sur le sujet de « la lutte contre les violences et les agressions sexuelles sur mineur » dénoncées dans le rapport de la commission Sauvé rendu public le 5 octobre. Ce dernier estime à 330 000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, religieux ou personnes en lien avec l’Église (surveillants d’internats, enseignants…) et formule 45 recommandations pour tenter de lutter contre ces abus.

    Comment se décident les mesures ?

    Plusieurs sujets seront évoqués lors de la clôture ce lundi. « Les mesures sont soumises au vote des évêques présents, et il faut deux tiers des voix pour qu’elles soient votées », précise Karine Dalle, responsable communication de la CEF (Conférence des évêques de France).

    Des résolutions ont-elles déjà été décidées ?

    Oui, une a déjà été votée vendredi : la reconnaissance de la responsabilité de l’Église dans les crimes sexuels sur mineurs et leur dimension « systémique » ces soixante-dix dernières années. D’autres dossiers sont tranchés, comme l’indemnisation individuelle des victimes que préconise le rapport. « Cette semaine, il s’est passé des choses. Il y a eu cette prise de conscience, cette écoute des victimes. Il doit y avoir un devoir de justice et de réparation qui doit être traduit de façon très concrète. (…) C’est cela qui va être mis en œuvre à la suite des décisions que les évêques vont prendre demain matin (ce lundi) », a annoncé devant la presse Luc Crépy, évêque de Versailles et président du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la CEF.

    L’indemnisation envisagée par les prélats devrait concerner les personnes victimes de faits prescrits mais pas seulement, toutes les demandes seront honorées, a assuré le porte-parole de la CEF, Hugues de Woillemont. Comme annoncé en mars, une instance nationale s’occupera d’instruire les demandes. Le nom de sa présidente doit être annoncé ce lundi. Elle composera ensuite sa commission. Reste à savoir d’où viendra l’argent, un sujet de discorde entre la Ciase, qui refuse l’appel aux dons des fidèles, et l’Église.

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    « Il faut que ce soit l’institution qui soit amputée, c’est une évidence pour moi », a affirmé ce dimanche l’archevêque de Strasbourg, Luc Ravel. Les évêques devraient par ailleurs s’engager à améliorer les cellules d’écoute de victimes dans les diocèses et à mettre en place une « cartographie des risques », comme recommandé par la Ciase, et confirmer, avec l’accord du Vatican, la mise en place prochaine d’un tribunal pénal canonique interdiocésain, composé de laïcs et de prêtres.

    « L’ensemble du rapport a été reçu, une recommandation n’a pas été écartée. (…) Il y a des résolutions qui peuvent recevoir une réponse rapide, d’autres qui sont plutôt à moyen ou long terme, comme les recommandations qui relèvent d’une décision avec Rome, comme des questions de doctrine », prévient Hugues de Woillemont.

    Qu’attendent les victimes ?

    « Que toutes les mesures préconisées par le rapport soient mises en place », plaide d’emblée Arnaud Gallais, victime entre l’âge de 8 et 11 ans d’un prêtre pédocriminel, et membre du collectif De la parole aux actes avec notamment François Devaux, de La Parole libérée. Il souhaite également que soit actée l’indemnisation des victimes. « J’ai une pensée pour toutes les personnes en situation de précarité dont on ne parle pas », pointe-t-il. En plus d’une reconnaissance de l’Église, son collectif attend également un geste de l’État. « Lorsqu’il y a un prêche douteux d’un imam, Gérald Darmanin ferme la mosquée. Et là, on ne l’entend pas sur ce sujet alors qu’on parle de 330 000 enfants abusés, c’est un vrai crime contre l’humanité », tempête Arnaud Gallais, qui craint que cette assemblée « n’accouche d’une souris ».